Moi, cheminot en grève (Ep. 1) : "Aujourd'hui, on mettait le pied à l’étrier"

par Youen TANGUY
Publié le 3 avril 2018 à 19h25, mis à jour le 11 avril 2018 à 22h52
Moi, cheminot en grève (Ep. 1) : "Aujourd'hui, on mettait le pied à l’étrier"
Source : LCI

CARNET DE BORD - Alors que débutait ce mardi la mobilisation des cheminots contre la réforme de la SNCF, nous nous sommes rendus à Trappes pour rencontrer Wladimir, un jeune conducteur de train en grève. C'est lui que nous allons suivre tout au long des trois mois que doit durer le mouvement.

Wladimir agite son gilet orange pour nous indiquer la route. Après quelques minutes de marche et une traversée houleuse de la quatre voies, nous retrouvons ce conducteur de train devant un des bâtiments du dépôt ferroviaire de Trappes (Yvelines) où il fait le piquet de grève avec une dizaine d’autres cheminots depuis 3 heures du matin.

Le petit groupe s'est stratégiquement installé face au local où les conducteurs passent tous les matins pour prendre leur service. "L’idée n’est pas d’empêcher les non-grévistes de travailler, mais de discuter avec eux pour les convaincre de nous rejoindre", assure le jeune homme.

Suppression de l'embauche au statut à la SNCF, ouverture à la concurrence ou encore transformation de la SNCF en société anonyme, prémices d'une future privatisation pour les syndicats, sont autant d'épouvantails à leurs yeux. Ils estiment aussi que la réforme "ne réglera pas le sujet de la dette (46,6 milliards d'euros fin 2017) ni celui des dysfonctionnements".

Tout le monde est contre la réforme du gouvernement, mais certains cheminots, notamment les plus jeunes, sont frileux
Wladimir, conducteur de train

Wladimir est entré la SNCF il y a six ans en tant que conducteur de manœuvre. En 2016, il évolue au poste de conducteur de trains de ligne et décide, dans la foulée, de se syndiquer. "J'ai rejoint la CGT au moment des grèves de 2016 et je milite activement depuis". Malgré la courte nuit qu'il vient de passer, Wladimir a le sourire : "On y va avec détermination parce que si nous les cheminots on commence à baisser la tête, on ouvre un boulevard pour tout le reste du service public".

"Tout le monde est contre la réforme du gouvernement, mais certains cheminots, notamment les plus jeunes, sont frileux et craignent des répercussions, indique Wladimir. D'autres sont carrément résignés et n'ont pas conscience de l'impact que peut avoir une grève".

Une centaine de grévistes à l'assemblée générale

Il est 9h30, et le petit groupe se densifie pour très vite passer à une centaine de personnes. Dans quelques minutes doit se tenir dans la cafétéria aux murs jaunes et rouges du dépôt, la première assemblée générale. "On va discuter et voter sur les actions à venir, les modalités de la grève et plus généralement donner la parole aux cheminots", indique le secrétaire général de la CGT Cheminots de Trappes Axel Persson.

La petite centaine de grévistes s'est installée autour des grandes tables. Par dessus leurs gilets oranges, certains arborent des autocollants aux slogans sans équivoque : "Pour Macron, nous sommes tous des privilégiés... sauf les patrons et les banquiers". 

Après une brève introduction du secrétaire général, les débats commencent. "Dans combien de temps sera débloquée la caisse nationale de grèves ?" demande un des grévistes. "C'est loin d'être la priorité, lui rétorque un autre. Il faut avant tout mobiliser un maximum de cheminots".

Aujourd'hui, c'était le jour pour se mettre le pied à l'étrier", nous glisse à l'oreille Wladimir. Demain, ce sera le temps des actions
Wladimir, conducteur de train

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Les mains enfoncées dans les poches de son duffle-coat bleu marine, Wladimir écoute avec attention les débats. Il est missionné de donner la parole aux uns et autres et fera partie du groupe en charge d'organiser le mouvement de grève à Trappes ces trois prochains mois. "On veut surtout convaincre les non-grévistes de nous rejoindre", confie-t-il.

Une heure trente après le début de l'AG, les cheminots votent à l'unanimité la reconduction de la grève pour mercredi et quelques actions pour la journée de samedi. "Aujourd'hui, c'était le jour pour se mettre le pied à l'étrier", nous glisse à l'oreille Wladimir. Demain, ce sera le temps des actions".

Il faut encore que j'aille chercher mes enfants à l'école à 16h
Wladimir, conducteur de train

Après l'assemblée, quelques grévistes ont prévu de se rendre à Paris pour la manifestation qui doit partir de la gare de l'Est en début d'après-midi. Wladimir regarde sa montre et pose son index sur son menton : "Niveau timing, ça risque d'être compliqué pour moi. Il faut encore que j'aille chercher mes enfants à l'école à 16h. Tant pis, ça sera pour la prochaine fois." Le rendez-vous est pris.


Youen TANGUY

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