Pénaliser les certificats de virginité : "Si une fille a besoin d’un papier pour lui sauver la vie, je le fais"

Publié le 6 octobre 2020 à 11h49, mis à jour le 6 octobre 2020 à 11h55

Source : TF1 Info

DROITS DES FEMMES - Délivrer des certificats de virginité exposera à une amende de 15.000 euros et une peine d'un an de prison. Une pénalisation qui suscitait déjà, début septembre, les réserves de la gynécologue Ghada Hatem, qui estimait qu'il valait mieux "punir les parents qui exigent ça que le médecin qui essaye d’aider sa patiente".

Le ministre de l'Intérieur veut s'"attaquer aux ‘certificats de virginité’". En septembre, dans une interview au Parisien, Gérald Darmanin avait indiqué que dans le cadre de la lutte contre le séparatisme, il souhaitait pénaliser les médecins qui délivrent ces certificats aux jeunes femmes. "Certains médecins osent encore certifier qu’une femme est vierge pour permettre un mariage religieux, malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l’ordre des médecins. On va non seulement l’interdire formellement mais proposer la pénalisation", expliquait-il dans le quotidien. Un mois plus tard, le projet prend corps et exposera les médecins qui en délivreront à une amende de 15.000 euros et à une peine de prison d'un an.

En 2003, le Conseil de l'ordre des médecins appelait les médecins à refuser la rédaction d'un tel certificat "n’ayant aucune justification médicale et constituant une violation du respect de la personnalité et de l’intimité de la jeune femme (notamment mineure) contrainte par son entourage de s’y soumettre". S'il est difficile d'en connaître le nombre, ces certificats - exigés par certaines familles avant un mariage pour prouver la "virginité" de la future conjointe -  sont une réalité, comme en témoignait Ghada Hatem, médecin-cheffe de la Maison des femmes de Saint-Denis, en septembre 2020 pour LCI.

Punir les parents plutôt que les médecins

Pourtant , pour la gynécologue obstétricienne, ce projet de loi "n'a pas de sens". "Je pense qu’il vaudrait mieux punir les parents qui exigent ça que le médecin qui essaye d’aider sa patiente. Je pense qu’on prend le problème à l’envers", indiquait-elle à LCI. Ghada Hatem, qui reçoit environ deux personnes par mois dans son cabinet pour ce genre de demandes, reconnait s'y plier quand elle estime que sa patiente est en danger. 

"Oui, je fournis parfois un certificat à une jeune femme que je n’examine même pas. Si elle a besoin d’un papier disant qu'elle est vierge pour lui sauver la vie, pour qu’on arrête de l’emmerder, je le fais. Je lui explique que je suis désolée, que je regrette qu’elle doive en passer par là", continue la médecin auprès de LCI. "Tout ça est beaucoup plus subtil que ce que l’on veut nous faire croire. Je pense qu’il faut écouter les femmes, les encourager à parler, faire de la pédagogie, et par moment essayer de les protéger."

"La plupart du temps, nous ne faisons pas de certificat, mais quand nous le faisons, c’est parce que nous pensons qu’il y a un danger de mort pour cette fille. Parce que sinon, elle va être emmenée au bled, ira voir un gynécologue du bled, et si elle n’est pas vierge, ça va chauffer pour elle", continue la gynécologue. "Ce qui m’intéresse c’est ce qu’il y a derrière ce certificat : est-ce que cette jeune fille est sous emprise, est-ce qu’elle est terrorisée, est-ce que sa famille est menaçante ? J’essaye de lui expliquer qu’en acceptant ça elle met peut-être le doigt dans un engrenage affreux. Ce temps d’éducation, de pédagogie, est bien plus important que ce bout de papier."

"Je pense qu’on devrait laisser les médecins tranquilles, les laisser faire leur boulot et juger de ce qui leur paraît bien pour leurs patients. Et je ne comprends pas qu’on veuille légiférer là-dessus, comme s'il s'agissait du problème numéro un de la France, de la laïcité et de l’intégration", ajoute Ghada Hatem.

Des certificats censés prouver la virginité de la future mariée

Ces certificats de virginité sont demandés avant un mariage par les familles du futur conjoint et/ou de la future mariée pour vérifier que l’hymen de cette dernière est toujours intact, signe selon eux qu’elle n’a jamais eu de rapports sexuels. Or, l’hymen peut s’être déchiré de beaucoup d’autres manières ou être extrêmement fin et donc invisible. "Ce qui intéresse les familles c’est de prouver que la jeune femme a été bien éduquée, qu’elle n’a jamais vu le loup, et que la petite membrane est toujours là. Le problème c’est que la petite membrane elle est absente une fois sur deux", explique la gynécologue à LCI.


Justine FAURE

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