"On se bouche les oreilles et le nez" : des détenus racontent l'enfer de la surpopulation carcérale

Anaïs Condomines
Publié le 7 février 2018 à 6h00
"On se bouche les oreilles et le nez" : des détenus racontent l'enfer de la surpopulation carcérale
Source : PATRICK KOVARIK / AFP

PRISONS - Alors que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) publie ce mercredi 7 février un rapport sur la surpopulation carcérale, LCI a eu accès à des témoignages de détenus qui, depuis l'intérieur des cellules, racontent leur quotidien.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) livre ce mercredi 7 février un nouveau rapport accablant sur les conditions de détention dans les prisons françaises. Malgré les différents programmes de constructions de nouvelles cellules annoncés par les gouvernements successifs, la problématique de la surpopulation carcérale n'est toujours pas endiguée . 

En témoignent ces chiffres : au 1er janvier 2018, 68.974 personnes étaient incarcérées en France... pour 59.765 places. Une équation impossible qui engendre, selon ce rapport, des conséquences multiples. Sont ainsi impactées les conditions d'hygiène, à cause de douches vêtustes et pas assez fréquentes, les sorties à l'air libre, la qualité des soins prodigués aux détenus, le maintien des liens avec les proches ou encore - l'actualité nous l'a montré ces dernières semaines - les conditions de travail des surveillants. 

Construire de nouvelles prisons ? "Une fuite en avant"

Alors que le Contrôleur général exige une "réflexion politique nécessaire", en rappelant que "les programmes immobiliers sont une fuite en avant" et en conseillant d'instituer des statistiques "pour connaître la composition de la population carcérale de chaque établissement", nous avons voulu restituer la parole des détenus, qui ne peuvent témoigner de leurs conditions de détention qu'à travers leurs proches ou des courriers aux associations.

"Les cellules pour deux abritent quatre [personnes]" écrit par exemple un détenu de Ducos, en Martinique, à l'Observatoire international des prisons (OIP) en janvier 2014. "Le centre pénitentiaire de Ducos est l'un des plus surpeuplés de France avec plus de 1000 détenus pour une capacité de 500 places environ" poursuit-il "Ceux qui dorment à terre cohabitent avec des cafards, des souris, des scolopendres avec les risques de piqûres mortelles que cela peut entraîner. Les douches sont dans un état lamentable."

Nous sommes 3 dans une cellule de 9m2, vétuste et sale, sans douche."
Une détenue à l'OIP

Selon le CGLPL, "la surpopulation concerne principalement les maisons d'arrêt pour hommes". Les femmes seraient moins touchées, "ce qui n'exclut pas des situations locales critiques". Et en effet, LCI a eu accès à des lettres de femmes détenues en France, détaillant auprès de l'OIP leurs conditions d'incarcération.

Une détenue écrit ainsi : "À mon arrivée, le quartier femmes était surpeuplé. Toutes les cellules triplées. Depuis cinq mois, dans ma cellule nous sommes trois dans une cellule de 9m2, vétuste et sale, sans douche. Il y a donc un matelas par terre sur lequel je dors depuis cinq mois. Nous avons droit à trois douches par semaine et il est bien entendu que même là, nous y allons 4 par 4. Du fait de la surpopulation, la gamelle est restreinte car on est trop nombreuses."

Deux pas entre les toilettes et l'endroit où on mange
Une détenue dans un questionnaire de l'OIP

Afin de constater les conditions de vie des détenus, l'OIP soumet aussi des questionnaires aux personnes incarcérées qu'il suit. Voici une série de questions/ réponses, menée dans une prison pour femmes que nous avons pu consulter. On interroge ainsi une détenue sur la superficie de sa cellule - "8m2" - dans laquelle "à trois", elles se déplacent "difficilement, surtout avec un matelas au sol". À la question de savoir quelle distance sépare les toilettes du lieu de préparation des repas, la détenue répond "un pas", "et deux pas entre les toilettes et là où on mange". Enfin, le questionnaire demande : "Comment se passent les choses lorsque l'une des occupantes de la cellule doit se servir des toilettes ?". Réponse : "On se bouche les oreilles et le nez."

Du côté des déclarations politiques, Emmanuel Macron a annoncé devant la Cour européenne des droits de l'Homme, en octobre dernier, qu'il comptait favoriser les peines alternatives pour éviter la surpopulation carcérale, via une agence chargée d'encadrer les travaux d'intérêt général. "La France ne peut être fière des conditions dont certains sont détenus sur son territoire" avait-il alors ajouté. Un an plus tôt, en octobre 2016, le gouvernement avait promis 15.000 nouvelles places de prison : un projet qui devrait voir le jour "sur deux quinquennats"


Anaïs Condomines

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