POLÉMIQUE - Le rapport de l'Institut Montaigne, qui s'alarme de la prolifération des thèses islamistes sur internet et livre des pistes pour réformer la deuxième religion de France, est loin de faire l’unanimité chez les instances musulmanes du pays.
"Opportuniste", "partial", "amalgame". C’est peu dire que le rapport de l’Institut Montaigne n’a pas plu à la Grande mosquée de Paris. Dans un communiqué publié ce mardi, Dalil Boubakeur, son recteur, dézingue ce document intitulé "La fabrique de l'islamisme" publié lundi, jugeant qu'il fait "l'amalgame entre islam et islamisme".
"La Grande mosquée regrette que ce rapport opportuniste et partial ait pu tomber dans l’amalgame aisé entre islam et islamisme, oubliant volontairement la communauté musulmane de France", écrit le recteur. Celle-ci, attachée selon lui au respect "scrupuleux" du principe de laïcité, "a toujours su respecter les valeurs républicaines", ajoute-t-il. Il dit encore "s’étonner vivement des termes de ce rapport lacunaire qui fait fi de toutes considérations religieuses et d’analyse sociologique avérée".
Le constat d'une "progression de l'idéologie islamiste"
Le rapport du groupe de réflexion libéral, écrit par Hakim El Karoui, a été rendu en plein débat sur l'organisation de l'islam en France. Il s'alarme particulièrement de la prolifération des thèses islamistes sur internet, et livre des pistes pour réformer la deuxième religion de France. Le document énumère notamment les "usines de production de l'islamisme" (Frères musulmans en Egypte, wahhabisme en Arabie Saoudite, "turco-islamisme en Turquie"...) et souligne "l'incroyable" influence des réseaux sociaux dans son expansion, assurant que derrière Barack Obama ou Donald Trump, six des dix plus grands "influenceurs mondiaux" sont saoudiens.
En France, l'auteur du rapport, Hakim El Karoui, dit constater une "progression de l'idéologie islamiste" même si "les islamistes (...) sont largement minoritaires". Selon lui, les salafistes - branche rigoriste de l'islam - "gagnent du terrain à l'intérieur de la communauté", surtout chez "les jeunes ». "Il y a à peu près 800.000 à un million de personnes qui suivent un discours religieux (...) produit par les salafistes", a-t-il affirmé sur Europe 1, disant s'appuyer sur une étude d'un institut de sondage. Cet ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon constate aussi que le "halal" imprègne de plus en plus "la façon de vivre ensemble", avec le développement de sites communautaires, d'hébergement ou de covoiturage "halal".
C'est aux musulmans de s'occuper de leur religion, pas à l'Etat
Abdallah Zekri, du CFCM
Ce rapport est publié alors que sont organisées jusqu'à mi-septembre des "assises territoriales de l'islam de France" dans chaque département, sous l'égide des préfets, pour faire émerger auprès d'Emmanuel Macron des propositions sur l'organisation de l'islam de France et ses six millions de fidèles. Grands thèmes abordés : représentation institutionnelle, financement des mosquées et formation des imams et aumôniers.
Outre la Grande Mosquée de paris, le rapport n’a pas suscité particulièrement d’enthousiasme du côté du monde musulman. "C'est la montagne qui a accouché d'une souris, il n'y a aucune proposition nouvelle", a ainsi estimé Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français pour le culte musulman (CFCM), instance élue considérée comme représentative par les pouvoirs publics mais critiquée pour son manque d'efficacité. "C'est aux musulmans de s'occuper de leur religion, ce n'est pas à l'Etat de l'organiser", a-t-il estimé. L'ancien président du CFCM Anouar Kbibech a pour sa part dit sur BFMTV "ne pas constater du tout cette montée si inquiétante" de l'islamisme décrite dans le rapport.
Dans un communiqué, Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur, a quant à lui pris note de "propositions très intéressantes (...) qui appellent à un rassemblement et une mobilisation des musulmans républicains en France".
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