COMBAT - En grève de la faim depuis deux semaines, Philippe Demeestère, prêtre à Calais, doit rencontrer ce mercredi Didier Leschi, le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). Celui qui se bat pour un meilleur accueil des migrants dit cependant ne pas beaucoup espérer de cette rencontre.
L'homme est assis seul sur l'une des chaises en bois de l'importante église Saint-Pierre, à Calais. En polaire, manteau et bonnet, il le répète, après plus de deux semaines de grève de la faim, il "va bien" et est toujours aussi déterminé. Philippe Demeestère, prêtre jésuite de 72 ans, proteste, avec deux militants de l'association Shanti, contre le "harcèlement quotidien" des migrants à Calais. "Ce qui se vit ici est inadmissible et inhumain", affirme-t-il à LCI ce mercredi, disant côtoyer des gens qui "depuis des mois vivent sans tente et dorment à même le sol sous la pluie et le vent".
"Il y a un vrai ras-le-bol. On traine décennie après décennie des problèmes qui ne sont jamais résolus", reproche-t-il. "Nos pouvoirs publics sont dans la démission. (...) C'est quoi ces pouvoirs qui refusent d'empoigner les problèmes à bras le corps ?"
Les migrants, un outil politique ?
"Je ne peux pas laisser dire que rien n'a été fait", rétorque sur LCI la députée LaREM des Hauts-de-Seine, Céline Calvez. "Dès 2017, on a regardé la réalité en face : le traitement des demandes d'asile était tel que dès 2018, avec la loi 'asile et immigration', on a pu non seulement mettre des moyens en place pour réduire le délai de traitement des demandes d'asile, mettre à disposition plusieurs de milliers de places d'hébergement et on a enfin permis aux personnes de travailler sans réponse à leur demande d'asile dans un délai de 6 mois", explique-t-elle.
Le religieux, arrivé à Calais en février 2016 quelques mois avant le démantèlement de "la grande Jungle", témoigne d'un "renforcement du harcèlement dont sont victimes les migrants et les associations", qu'il explique par le fait que le gouvernement veuille afficher "par rapport à monsieur Zemmour et madame Le Pen sa propre fermeté sur cette question migratoire". Il regrette également le manque d'humanité dont fait preuve la France pour l'accueil de ces migrants, "qui ne font face qu'à des formulaires".
Il n'y a pas matière à discussion lorsque quelqu'un est en train de crever dans la rue.
Philippe Demeestère, prêtre jésuite
L'aumônier et les militants qui l'accompagnent dans sa grève de la faim réclament la suspension des expulsions et des démantèlements de campements durant la trêve hivernale, l'arrêt de la confiscation des tentes et des effets personnels des personnes exilées durant cette même période, ainsi que l'ouverture d'un dialogue citoyen raisonné entre autorités publiques et associations non mandatées par l’État.
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Ils doivent rencontrer ce mercredi Didier Leschi, le patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii), envoyé par le gouvernement pour une mission de médiation. "Il y a d'abord un effet d'affichage parce que nous n'avons pas été les premiers prévenus. Ça a été la presse", dénonce-t-il, affirmant ne rien avoir à lui dire. "J'attends une réponse qui soit 'oui' ou 'non'. Il n'y a pas matière à discussion lorsque quelqu'un est en train de crever dans la rue", lance Philippe Demeestère. "Les exilés ne sont que l'objet de marchandage. Ce dont il s'agit, c'est de pouvoir les utiliser dans la campagne électorale et dans un marchandage avec les Britanniques."
Philippe, Anaïs et Ludovic ont entamé une grève de la faim à Calais. Nous ne voulons plus avaler les mensonges et digérer la maltraitance envers les personnes exilées. Il y a urgence à suspendre les expulsions de camps, vols de tentes et à ouvrir un dialogue entre État et assos pic.twitter.com/Pl5REE4gci — Utopia 56 (@Utopia_56) October 12, 2021
Philippe Demeestère dit vouloir poursuivre sa grève de la faim "au moins jusqu'au 2 novembre", jour de la Toussaint, "en mémoire au plus de 300 personnes qui sont décédées devant cette frontière". Il compte ensuite s'assurer qu'il n'y a pas eu d'expulsions de campements lors des premiers jours de la trêve hivernale qui débute le 1er novembre. "Et puis j'aviserai." Une pétition, signée par plus de 35.000 personnes, a été lancée pour soutenir son combat.