A LA LOUPE - Un amendement interdisant les sorties scolaires pour les parents qui portent des signes religieux ostensibles a été adopté par le Sénat, mercredi 15 mai. Pour le porter, les sénateurs LR ont fait valoir un "vide juridique" sur le sujet. Mais est-ce vraiment le cas ?
Rejeté par l'Assemblée, voté par le Sénat. Mercredi 15 mai, un amendement portant sur l'interdiction de sorties scolaires aux parents qui arborent des signes religieux ostensibles a été adopté. Défendu par les sénateurs Les Républicains Jérôme Bascher, Jacqueline Eustache-Brinio et Bruno Retailleau, cette disposition s'inscrit dans le cadre du projet de loi "pour une école de la confiance".
Un amendement qui revient comme un serpent de mer et qui ne vise pas spécifiquement les femmes voilées. Toutefois, dans leur communiqué, les sénateurs LR se montrent plus explicites que l'intitulé de l'amendement et se félicitent de l'adoption d'une disposition "qui interdit le port du voile lors des sorties scolaires". Pour le justifier, la sénatrice du Val d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio avance un "vide juridique à combler concernant l'application du principe de laïcité lors des sorties scolaires". N'y a-t-il effectivement aucune disposition juridique qui encadre déjà cette question ?
Une jurisprudence claire
Pour le rapporteur général de l'Observatoire de la Laïcité Nicolas Cadène, cet argument ne tient pas : "Il n'y a pas de 'vide juridique' puisque le Conseil d'Etat, dans son étude du 19 décembre 2013 rendue en assemblée générale et remise au Défenseur des droits, a rappelé le droit précisément à propos des parents accompagnateurs des sorties scolaires", indique-t-il à LCI ce jeudi. Et d'ajouter : "Le Conseil d'Etat a rappelé que ces derniers, bénévoles et donc parfois désignés 'collaborateurs occasionnels du service public' uniquement pour des raisons d'assurance, n'étaient pas soumis à la neutralité et ne pouvaient se voir restreindre la liberté de porter un signe religieux que dans le cas où il y aurait une perturbation objective du bon fonctionnement de la sortie scolaire ou un trouble à l'ordre public." En d'autres termes, la jurisprudence, en la matière, implique qu'il n'y a aucune raison d'interdire de sortie scolaire une mère d'élève portant le voile, tant qu'un comportement de prosélytisme ne saurait être mis en évidence. En France, actuellement, la règle est bien l'autorisation du port de signes religieux en sorties scolaires par les parents accompagnateurs. L'interdiction demeure l'exception.
Les sénateurs rapporteurs de ce projet de loi ignorent-ils la jurisprudence existante ? On s'aperçoit très vite que ce n'est pas le cas. Mais pour eux, cette étude du Conseil d'Etat n'est pas suffisante, car elle aurait donné lieu, par le passé, à "plusieurs interprétations". C'est en tout cas ce qu'avance Jérôme Bascher, contacté par LCI. Même argument du côté de Jacqueline Eustache-Brinio, qui assure : "On connaît cette position du Conseil d'Etat, mais le problème, c'est qu'il n'y a jamais eu de cadre de loi." Et, ajoute-t-elle, "en l'absence de cadre légal, il y a eu deux positions différentes".
Peu de chances d'aboutir
Alors de quelles positions s'agit-il ? La sénatrice nous renvoie vers deux jugements de tribunaux administratifs, qui différent en effet dans l'appréciation du port du voile par les parents accompagnateurs en sorties scolaires. Le premier émane du tribunal administratif de Montreuil et date de novembre 2011 : il rejette la requête d'une mère de famille souhaitant contester le règlement intérieur d'une école élémentaire imposant une tenue qui "respecte la neutralité de l'école laïque", en sortie groupée. Le second provient quant à lui du tribunal administratif de Nice, en date du 9 juin 2015 : cette fois, il annule l'interdiction faite à une mère voilée d'accompagner des élèves.
Il n'empêche, la chronologie de ces décisions rend caduque l'argumentaire LR, puisqu'entre ces deux jugements, le Conseil d'Etat a clairement fixé la jurisprudence. D'ailleurs, un nouvelle décision du tribunal administratif d'Amiens, prononcée en décembre 2015, s'est alignée sur la position de la plus haute juridiction administrative du pays.
Reste, au-delà du cadre juridique existant, que la question reste éminemment politique. "On n'est plus en 2013, le pays n'est plus tout à fait le même depuis...", revendique Jacqueline Eustache-Brinio, tenant à une disposition qui, in fine, a très peu de chances d'aboutir et de passer le cap de l'Assemblée nationale.
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