Meurtre de Vanille : faut-il maintenir le lien familial à tout prix ?

par Cédric STANGHELLINI
Publié le 11 février 2020 à 7h01, mis à jour le 11 février 2020 à 15h01

Source : TF1 Info

DRAME - Le meurtre de la petite Vanille par sa mère, qui a reconnu les faits, lors d'un droit de visite vendredi à Angers, relance la question du maintien du lien entre parents et enfants dans des contextes familiaux sensibles. La France, comme on lui reproche souvent, fait-elle le choix de privilégier une relation avec le parent, en dépit de l'intérêt de l'enfant ?

Un triste dénouement qui a choqué et ému. Après le déclenchement d'une alerte enlèvement samedi soir pour retrouver Vanille, une fillette de 1 an enlevée par sa mère lors d'un droit de visite dans la journée de vendredi, on apprenait le dimanche matin que la mère avait été retrouvée dans un hôtel, seule. Et dans la soirée, le procureur annonçait que le corps de Vanille avait été retrouvé et que sa mère avait reconnu l'avoir tuée. 

Un meurtre prémédité apprenait-on dans la soirée du lundi 10 février de la bouche du procureur Eric Bouillard. Dans ce contexte, les modalités de son droit de visite restent un point central de l'enquête. La fillette était placée dans un foyer depuis sa naissance et sa mère, jugée inapte à l'élever, disposait d'un droit de visite. Lors d'un point presse en fin d'après-midi, Christian Gillet, président du conseil départemental du Maine-et-Loire, a affirmé qu'il n'y avait "absolument pas eu de négligence" de la part des services sociaux. "On ne maintient le lien parent-enfant que lorsque c'est possible". Un juge des enfants la laissait voir sa fille d'un an près de 2 jours par semaine, sans la supervision d'un tiers. Une amélioration de relation entre la maman et Vanille avait même été notée ces dernières semaines. 

"J'espère que "l’Inspection générale de la justice va se saisir du dossier pour comprendre comment ces successions de mauvaises décisions ont été prises." Contacté par LCI, Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l'enfance, instance rattachée à Matignon, dénonce des défaillances. "Pourquoi est-ce que les visites ont été maintenues alors que la mère a d’importants antécédents psychiatriques, des tendances suicidaires et que cela ne s’était déjà pas bien passé avec sa fille aînée ?" Selon les éléments communiqués par le procureur d'Angers Eric Bouillard dimanche,   Nathalie Stephan avait déjà raccompagné sa fille aînée, née d'une précédente union, avec du retard lors d'une visite encadrée par les services sociaux. La petite Vanille n'avait que un an, "que faisait-elle seule avec sa maman pendant 48 heures ?", s'interroge Lyes Louffok. 

Des situations toujours délicates qui ne s'apprécient qu'au cas par cas

"Depuis les années 80, deux idéologies se sont succédé, reconnaît auprès de LCI le porte-parole du Secrétariat d'Etat chargé de la protection de l'enfance. C'était soit le tout famille, soit le tout placement. Deux extrêmes qui ne se sont jamais révélés bons pour les enfants." Or, on a souvent considéré que la France, contrairement à d'autres pays, privilégiait le maintien du lien familial. 

William, ancien enfant placé dès l'âge de 2 ans après le décès de son père, aurait préféré que le lien avec sa mère soit rompu.  "Mes frères et moi étions obligés de voir notre mère car elle exigeait l'exercice de son droit de visite. D'abord en prison où elle était incarcérée, puis un dimanche par mois chez son nouveau compagnon." Une mauvaise expérience pour William. "Notre famille d’accueil nous récupérait toujours mal en point. Il a fallu attendre l'âge de 12 ans pour que le juge des enfants accepte finalement de nous écouter et suspendre les visites." 

La loi de 2016 relative à la protection de l'enfant a tenté de repréciser les choses. Notamment en donnant une définition de la protection de l'enfance "qui vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l'enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits." "C’est désormais cette définition qui guide les acteurs à tous les niveaux dès qu’il s’agit de prendre une décision, explique le Secrétariat d'Etat. La parole de l’enfant est davantage entendue."

Pour le docteur Frédéric Jesu, pédopsychiatre et vice-président de l’association Espoir-CFDJ, "une rupture totale entre l'enfant et les parents peut aussi représenter un traumatisme. "De par mon expérience, je sais que les procédures d’accompagnement ont un meilleur effet que les retraits brutaux", estime-t-il. Mais toujours en prenant en compte le "seul intérêt de l'enfant", juge-t-il bon de préciser.   

Une position partagée par le professeur Maurice Berger,  ancien chef de service en pédopsychiatrie au CHU de Saint-Étienne. "Le maintien du lien familial, sans séjour dans la famille, me paraît en général préférable sinon l'enfant risque d'idéaliser  des parents pourtant maltraitants ou d'éprouver un sentiment d'abandon."

Le gouvernement a récemment annoncé l'arrivée de 70 juges des enfants et 100 greffiers supplémentaires afin que les actes concernant ces décisions difficiles soient prises le plus rapidement possible et en fonction de l'évolution des situations familiales. 


Cédric STANGHELLINI

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