#PasdeVague : les chefs d'établissements en première ligne

Anaïs Condomines
Publié le 22 octobre 2018 à 16h16
#PasdeVague : les chefs d'établissements en première ligne

Source : Clemens v. Vogelsang

ECOLE - La vidéo montrant une professeure de Créteil braquée par un élève dans sa salle de classe a produit un sursaut dans le corps enseignant. A coups de tweets via le hashtag #PasdeVague, ils dénoncent leurs conditions de travail. Et placent les responsables d'établissements en première ligne de leurs revendications.

Une vidéo à l'origine de la contestation. Les images, publiées dimanche 21 octobre, montrent une professeure de Créteil se faire braquer par un élève, au moyen d'un pistolet à billes, dans sa salle de classe. Une fois l'affaire médiatisée, les réseaux sociaux ont, dès le lendemain, pris le relais, faisant ainsi éclore le hashtag #PasdeVague. Utilisé et partagé par de très nombreux professeurs (10.000 au total), il est devenu en quelques heures le support de témoignages éclairants sur les épisodes de violences qui peuvent être subis par le corps enseignant. 

Mais au-delà des témoignages-choc, ces tweets laissent apparaître en filigrane une autre doléance : celle selon laquelle les professeurs, face à des situations compliquées, ne seraient pas correctement pris en charge par leur hiérarchie directe. Au travers des différents messages, c'est le tableau de directeurs d'établissements peu à l'écoute, prompts à minimiser la parole de leurs enseignants face à celle des élèves et de leur famille, qui est brossé. Est alors renvoyée l'image de proviseurs préférant mettre les problèmes sous le tapis afin de ne pas nuire à la réputation de l'établissement... et ne pas faire de vague. Tant et si bien que, plus encore que les élèves, ce sont bien eux qui figurent en première ligne des déclarations regroupées sur ce hashtag.

Une question se pose alors : cette mise en cause est-elle justifiée ? Philippe Vincent, secrétaire général du syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale (SNPDEN), tient à rappeler qu'un "appareillage existe" dans les cas de violences commises dans les établissements scolaires et que, selon lui, "il est efficace". Quels sont ces outils ? D'abord, il y a l'article 433-5 du code pénal qui prévoit que les "paroles, gestes ou menaces de nature à porter atteinte" à "une personne chargée d'une mission de service public" sont punis de six mois d'emprisonnement et 7500 euros d'amende, lorsque ces faits sont commis "à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif".

Vient ensuite une disposition du code de l'éducation, qui rend obligatoire le conseil de discipline en cas de violences physiques commises par un élève. "En cas de menaces" explique Philippe Vincent à LCI, "on peut engager une procédure disciplinaire, recevoir l’élève et sa famille". Enfin, ajoute-t-il, "un logiciel existe pour décrire l’incident en quelques clics à la hiérarchie. Il y a un système d’accusé de réception, donc normalement tout cela fonctionne."

Une diminution des nombre de conseils de discipline ?

Mais, loin de vouloir minimiser la portée des témoignages des professeurs, le représentant syndical tempère : "Cette parole a vocation d’être regardée de plus près car elle exprime un malaise et indique que des situations compliquées pourraient ne pas avoir été prises en compte. Mais si les outils fonctionnent, la question est : pourquoi des collègues auraient hésité à s’en servir?". Et Philippe Vincent de s'interroge sur une éventuelle "autocensure" des enseignants sur la questions. Par extension, précise-t-il encore, "s'ils ont parlé de ces agressions à leur hiérarchie et qu'il n'y a pas eu de réaction, cela questionne véritablement."

La réponse à ces interrogations serait peut-être, à l'entendre, à chercher du côté des départements. Notre interlocuteur avance ainsi : "Il est vrai qu’avant la nomination de Jean-Michel Blanquer à l'Education nationale, les ministères successifs ont eu tendance à faire diminuer le nombre des conseils de discipline. On était sur une pente rectiligne assumée par tous. Cela pourrait évoluer, car le ministre a clairement dit qu'il ne voulait plus 'mettre la poussière sous le tapis'". En effet, dans une interview au Parisien en date de novembre 2017, Jean-Michel Blanquer a indiqué avoir demandé "à tous les chefs d’établissement d’organiser des conseils de discipline chaque fois que c’est nécessaire, car ce n’était pas systématiquement fait. Pendant longtemps, le nombre de conseils de discipline a été un indicateur de l’établissement. S’il y en avait peu, c’est qu’il n’y avait pas de problèmes, s’il y en avait beaucoup, c’est que ça allait mal. Alors qu’en réalité, ça ne veut rien dire". 

Qu'ils débarquent à six ou sept dans le bureau du proviseur

Marie

Une réalité qui pousse notre proviseur à concéder : "Il existe peut-être des rouages à huiler du côté des directions départementales qui ont à charge de réaffecter les élèves exclus lors des conseils de discipline. S’il y a pléthore d’exclusions, il peut y avoir un engorgement et ce peut être difficile à gérer, c’est vrai."

Marie (prénom d'emprunt), professeure à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), partage ce constat d'une diminution dans le temps des conseils de discipline, hors cas de violences physiques. Mais pour elle - qui a aussi contribué au hashtag #PasdeVague - la réponse est moins dans une transformation de l'appareil législatif que dans une plus grande mobilisation du corps professoral. "Ce que je lis sur Twitter depuis hier n'est ni faux, ni exagéré. Bien sûr qu'il y a des problèmes mais il faut que les professeurs fassent corps face à leur hiérarchie. Qu'ils débarquent à six ou sept dans le bureau du proviseur, qu'ils instaurent un rapport de force plus prononcé, qu'ils se serrent les coudes en salle des profs." En un mot, qu'ils soient "plus engagés, plus politisés", ajoute cette professeure qui ne souhaite pas que #PasdeVague en reste au niveau d'un simple "catalogue des problèmes de violence" sans réflexion collective. 


Anaïs Condomines

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