INTERVIEW - L'officiel des prénoms 2016, la bible des futurs parents, paraît le jeudi 15 octobre. Son auteur, Stéphanie Rapoport, nous livre les nouvelles tendances.
Y-a-t-il des surprises dans votre palmarès 2016 ?
Oui ! Chez les filles, la première place de Louise pouvait certes être prévisible car le prénom était sur une bonne lancée. Mais il y a quelques années, j'aurais plutôt vu Lola arriver ainsi au sommet. Elle perd finalement deux places et n'est que quatrième. Chez les garçons, l'entrée d'Adam dans le top 3 est quand même assez incroyable : jamais on ne l'aurait imaginée il y a une dizaine d'années. A l'inverse, je ne m'explique pas la chute vertigineuse de Nathan, de la première place l'an dernier à la neuvième aujourd'hui. On a pourtant cette année un renforcement des prénoms de l'Ancien Testament dans le palmarès masculin. De la même manière, on observe un renforcement des terminaisons en A dans les prénoms féminins. Sinon, dans les deux palmarès, on retrouve des prénoms toujours courts, qui font en général deux syllabes et cinq à six lettres.
L'an dernier, vous nous annonciez que
Timéo pourrait arriver rapidement en tête
. Il n'est que quatrième...
Timéo n'a pas fini de faire parler de lui, il a encore de la marge de progression et convoite les sommets. Mais peut-être connaîtra-t-il le destin de Théo, arrivé assez haut sans jamais réussir à prendre la première place...
Faut-il s'attendre à ce que les règnes de Louise chez les filles et de Léo chez les garçons durent plusieurs années ?
Oui, pour les prénoms féminins en tout cas : Léa puis Emma sont restées en tête pendant près d'une décennie. Les règnes paraissent un peu plus courts au masculin, même si Thomas avait également été en tête pendant neuf ans, et que Lucas a également connu quelques années au sommet. Mais même chez les filles, il n'est pas exclu que les cycles se raccourcissent. Emma pourrait en particulier rebondir puisqu'elle n'a été battue par Louise que d'une courte tête. De plus, c'est le prénom numéro un aux Etats-Unis : il est possible que cela lui redonne un petit élan.
Il n'y a évidemment pas de Laurence, Sylvie, Gérard ou Bernard dans votre classement. Pourraient-ils eux aussi un jour revenir au top ?
Ce sont vraiment des prénoms "anti-cote". Mais dans une trentaine d'années, ils pourraient très bien revenir : il faut compter trois ou quatre générations pour qu'ils s'éteignent dans la population et retrouvent l'attrait du prénom neuf. Aujourd'hui, ces prénoms très connus, très portés dans la population, ne sont donnés qu'à une cinquantaine d'enfants chaque année.
On avait évoqué après les attentats de janvier
une recrudescence du prénom Charlie
dans les maternités. Avez-vous pu le constater ?
Je n'ai pas encore les chiffres : il faudra attendre les données des états civils 2015 l'an prochain, et celles de l'Insee l'année suivante, pour avoir une vision claire. Ce que l'on a pu déjà observer en appelant les états civils, c'est que davantage de parents l'avaient donné en deuxième prénom. Mais Charlie était déjà en pleine expansion avant les attentats, au masculin comme au féminin d'ailleurs. Reste à voir si son ascension sera stoppée net ou pas.
La fréquence d'un prénom est-elle réellement sensible à de tels événements ?
Le cours d'un prénom est sensible, oui. Regardez l'affaire Grégory Villemin dans les années 1980 : le prénom a ensuite subi une chute libre. Un événement comme cela, un fait divers dramatique, a une répercussion immédiate.
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Fraise ou Nutella
se faire retoquer par des tribunaux. Avez-vous des exemples d'autres prénoms fantaisistes ?
Beaucoup sortent de l'ordinaire. Grace-Divine m'a par exemple sauté aux yeux, mais il y a quand même plus de 30 petites filles qui se sont fait appeler comme cela dans les années 2000. Il y a également des lettres qui deviennent des prénoms, comme M, portée par plus de 100 personnes en France. Le chanteur Matthieu Chedid a sans doute contribué à cette vogue, mais cela existait déjà avant. Depuis, on peut voir des parents donner à leur enfant un prénom lettre comme A, L, ou X ! Je suis étonnée que cela passe quand on voit que Fraise est refusée. Cela montre qu'il y a quand même une subjectivité de l'officier de l'état civil qui détermine si un prénom peut ou non porter préjudice à l'enfant.
Le choix du prénom est libre depuis
la loi de 1993
. Vous n'êtes pas favorable à de telles créations ?
Pas trop. C'est bien de donner une liberté aux parents car le prénom doit refléter le rêve, les goûts, l'histoire... Maintenant, donner libre cours à tous les types de prénoms n'est pas forcément une bonne idée car il faut penser à l'enfant, à ses intérêts et au fait qu'il risque de subir beaucoup de moqueries. Les officiers de l'état civil sont là pour alerter le procureur de la République.
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