Pourrait-on reconstruire la flèche de Notre-Dame à l'identique mais sans plomb ?

Propos recueillis par Cédric Stanghellini
Publié le 17 juillet 2020 à 16h36, mis à jour le 17 juillet 2020 à 17h03

Source : JT 13h Semaine

PATRIMOINE - L'Association des familles victimes du saturnisme a écrit au président de la République pour que la future flèche de Notre-Dame de Paris soit reconstruite sans utiliser de plomb. Est-ce seulement possible ? LCI a sollicité l'avis de Richard Duplat, architecte en chef des monuments historiques et chargé notamment de la rénovation en cours de la flèche de la cathédrale de Rouen.

Pas de plomb sur la nouvelle toiture de Notre-Dame de Paris ? Tel est le souhait de l'Association des familles victimes du saturnisme (AFVS). Celle-ci a adressé une lettre à Emmanuel Macron en ce sens après que le président et sa ministre de la Culture ont exprimé leur souhait d'une reconstruction à l'identique des parties disparues de l'édifice, notamment de la flèche. Or cette dernière, érigée au XIXe siècle d'après les plans de l'architecte Viollet-le-Duc, était constituée de 500 tonnes de bois et de 250 tonnes de plomb. Un métal que l'AFVS ne veut plus voir sur la cathédrale. Cette demande est-elle seulement réalisable ? LCI a sollicité l'éclairage de Richard Duplat, architecte en chef des monuments historiques et habitué des chantiers d'envergure. 

LCI : Pourquoi le plomb est-il utilisé pour la couverture de certains monuments ?

Richard Duplat : Le plomb est le matériau le plus pérenne qui soit. Lorsque nous effectuons des couvertures en plomb, nous savons que l'édifice sera étanche pour longtemps et de façon durable. Il y a peu d'intervention ensuite. Le plomb est aussi très utile pour sa mise en oeuvre lors des chantiers. Cela dépend bien sûr du type d'intervention et du chantier. Mais ce métal est souvent le plus adapté, nous ferons toujours des étanchéités au plomb en France.  

Une toiture en plomb représente-elle un danger pour la santé ?

Je ne connais aucun cas de saturnisme lié au plomb d'une toiture. Concernant les artisans qui réalisent ce genre de travaux, leur santé est très surveillée. Les règles de sécurité au travail sont très strictes. A ma connaissance, le dernier cas d'un couvreur atteint de saturnisme remonte à une trentaine d'années. 

Serait-il possible de réaliser la flèche avec un autre métal ? 

La piste d'un autre type de couverture est toujours possible, oui. Mais il faut être prudent lorsqu'on souhaite rénover un ancien monument avec de nouvelles techniques. Prenons l'exemple de la flèche de Notre-Dame de Rouen sur laquelle j'interviens actuellement. L'originale, en bois et plomb, a disparu au XIXe siècle après avoir été frappée par la foudre. Les architectes de l'époque ont souhaité innover et l'ont rebâtie en fonte. Sauf que cette nouvelle flèche a rapidement montré des signes de faiblesse. Après les deux Guerres mondiales, il a finalement été décidé de la rénover un nouveau métal : l'acier Corten. Mais ce dernier ne semble pas, lui non plus, le mieux adapté. C'est pourquoi la flèche connait une réfection complète depuis 2016. 

 Changer de matériau ne vous semble donc pas pertinent ? 

L'exemple de la flèche de Rouen me conduit à le croire. Il ne faut pas non plus oublier que si vous modifiez le type de toit, vous pouvez modifier tout l'équilibre de la structure. Notamment par rapport au poids ou au type d'érosion. Dans le cas de Notre-Dame de Paris, les voûtes et les piliers de soutènement ont subi un choc thermique important entre la température des flammes et l'eau déversée par les pompiers. Le diagnostic est toujours en cours. Je ne suis pas donc certain que la cathédrale supporte des matériaux plus modernes.


Propos recueillis par Cédric Stanghellini

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