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Pourquoi les blocages de raffineries sont-ils illégaux, comme l'affirme Elisabeth Borne ?

par Claire CAMBIER
Publié le 2 janvier 2020 à 17h16, mis à jour le 2 janvier 2020 à 17h39
La raffinerie de Lavera bloquée par les grévistes qui contestent la réforme des retraites, le 23 décembre 2019

La raffinerie de Lavera bloquée par les grévistes qui contestent la réforme des retraites, le 23 décembre 2019

Source : CHRISTOPHE SIMON / AFP

RETRAITES - La CGT appelle à un blocage de toutes les raffineries françaises du 7 au 10 janvier prochain. Une action coup de poing jugée illégale par la ministre des transports, Elisabeth Borne, et la secrétaire d'Etat à l'Economie, Agnès Pannier-Runacher. LCI a posé la question à une avocate spécialiste du droit du travail.

A une semaine de la reprise des discussions sur la réforme des retraites, la fédération CGT de la chimie compte mettre "davantage de pression" sur le gouvernement. Le syndicat majoritaire chez Total, qui détient 5 des 8 raffineries de France, appelle à un "blocage total" de toutes les installations pétrolières - qu'il s'agisse des raffineries, de terminaux pétroliers ou encore des dépôts - du 7 au 10 janvier. 

Une perspective qui suscite la réprobation du gouvernement. "Il y a un droit de grève garanti par la Constitution mais il n’y a pas de droit au blocage dans notre pays", a ainsi réagi ce jeudi Elisabeth Borne, sur le plateau de LCI.

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"C’est illégal, le blocage des raffineries, a également averti, jeudi matin, la secrétaire d'Etat à l'Economie Agnès Pannier-Runacher. C’est pas le droit de manifester, c’est pas le droit de grève (...) Aujourd’hui, il est légitime que les Français aient accès à l’essence, c’est une pression qui n’est pas acceptable."

Droit de grève contre droit d'entreprendre

De son côté, le syndicat se défend en précisant que leur action consistera à bloquer la sortie des produits pétroliers et non à stopper la production. Alors légal ou pas ?

"Il faut distinguer deux aspects", nous répond Me Caroline Merle, avocate spécialiste du droit du travail à Paris. "D'un côté, nous avons le droit de grève - qui est une action collective et concertée et qui appartient aux salariés des raffineries - ainsi que le droit de manifester, deux libertés fondamentales, rappelle-t-elle. Mais ces droits doivent être mis en balance avec le droit d'entreprendre, et pour les salariés non grévistes, le droit de travailler." 

Un blocage total qui empêcherait les salariés de rejoindre leur travail est donc illégal, tout comme "empêcher les sorties de camions", puisque cela reviendrait à désorganiser l'activité de l'entreprise.

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Limiter les blocages dans le temps

Que risquent alors les grévistes ? "Si la grève est illicite, ils pourraient être licenciés pour faute lourde", indique Me Merle. L'entreprise pourrait également décider de cibler la CGT. "Elle peut lancer une action en responsabilité, mais cela n'est pas aisé puisqu'il faut pouvoir prouver que le syndicat a incité le mouvement illicite".

Dans les faits, les entreprises pétrolières cherchent plutôt à limiter dans le temps ces blocages et peuvent pour cela actionner plusieurs leviers. "L'entreprise ou les salariés non grévistes peuvent lancer une action judiciaire en référé pour demander la levée du blocage", avance la juriste. Cette procédure accélérée permet d'obtenir une ordonnance d'expulsion, en moins de 48 heures. Si les grévistes persistent, ils ont alors l'obligation de payer une amende.

Autre levier possible : "demander à la force publique d'intervenir". Si l'entreprise en a le droit en cas d'atteinte à l'accès de son site, cette démarche reste assez rare.

Enfin, les préfectures peuvent réquisitionner des salariés grévistes, s'il y a une atteinte "à l'ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques". Cela se justifie par exemple dans les hôpitaux. En 2010, des arrêtés préfectoraux de ce type ont été pris en Loire-Atlantique, en Seine-et-marne et dans les Yvelines dans le secteur pétrolier.  Une utilisation qui a cependant été qualifiée d'"abusive" par l'Organisation Internationale du Travail.

La CGT appelle à un blocage total de toutes les raffineries !Source : 24H PUJADAS, L'info en questions

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