SOS Méditerranée vient de passer trois semaines d'errance en mer.Malgré tout, l'ONG a annoncé vendredi sa volonté de repartir.Entretien avec Fabienne Lassalle, la directrice adjointe de l'association humanitaire.
Rien ne semble tarir leur détermination. Après avoir provoqué une crise diplomatique et erré trois semaines en mer, l'ONG SOS Méditerranée a annoncé ce vendredi 11 novembre avoir l'intention de repartir à bord de l'Ocean Viking. Et ni les obstacles politiques, ni les critiques de la fachosphère, ni même des finances dans le rouge ne paraissent les empêcher de mener à bien leur mission : sauver des vies en mer. Dans ce contexte, comment l'association appréhende-t-elle son nouveau départ ? Les obstacles vont-ils mettre à mal sa mission de sauvetage ? Fabienne Lassalle, la direction adjointe de l'association, répond à TF1info.
Quel bilan tirez-vous des trois dernières semaines ?
Elles ont eu un caractère particulièrement inédit, puisqu'il y a eu deux premières pour nous. D'abord, c'est la première fois que l'un des bateaux de SOS Méditerranée attend aussi longtemps avant d'avoir un port sûr. Or, faut-il encore le répéter : cette attente est contraire au droit maritime. Celui-ci prévoit que l'on puisse débarquer des rescapés le plus rapidement possible, dans les meilleures conditions, dans le port sûr le plus proche. Au total, 46 demandes pour trouver un port sûr ont été envoyées aux autorités maritimes compétentes par l'Ocean Viking avant d'avoir l'autorisation de débarquer à Toulon.
L'autre fait inédit, c'est le lieu du débarquement. C'est la première fois que l'on arrive en France. Une première qu'on ne veut pas voir se reproduire. Débarquer en France n'est pas une solution souhaitable pour nous, car cela complexifie terriblement les opérations. C'est inefficace, inadapté et dangereux pour les personnes à bord. Sur un bateau de 70 mètres où se trouvent plus de 200 personnes, chaque heure qui passe est un risque en plus. Par ailleurs, cette attente est également coûteuse et représente autant de temps perdu où on ne peut pas secourir les autres personnes. À chaque jour qui passe, ce sont des morts en mer qui se rajoutent aux plus de 1350 décès déjà enregistrés en Méditerranée centrale cette année.
Sur le bateau, chaque heure qui passe est un risque en plus
Fabienne Lassalle, directrice adjointe de SOS Méditerranée
SOS Méditerranée pourrait à nouveau être soumise à un tel blocage. Vous comptez repartir en mer malgré ce risque ?
Oui, nous ne pouvons pas faire autrement. Si l'on veut éviter le carnage en mer Méditerranée, et tant que les États n'endosseront pas ce rôle, nous continuerons. Nous sommes des humanitaires, notre rôle est de porter assistance aux personnes en détresse. Nous ne pouvons pas mettre à la poubelle nos valeurs d'humanité et d'aide en attendant qu'un mécanisme de solidarité européenne soit mis en place. Mais nous allons quand même continuer à le dire haut et fort : nous réclamons un tel mécanisme pour ne pas avoir à rejouer cette scène complètement cynique et inhumaine. On a parlé politique pendant des semaines, alors que ce sont de vies humaines et de morts potentielles dont on parle.
Très concrètement, une fois que notre navire aura terminé cette escale technique, nous repartirons. Tant que des solutions ne seront pas trouvées et que des personnes se noient en mer Méditerranée, nous irons les secourir.
Si ce contexte de blocage politique ne vous arrête pas, existe-t-il d'autres obstacles à votre départ ?
Les obstacles sont nombreux. Il y a celui que l'on vient de détailler, qui ne nous empêchera jamais de repartir en mer. Quant au second, il est tout aussi explosif et important : nos finances. Et ici, la pérennité de notre mission est en jeu. Avec le contexte international, dont la guerre en Ukraine, nos coûts ont flambé, notamment à cause de notre besoin en fioul. L'explosion des tarifs ainsi que des prix de certains services nécessaires pour faire fonctionner le navire entraînent une augmentation très importante de nos coûts. Au total, nous subissons un surcoût de plus d'un million d'euros pour la seule année 2022. Et 2023 s'annonce du même ordre. Nous avons heureusement quelques ressources qui nous permettront de repartir en mer. Mais elles ne suffiront que pour quelques mois de missions. Pour venir à bout de cet obstacle, on fait donc ici un appel à l'Europe et à ses citoyens, qui ont toujours été présents pour nous financer, depuis le début. Pour éviter la mise en péril de la poursuite de nos missions, cet élan de solidarité doit être démultiplié.
De nombreuses voix se sont élevées contre votre activité. Comment faites-vous face à cette hostilité ?
Qu'il y ait des personnes hostiles à notre activité humanitaire, nous en faisons les frais depuis nos débuts. On rappelle que des personnes ont été lourdement condamnées en octobre dernier [après que le siège de l'association avait été occupée en 2018 par une vingtaine de militants du groupuscule d'extrême droite Génération Identitaire, ndlr]. Au-delà de ce groupuscule qui avait dépassé des limites, certaines critiques s'appuient sur des accusations complètement fausses. Comme ce mensonge qui consiste à insinuer qu'il existerait une quelconque complicité entre notre ONG et les passeurs. C'est faux. Et à chaque fois, nous nous élèverons contre ces propos diffamants et nous ne manquerons pas d'amener devant la justice leurs auteurs.
Pour surmonter ces attaques, heureusement, nous avons toujours beaucoup de soutien. Nous sommes nés d'une mobilisation citoyenne, et celle-ci est toujours aussi forte. Elle se voit dans nos finances d'ailleurs, puisque 89% de nos financements sont privés. C'est la preuve que le soutien à notre mission de sauvetage est indéfectible.
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