Pourquoi (et comment) Strasbourg veut interdire parcs et jardins publics aux fumeurs

par Sibylle LAURENT
Publié le 30 juin 2018 à 23h27, mis à jour le 30 juin 2018 à 23h34
Pourquoi (et comment) Strasbourg veut interdire parcs et jardins publics aux fumeurs
Source : AFP

LUTTE CONTRE LE TABAGISME - La Ville de Strasbourg met en place dimanche 1er juillet l'interdiction du tabac dans les parcs publics. Pourquoi et comment la municipalité parviendra-t-elle à cette fin ?

"Dénormaliser" la cigarette. C’est l’objectif affiché de Strasbourg, ville qui va mettre en place l’interdiction de fumer dans les parcs et jardins de la ville. Une première en France. À compter du 1er juillet, tous les parcs et jardins publics de la ville sont donc estampillés "non-fumeurs".

Pourquoi cette mesure ? Dans le communiqué dans lequel elle annonçait la mesure à venir, le 21 juin dernier, la Ville met en avant plusieurs objectifs, et notamment des conséquences environnementales, sécuritaires et en santé publique. 

L’argument environnemental

La Ville rappelle les chiffres chocs : les filtres de cigarettes jetés dans la nature mettent 12 ans à se décomposer. Un seul mégot, qui contient plus de 7000 composants chimiques toxiques, dont certains sont reconnus comme étant des perturbateurs endocriniens et d’autres étant cancérigènes, peut polluer jusqu’à 500 litres d’eau. Lors d’une action "zéro mégo" lancée par des associations soutenue par la Ville le 7 avril dernier, 70.000 mégots avaient été ramassés en 2 heures.

Le message est donc d'éloigner la cigarette de ces espaces, et de faire progresser le nombre de lieux sans tabac dans la ville, dans la même logique que l’interdiction de fumer déjà mise en œuvre dans d’autres espaces publics, tels que les restaurants et les bars.

L’argument de l’hygiène publique

Sur le plan de l'hygiène publique, la ville tente ainsi d'empêcher le jet de mégots dans ou à proximité des aires, et éviter ainsi la pollution des eaux, ainsi que les risques d’ingestion par les enfants.

Sur le plan de la santé publique, la France compte près de 25% de fumeurs, dont la moitié meurt prématurément, rappelle la municipalité, qui met en parallèle ces chiffres avec les pays ayant appliqué l’interdiction de fumer dans des parcs, et qui présentent des taux de fumeurs nettement inférieurs : 19% en Finlande et en Islande, 17% au Royaume-Uni, 15% dans certaines grandes villes des Etats-Unis (Boston, New York).

Le tabagisme est responsable de la mort de 78.000 personnes chaque année en France soit "20 fois plus que les accidents de la route", rappelle la Ville. Dans le département du Bas-Rhin, ce sont près de 600 personnes qui sont touchées par des cancers bronchiques et pulmonaires chaque année.

Des premières actions déjà lancées

Strasbourg n’est pas néophyte en la matière. En 2014, la ville avait déjà expérimenté les "aires de jeux sans tabac" dans trois parcs. Le bilan de l’expérimentation a montré que près de 98% des personnes interrogées se déclaraient en faveur de l’interdiction de fumer. Un large consensus qui a amené à généraliser cette interdiction aux 81 aires de jeux clôturées de la Ville, ainsi qu'à 5 aires non-clôturées fortement fréquentées et symboliques.

En 2017, la Ville a inauguré son premier parc sans tabac. Dans le même esprit que l’interdiction de fumer dans les aires de jeux, l’action a une visée pédagogique, insiste la Ville. Treize panneaux ont été affichés aux différentes entrées du parc de la Citadelle. Une enquête réalisée dans ce parc de la Citadelle avait fait ressortir que 71% des non-fumeurs et 57% des fumeurs étaient favorables à l’interdiction de fumer dans l’ensemble des parcs de Strasbourg.

Comment ça va se passer ?

Une fois que la proposition aura été validée en conseil municipal, la signalétique "parc sans tabac", ainsi qu’un mobilier spécifique, tel que poubelles équipées d’éteignoirs, vont être installés graduellement aux principales entrées des parcs.

La Ville veut faire œuvre de pédagogie sur le sujet. Des actions de sensibilisation et d’information vont être menées. 

La Ville recrutera aussi "des médiateurs santé-tabac, qui pendant le mois sans tabac en octobre iront à la rencontre des fumeurs, dans les parcs, les espaces verts, pour les interroger, les accompagner".

Dans un premier temps, les fumeurs ne devraient pas verbalisés. Mais, si cela est nécessaire, indique la Ville, elle pourrait mettre en œuvre des mesures contraignantes. Elle rappelle "que le jet de mégot est d’ores et déjà passible d’une amende de 68 euros".


Sibylle LAURENT

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