"On n’est pas du tout chez Bouddha ou un genre de secte" : le premier bar à méditation (de France) a ouvert à Paris, LCI a testé !

par Sibylle LAURENT
Publié le 14 avril 2017 à 9h30, mis à jour le 14 avril 2017 à 10h26
"On n’est pas du tout chez Bouddha ou un genre de secte" : le premier bar à méditation (de France) a ouvert à Paris, LCI a testé !

REPORTAGE - Le premier "bar à méditation" vient d’ouvrir, dans le quartier Opéra à Paris. L’idée : proposer aux salariés de découvrir cette manière de se reconnecter avec soi-même. Car la méditation, c’est prouvé, aide à lutter contre le stress. On a testé.

"On va commencer par la pointe du pied droit. Essayez d’explorer, avec curiosité, toutes les sensations, les différents niveaux de pression, les chatouillements, les fourmillements, comment ça bouge... » Il est 9 h, on est en chaussettes, le dos droit sur une chaise, à tenter de se reconnecter avec ses orteils, en écoutant Benoit, un psychothérapeute clinicien. Quelle idée... 

Il y a quelques semaines, a ouvert en plein Paris, dans le quartier Opéra, un "bar à méditation". Une première dans la capitale, et même en France. L’idée, lancée par Christine Barois, une psychiatre,  est de démocratiser cette pratique. Car sachez-le : la méditation, c’est prouvé scientifiquement, est une pratique excellente pour la santé. Et notamment, nous promet-on, pour "reprendre pied - ou orteil, donc - face au stress, à la colère, ou aux sollicitations incessantes du monde numérique". Bref, pour nous empêcher de disjoncter. Tout ce qu’il nous faut. Forcément, il fallait essayer.

Benoit, psychothérapeute clinicien a donc commencé, en silence, les yeux fermés,  à nous transporter dans une "méditation de pleine conscience". "Maintenant, vous allez explorer la pointe de votre pied gauche", poursuit-il. "Quelles sont les sensations ? Observez-les." Bon. Il faut bien avouer qu’on ne sent pas grand-chose. Qu’on pense au rendez-vous du jour, aux questions à poser, au programme du soir à caler. "Inévitablement, l’esprit va vagabonder", dit Benoit, pile à ce moment-là. Mince, grillée. Benoit serait-il omniscient ? En tout cas, pas culpabilisant : "C’est tout à fait normal", continue-t-il à dire doucement. "L’esprit commente votre expérience présente, décrypte ce qu’il y a à faire." C’est normal ? Bon, c’est déjà ça. "Gentiment mais fermement revenez a l’attention des sensations", reprend Benoit. 

Des orteils, on passe à l’exploration de la cuisse, des fesses, en contact avec le dossier. A la paume de la main droite, sur la cuisse. Puis la gauche. "Toute votre attention est focalisée sur le point de contact de votre peau", dit Benoit. "On se concentre uniquement sur les sensations présentes." A nouveau, l’esprit part en vrille, on pique un peu du nez, les yeux fermés, en se laissant happer par le passage d’un camion. Pas fichue de se concentrer plus de dix secondes. Dur. "Nous sommes assaillis de pensées en permanence", dit justement Benoit, décidément clairvoyant. "Revenons juste aux sensations." On continue donc à explorer les "champs de la conscience", l’abdomen, les épaules, l’air qui rentre par le nez, la poitrine qui se soulève, puis la totale, du "sommet du crâne à la pointe des orteils". De temps en temps, on entrouvre un œil. Tentée d’ébaucher un sourire, de rigoler. De détailler cette pièce lumineuse, tout en plancher et couleur taupe, apaisante, dans laquelle on nous a installé. Mais en face Benoit et Christine ont les yeux clos, concentrés. "On se concentre maintenant sur les sons, je prends conscience de tous ces sons, est-ce que c’est agréable ? Désagréable ?" Forcément, c’est le moment que choisit le téléphone de Florent, venu filmer, pour sonner.

Ici, pas de chakra ouvert ou fermé, pas de position du lotus, rien de compliqué. Pas de gong non plus, juste une ambiance zen, due auy plancher ciré, aux murs blancs, aux plantes vertes, aux teintes apaisantes. Ambiance "Il faut que les gens puissent arriver en costume de travail, et qu’ils puissent se poser", explique Christine à la fin de la séance. "L’idée est vraiment de s’éloigner du costume folklorique de la méditation. On n’est pas du tout chez Bouddha ou un genre de secte. C’est un endroit laïc, aux méthodes validées scientifiquement. On fonctionne avec une équipe d'une quinzaine de psychiatres ou de psychologues qui interviennent sur les différents créneaux."

Christine Barois, psychiatre orientée sur les thérapies cognitives et comportementales et auteure de "Pas besoin d’être Tibétain pour méditer", peaufinait cette idée de bar depuis quelques années. "J’ai commencé à travailler sur des programmes qui permettaient aux personnes ayant eu des épisodes dépressifs de ne pas rechuter", raconte-t-elle. "Je développais ce programme dans mon cabinet." Et un jour, en passant près d’une cabine à bronzer en train de fermer, elle a une idée : "Je me suis dit qu’il faudrait utiliser ces lieux pour autre chose, pour que les gens se sentent bien. Plutôt que des programmes très compliqués, inventer quelque chose de facile, d’accessible, pour tous." Elle se renseigne un peu, découvre que les "bars à méditation", ça n’existe pas. Ou alors à Los Angeles ou New York. Elle y est allée, a regardé, et cherché le moyen de l’adapter "à la française". Et si Christine a ouvert son bar en plein quartier de l’Opéra, ce n’est pas du tout par hasard. "Je vise la City !", dit-elle en riant. "Ici, il y a beaucoup de bureaux, des compagnies d’assurances, des banques. Des salariés qui sont très soumis au stress."

Au coeur des stressés

 Le bar à méditation de la rue Gaillon, niché entre deux immeubles de bureaux, pas loin des floppées de Japonais de la rue Sainte-Anne, commence à construire sa clientèle  tranquillement. Les salariés peuvent pousser la porte, de 8 h  à 19 h, ou s’inscrire en ligne aux séances proposées. Les réactions sont variées. "C’est innovant, donc des gens passent devant et s’esbaudissent", reconnaît Christine. "Mais d’autres rentrent très spontanément et demandent ce que c’est." Il y a aussi, déjà, un petit public de pratiquants : des jeunes chefs d’entreprise du quartier qui passent avant une réunion difficile, des avocates aux rythmes hyper stressant dans leur cabinet, des consultants, analystes, qui viennent prendre quelques instants, au calme, pour se poser. Si ça marche, Christine projette d'ouvrir un autre bar à La Défense, au coeur du réacteur des stressés. Car le besoin est réel.

 "Aujourd’hui, on a des Snapchat, des Facebook, des Whatsapp, des mails, et à chaque fois, ce sont des sollicitations qui mettent notre cerveau en état de stress physiologique, pour détecter si c’est une information agréable, désagréable, ou neutre. Et c’est épuisant", dit Christine. "Avec le numérique, on reçoit maintenant en deux mois de temps plus d’information à traiter qu’en une vie entière au Paléolithique. Et génétiquement, on n’a pas changé de cerveau."  Ah oui quand même ? Allez, on va reprendre une petite séance. 

> Bar à méditation, au 5, rue Gaillon, dans le 2e à Paris. Première séance : 15 euros, séance 30 minutes : 20 euros. Mensuel illimité : 200 euros. Espace Pyramide popur pratiquer seul : 5 euros drop-in et gratuit pour les abonnés.


Sibylle LAURENT

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