Paris : pourquoi des Japonais vont-ils nettoyer les jardins du Trocadéro ?

par Sibylle LAURENT
Publié le 10 mars 2016 à 10h30
Paris : pourquoi des Japonais vont-ils nettoyer les jardins du Trocadéro ?

TOURISME - La "Paris tourism association", qui regroupe neuf des plus gros tour-opérateurs japonais, lance une opération "d’embellissement de la capitale", en programmant dimanche un "nettoyage du Trocadéro". Une initiative qui étonne. Explications.

Les Japonais vont nettoyer Paris. Ramasser mégots, détritus, canettes écrasées qui traînent aux abords de la tour Eiffel. Dimanche, ils seront entre 60 et 80 expatriés, à venir nettoyer les jardins du Trocadéro à Paris.

Mercredi, la "Paris tourism association", qui regroupe 9 des plus gros tour-opérateurs japonais, communique sur cette opération "d'embellissement et de renouvellement des jardins du Trocadéro", qu’elle organise dimanche prochain.

Aussitôt la nouvelle annoncée, celle-ci a été reprise, en mode polémique, par Roger Karoutchi, sénateur Les Républicains des Hauts-de-Seine.

La critique n’est pas nouvelle : la propreté de Paris, ou plutôt sa saleté, fait frémir d’horreur les voyageurs venus du pays du Soleil-Levant, très à cheval sur les règles d’hygiène. En témoigne le mouvement Green Bird , implanté depuis 2007 à Paris : régulièrement, des jeunes Japonais débarquent dans les sites touristiques de la capitale pour les nettoyer.

Mais en l’occurrence, la propreté de Paris n’est là pas du tout en cause. C’est même totalement l’inverse. Le but affiché par les tour-opérateurs est d’essayer d’enrayer la chute de fréquentation des touristes japonais, qui, depuis les attentats de novembre dernier, contournent allègrement la France. Alors dans le détail, l’opération est surtout symbolique, pour appâter le touriste nippon en lui faisant miroiter à nouveau une belle image de Paris. "Cette opération n’est pas du tout parce que Paris est une ville sale !", explique à metronews Isabelle Bodard, porte-parole de Paris Tourism Association. "Nous allons aussi planter un cerisier, arbre traditionnel japonais qui fleurit au printemps, pour partager un moment de calme et de paix, montrer que Paris est apaisé, que tout va bien."

Opération séduction

Tout va bien, c’est ce que serinent en boucle politiques, chefs d’entreprise ou encore Atout France, organisme chargé de promouvoir la destination à l’étranger, depuis janvier dernier. Car si les tour-opérateurs refusent de communiquer la baisse de leur chiffre d’affaire, ceux de l’ Observatoire du tourisme à Paris montrent qu’en 2015, le le nombre de visiteurs japonais a reculé de 23,4%, par rapport à l’année d’avant, dans la foulée des attentats contre Charlie Hebdo. Les attaques de novembre 2015 ont accéléré le mouvement : en décembre 2015, les arrivées hôtelières à Paris ont reculé de 65,6% pour le Japon (- 23,2% pour les étrangers). "C’est un marché fidèle, mais qui est en érosion depuis déjà quelques années et qui affiche un des plus forts reculs ces derniers mois", explique à metronews l’Office de tourisme de Paris.

Plusieurs causes à cela. D’abord, le fait que la clientèle asiatique est ultra-sensible à toutes les questions de sécurité. Alors les problèmes de vols ou de pickpockets qui touchaient particulièrement les touristes asiatiques réputés pour venir avec de l’argent liquide sur eux, ont, depuis quelques années, fait douter. Les attentats et l’état d’urgence qui a suivi n’ont fait que précipiter les choses. "La situation économique du pays, et le Yen qui n’est plus très fort, font aussi que les Japonais voyagent moins ou privilégient les destinations plus proches d’eux", précise l’office de tourisme. Mais pour la France, qui accueille normalement près de 700 000 Japonais par an, l’enjeu est important. Le touriste japonais est l’un des plus lucratif, avec 205 euros déboursés par jour et par personne.

Alors depuis janvier, la machine à séduire est lancée. Anne Hidalgo et Valérie Pécresse sont ainsi parties la semaine dernière à Kyoto porter haut et fort le message "Les touristes japonais sont les bienvenus à Paris !" auprès des professionnels du tourisme, agences de voyage, tour-opérateurs, ou encore blogueuses japonaises influentes. Pour déminer le terrain, les antagonismes politiques ont été dépassés pour l'occasion : l’état d’urgence est un "dispositif de sécurité, nécessaire et utile, souvent incompris à l’étranger, en proie à beaucoup de fantasmes", ont-elles indiqué. Non, Paris n’est pas en guerre, la vie ne s’est pas arrêtée, et la capitale française affiche "les mêmes risques – pas moins et pas plus – que dans les autres grandes métropoles". Le tout était doublé d’un appel du pied sur les réseaux sociaux, Anne Hidalgo ses déclarations d’amour aux Nippons les yeux dans les yeux et surtout, directement en langue japonaise...


Le sujet est aussi pris à coeur au plus haut niveau : Jean-Marc Ayrault, nouveau ministre des Affaires étrangères, a indiqué que le développement de l’attractivité touristique de la France était l’un de ses "axes prioritaires", et a lancé un "Grand tour" jusqu’en juillet, pendant lequel des ambassadeurs vont sillonner la France et montrer le "dynamisme exceptionnel des territoires", indique le dossier de presse. Atout France a elle aussi multiplié les invitations aux délégations nippones, et pour leur faire constater "le retour à la normalité et au calme".

Alors, l’opération de dimanche ne suffira sans doute pas à ramener les comptes à l’équilibre, mais elle veut participer au mouvement. "On essaie de redonner envie aux touristes, car on ne peut pas faire faire 15 000 km à quelqu’un s’il n’en a pas envie", explique Isabelle Bodard. Elle ne cache pas que tous les professionnels du tourisme ont un dernier espoir : l’arrivée de la nouvelle saison touristique au Japon, avec son lot de nouvelles brochures et d’offres promotionnelles, qui commence… début avril.

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Sibylle LAURENT

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