"On est complètement perdus" : le stress des lycéens face au flou du grand oral du Bac

par Charlotte ANGLADE
Publié le 4 juin 2021 à 18h38, mis à jour le 4 juin 2021 à 18h49
"On est complètement perdus" : le stress des lycéens face au flou du grand oral du Bac
Source : DAMIEN MEYER / AFP

BROUILLARD - Le grand oral, épreuve inédite du baccalauréat, approche à grands pas. Pourtant, de nombreux élèves disent ne pas se sentir prêts. Certains de leurs professeurs, eux aussi, sont un peu perdus.

À un peu plus de deux semaines de l'épreuve inédite du grand oral du baccalauréat, le stress monte. Selon une enquête menée auprès de 1788 personnes, lycéens et parents de lycéens français (17 à 52 ans) par la start-up Max'Sens Innovations, plus 77% des élèves disent ne pas se sentir prêts. 

Le sondage, publié mercredi, révèle également que 83% des lycéens affirment ne pas avoir eu les bonnes conditions pour préparer le grand oral et que deux tiers d'entre eux ne se sent pas à l'aise lors de prise de parole en public.

Des élèves et des professeurs "dans le flou"

"On est complètement perdus" sur l'organisation de cette épreuve, nous confirme Lim-Thomas, en Terminale STI2D (sciences et technologies de l'industrie et du développement durable) dans le 15e arrondissement de Paris. Le candidat au bac de 17 ans confie ne pas très bien comprendre de que l'on attend de lui lors du grand oral. Pour Nicolas, qui s'apprête à passer un bac général avec spécialité mathématiques et physique à Lille, le "flou" est également total.

Sollicité par LCI, Rémy Reynaud, enseignant de sciences économiques et sociales (SES) au lycée Simone Veil à Marseille, ne trouve rien de très étonnant à cela. "Dans beaucoup d'endroits, on a eu des formations en distanciel sur la nature de cette épreuve, sur son organisation et sur la manière dont on allait évaluer les élèves, et les formateurs eux-mêmes disaient qu'ils tâtonnaient", rapporte-t-il. "C'est un facteur de stress pour les professeurs, et pour les élèves n'en parlons pas."

Une préparation à l'épreuve jugée insuffisante ?

Alors que, selon le sondage réalisé par Max'Sens Innovations, plus de trois quarts des élèves ne se sentent pas assez préparés à passer cette épreuve, le professeur y voit une explication très claire : "Depuis le mois de mars, les enseignants, sont censés continuer de travailler sur le programme et en même temps préparer cette épreuve. Donc ça pose des problèmes d'organisation extrêmement importants", confirme à LCI Rémy Reynaud. "Soit on considère qu'un tiers du programme n'est pas important, ce qui interroge, soit on continue quand même certains éléments du cours, ce qui réduit le temps consacré au grand oral." 

Selon Pasqual Kittel, professeur d'Histoire-Géographie au lycée Marie Curie de Strasbourg et secrétaire fédéral de SGEN/CFDT, beaucoup de professeurs ont choisi de permettre en priorité aux élèves de se préparer au grand oral. "La plupart du temps, le Grand oral a été préparé en présentiel grâce à des cours dialogués. L'intérêt de la préparation au grand oral, c'est que le format de 5 minutes permet de faire passer des élèves en grand nombre pendant une heure", explique-t-il à LCI. Sauf qu'avant cette présentation à l'oral, une longue préparation est nécessaire en amont, rappelle le professeur de SES marseillais, qui souligne que l'accompagnement de chaque élève est très chronophage, "d'autant plus lorsqu'on a des classes de 30 élèves".

Le Grand oral dans 18 jours : je n’ai pas commencé mes questions et les oraux blancs sont vendredi prochain.
Une internaute

Alors que chacun est censé avoir préparé deux questions sur l'un des chapitres abordés lors de l'enseignement de sa spécialité, qu'il doit présenter l'une des deux pendant cinq minutes à un jury lors du grand oral, beaucoup disent sur Twitter être en retard, voire ne toujours pas avoir trouvé les sujets qu'ils aimeraient aborder. "C'est la merde pour le Grand oral. Vendredi prochain, oraux, et je n'ai toujours rien commencé et je n'ai toujours pas ma question de physique", indique une internaute.

"Les élèves ont les thèmes sur lesquels ils peuvent décliner leurs questions depuis le début de l'année", fait remarquer Pascal Kittel, qui siège au conseil supérieur de l'Éducation. Il se veut cependant rassurant. "Un élève qui n'a pas encore préparé ses questions a encore le temps de le faire. Une question peut se traiter assez rapidement et nous, les professeurs, sommes complètement à l'écoute... à condition que l'élève nous interroge", explique-t-il. 

Il précise par ailleurs que jusqu'au 17 juin, les élèves de Terminale ne doivent plus avoir d'autres préoccupations que de se consacrer entièrement à la préparation de leur épreuve de philosophie, prévue le 17 juin, puis du grand oral, qui s'étale du 21 juin au 2 juillet. "C'est tout ce qu'ils ont à faire, avec une pression en moins par rapport aux autres années : en philosophie, seules les notes supérieures à celles du contrôle continu seront comptabilisées." 

Savoir parler en public, un apprentissage qui demande du temps

Pour Rémy Reynaud, le problème de préparation va au-delà du contenu : "Une grande partie de la grille d'évaluation de cet examen est associée à des éléments associés à l'éloquence. Or l'éloquence ne se travaille pas en trois mois. C'est un travail long que doivent intégrer les élèves", explique-t-il en notant des inégalités possibles entre des élèves qui ont pu avoir cours tout au long de l'année en présentiel, contrairement à d'autre, comme Lim-Thomas, qui n'ont eu cours qu'une semaine sur deux. "Tout cela nous inquiète énormément."

"Si les préparations au grand oral ont effectivement été variables selon les établissements - mais qui sont toujours variables selon les établissements ! - le mot clé de ce Grand oral est la bienveillance", tempère quant à lui Pascal Kittel. "C'est évident que l'équilibrage sera variable en fonction des atouts de chacun des élèves : si le fond est supérieur à la forme, c'est le fond qui l'emportera un peu, et inversement", fait savoir le membre du conseil supérieur de l'Éducation.

Certains élèves toujours pas convoqués pour leur Grand oral

Sur Twitter ces derniers jours, beaucoup d'élèves rapportaient d'autre part, visiblement stressés, ne toujours pas avoir reçu leur convocation pour le Grand oral.

Nicolas, le lycéen Lillois, nous rapporte de son côté avoir reçu jeudi sa convocation, à rendre le jour même après l'avoir fait signer par ses professeurs de spécialité. "Les profs nous ont dit qu'ils nous les avaient distribuées dès qu’ils les avaient eues. C'était la galère", déclare-t-il.

"Vu l'année stressante où tout a un peu été fait au dernier moment, le niveau de stress des élèves est très important. Il aurait été bien qu'ils puissent avoir leur convocation un petit mois à l'avance pour être au clair sur la façon dont ça va se passer", fait remarquer Rémy Reynaud, qui insiste sur le fait que les enseignants n'ont pas non plus reçu leur convocation. "Savoir à quel moment on va être convoqué, si on est convoqué, nous permet d'avoir une idée sur la façon dont va se passer cette fin d'année, qui est inédite", dit l'enseignant syndiqué à la CGT. 

Pour ce premier bac de la réforme instaurée par Jean-Michel Blanquer, perturbé par la crise sanitaire, le contrôle continu représentera au minimum 82% de la note finale de l'examen, l'épreuve écrite de philosophie et celle du grand oral correspondant aux 18% restants. Les deux examens sont les seuls qui ont été maintenus en présentiel. 


Charlotte ANGLADE

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