Oui, les dons pour la reconstruction de Notre-Dame ont bien servi à financer des salaires

Publié le 30 septembre 2020 à 17h15, mis à jour le 30 septembre 2020 à 23h10

Source : JT 20h Semaine

TRANSPARENCE - Un rapport d'étape publié mercredi par la Cour des comptes réclame plus de transparence sur l'affectation des 824 millions d'euros collectés au profit de la reconstruction de Notre-Dame. En cause : une entorse à la loi du 29 juillet 2019 qui ne prévoirait pas que les dons puissent financer les frais de fonctionnement de l'établissement public en charge des travaux. Une interprétation qui n'est pas partagée par l'exécutif.

La Cour des comptes avait promis, dès le mois d'avril 2019, de contrôler régulièrement la façon dont le gigantesque mouvement de dons ayant suivi l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris serait affecté pour sa reconstruction. A ce titre, elle a livré mercredi un premier rapport d'étape mitigé sur la façon dont l'établissement public à caractère administratif chargé des travaux, présidé par le général Jean-Louis Georgelin, utilise cette cagnotte exceptionnelle. 

Tout en saluant l'efficacité du maître d'ouvrage face à l'urgence dans laquelle se trouvait le monument en péril, la Cour des comptes estime que l'utilisation des fonds, soit 824 millions d'euros de promesses dont 184 millions avaient déjà été collectés fin 2019, "n'est pas suffisamment transparente" et que les modalités de financement de l'établissement public ne seraient pas conformes à la loi du 29 juillet 2019

Des dons qui financent loyer et salaires

La principale critique de la Cour des comptes tient à ce que l'Etablissement public chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame est intégralement financé par ces dons, y compris son fonctionnement, qui représente 5 millions d'euros par an. Ainsi, la générosité publique sert à payer le loyer des locaux qu'il occupe au 2 bis, cité Martignac (7e arrondissement de Paris), un espace de 236 mètres carrés appartenant à l'Etat au montant annuel de 263.000 euros (charges comprises). 

La collecte a également permis de provisionner les dépenses correspondant aux rémunérations des 39 collaborateurs qui composeront à terme l'équipe de l'établissement public, et dont l'embauche n'est pas encore achevée, précise la Cour. "Le budget 2020 comprend des dépenses de fonctionnement arrêtées sur un effectif en année pleine, alors que les recrutements ne seront effectués que progressivement", note à ce titre le rapport. 

L'utilisation directe des dons pour payer ces charges de fonctionnement est "une dérogation avec la pratique habituelle" pour les établissements publics de ce type, assure-t-il. Surtout, elle serait en contradiction avec la loi du 29 juillet 2019, qui encadre la souscription nationale. L'article 2 de cette loi stipule en effet que "les fonds recueillis sont exclusivement destinés au financement des travaux de conservation et de restauration de la cathédrale et de son mobilier", ainsi qu'à la formation des professionnels requis pour ces travaux. 

"Ce que nous demandons, c'est que soit mis fin à cette débudgétisation et que les subventions soient inscrites au budget du ministère de la Culture pour assurer le financement de l'établissement public", a fait savoir le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, mercredi matin. 

Assurer la transparence de l'utilisation des dons

Dans sa réponse à la Cour des comptes, le ministère de la Culture a toutefois assumé cette situation dérogatoire, estimant que les opérations de maîtrise d'ouvrage et le fonctionnement de l'établissement public étaient "non détachables". "L'Etat procède en toute transparence sur ce point", assure le ministère, rappelant que son ancien ministre, Franck Riester, avait clairement énoncé, en juillet 2019, que "les fonds issus de la souscription nationale serviront aussi à financer le fonctionnement". 

Une explication qui n'a manifestement pas suffi à la Cour des comptes, pour laquelle les charges de fonctionnement de l'établissement présidé par Jean-Louis Georgelin devront à l'avenir dépendre d'une subvention annuelle du ministère de la Culture. 

Plus globalement, le rapport appelle l'exécutif a garantir la transparence de ces mécanismes car, selon la Cour, les modalités actuelles ne permettent pas aux organismes collecteurs (Centre des monuments nationaux, Fondation de France, Fondation du Patrimoine et Fondation Notre-Dame) de remplir "leurs obligations tant législatives que contractuelles en termes de compte rendu aux donateurs de l'emploi de leurs dons". 

Au-delà de la polémique sur les 5 millions d'euros annuels de budget de fonctionnement, la générosité collective a permis de financer les premiers chantiers d'urgence destinés à sauver le monument, évalués à 165 millions d'euros en juillet 2020.


Vincent MICHELON

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