Premier Franprix ouvert toute la nuit à Paris: ça donne quoi, de faire ses courses à 2 heures du matin ?

par Sibylle LAURENT
Publié le 31 mars 2018 à 12h42
Premier Franprix ouvert toute la nuit à Paris: ça donne quoi, de faire ses courses à 2 heures du matin ?
Source : SL/LCI

REPORTAGE - Franprix a annoncé lundi l'ouverture toute la nuit de l'un de ses magasins parisiens dans le quartier des Halles. On est allé voir ce que ça donnait.

Bon. Honnêtement, un Franprix, que ce soit de jour ou de nuit, ça ressemble toujours à un Franprix. Alors oui, celui-ci a la particularité d’ouvrir en continu, 24 heures sur 24. A quoi ça ressemble, des gens qui font leur courses à  2 heures du mat’ ? Est-ce qu’ils ont les yeux qui collent ? Sont-ils en pyjamas, saisis d’une fringale au milieu de la nuit ? Vous l’avez compris, il fallait voir.  

Par une soirée de printemps, LCI est allé traîner ses guêtres dans cette rue, pile-poil en face de la Canopée. Il est 1 heure du matin, les bars encore ouverts ne sont pas bien remplis, et les fêtards attendus pas vraiment dans la rue. Ou alors un peu plus loin, vers la rue de Lombards. Par là-bas, ça hurle.

C'est parti pour les courses toute la nuit

Mais la rue de la Cossonnerie, où est le Franprix, est à cette heure-ci particulièrement calme. Une voiture de policiers stationne devant. Un problème ? Pas vraiment en fait : sort du Franprix un policier, sandwich à la main. Il s’engouffre dans le véhicule, et la patrouille repart faire son tour. Les policiers doivent venir souvent en voisin : le commissariat est au bout de la rue. Mais pour le reste, même sans être du coin, on ne peut pas trop le louper ce Franprix ouvert toute la nuit. Le néon blanc éclabousse toute la rue, les bacs à légumes sont sortis, il y a même des fleurs en vente sur le présentoir. Et, au cas ou les gens n’auraient pas bien compris, une pancarte indique que ce Franprix est ouvert toute la nuit. D’ailleurs, les gens semblent avoir compris. Les rares clients noctambules qui entrent, le font sans hésiter, comme s’ils connaissaient. Ou sans tilter qu’à cette heure-ci, ce magasin devrait être fermé. On entre.

Bon. Honnêtement, l’intérieur d’un Franprix la nuit, ça ressemble à un Franprix le jour. Des rayons de produits frais, des produits réfrigérés, des salaires à composer. Au sous-sol, par contre, les rayons d’alcool sont masqués. Par des grands panneaux qui rappellent au noctambule qui ne l’aurait pas encore compris, que "tiens... dans ce Franprix on peut faire ses courses toute la nuit".

SL/LCI

C'est surtout hyper pratique pour des gens qui travaillent tard
Un client

Pour expliquer l’ouverture toute la nuit, la direction de Franprix disait d’abord vouloir "rendre service", "répondre à un besoin des clients urbains, actifs ou pressé", et avançait un chiffre d’affaires de 20% par nuit. Sur le papier, ça paraissait gros. A regarder, ce soir, on se dit que, allez,  pourquoi pas. En fait, il n’y a pas foule, mais il y a toujours au moins un client. Et l'air de rien, ça débite. A coups de une, deux personnes, parfois un peu plus, le petit filet est continu. Des jeunes, beaucoup, pour l’instant à cette heure. Plutôt sobres, d'ailleurs, pour l'heure. Des clients de Franprix ordinaires, en fait.

Comme Sophie et Quentin, elle chevelure rousse et khôl aux yeux, lui bonnet de hipster et guitare au dos, en train de se composer une salade variée. Sophie habite dans le quartier pas trop loin d’ici et travaille dans un bar aux alentours. "C’est super pratique.  Ça m’arrive de venir à 5 h du matin comme 6 h, comme 3 h. Avant, j’allais ailleurs. Ou pas, d’ailleurs !" Ah oui, peut-être qu’avant, on se retenait. Quentin a suivi,  visiblement moins habitué. Et il a vite fait de faire une découverte qui va calmer son envie d'aller faire ses courses en pleine nuit  : "Ah bon, ils ne vendent pas d’alcool ? Oh non, ça me dégoûte !"  

Ils repartent, arrive un couple de petits jeunes, elle jolie brunette à bouclette, lui, blondinet col en V.  L’air habitué. Des paquets de gâteaux plein les mains. "C’est ouvert toute la nuit depuis les dernières vacances, du coup je viens ici de temps en temps, surtout le soir", raconte la brunette. "Ma grand-mère habite à côté, du coup on en profite. On vient de finir de regarder un film, on a eu un petit creux, c’est super pratique." Eux aussi repartent vite, remplacés par deux garçons à barbe, un brun et un blond. Eux aussi connaissent déjà le principe. "Des Franprix ouverts toute la nuit, il n’y en a que deux à Paris, et l’autre est à juste en bas de chez moi, dans le 16e", raconte le garçon blond. Il détaille : "C’est super cool, c'est à l’Américaine ! C'est surtout hyper pratique pour des gens comme nous : on travaille dans la restauration, on finit tard." Et avant, quand Franprix n’étirait pas encore ses horaires, comment faisaient-ils ? "Epicerie,  Ubereat  ou Alloresto. Mais là, c’est beaucoup moins cher. Et par rapport à une épicerie de nuit, c’est sans comparaison : il y a beaucoup plus de choix." Le menu du soir, pour eux, ce sera glace. On les laisse saliver devant l’étalage de surgelés. Forcément, dans les rayons du supermarché, 100% des gens interrogés sont contents de bénéficier de ces horaires à rallonge. Il faudra poser la question aux épiceries du quartier.

Puis c’est la caisse. Pas de caissier, tout est automatique. C’est justement ce mode de fonctionnement qui permet à l’enseigne d’ouvrir toute la nuit. A 21 h, comme dans tous les autres supermarchés, les caissiers partent, et le magasin bascule en mode automatique. Deux vigiles veillent à l’entrée. Bref, ce passage à la caisse, c’est facile. Tous ceux qui ont un peu pratiqué les files automatiques dans les supermarchés connaissent. Au besoin, le vigile est là, à deux pas. Et montre un bouton rouge, sous les caisses, qui permet de joindre une télémaintenance.  

Les vigiles, d’ailleurs, grandes marmules, sont méfiants devant les questions. Car même si, absence de caissier oblige, ils sont un peu obligés de surveiller ce que font les clients, ils n'ont pas tellement d'échanges avec la clientèle. L’un reste dans son coin, l’autre demande : "Mais vous êtes journaliste, non ? Elles sont bizarres vos questions !" Et c’est vrai que dans la supérette, les noctambules ne cherchent pas tellement le contact. Ils voient la lumière, entrent, font leurs courses, passent à la caisse, et repartent. Il est bientôt deux heures, et il y a bien cinq ou six personnes dans le supermarché. A vue de nez, des gens du quartier, quelques travailleurs du coin, une touriste japonaise, aussi. Et dans les mains, des paquets de chips. Une bouteille d’eau et des gâteaux. Ou même, des packs de laits, des œufs et du fromage. C'est toujours calme. 

Un vigile confirme, à demi-mot. "En général, il y a du monde jusqu’à 2, 3 h. après, il n’y a plus grand monde.  Et après, à 5 h, ah si, il y a du monde. Et c’est bondé, le week-end, vendredi samedi, c’est bondé." Deux jeunes entrent, cherchent de l’alcool, n’en trouvent pas. Une explication du vigile, et ils s’en vont. Plutôt docile, la clientèle de soirée ! A prioiri, a dit la direction dans son communiqué, aucune incivilité n'a été remontée. Sur le terrain, sans doute les vigiles doivent un peu donner de leur personne. Parce que force est de constater que les acheteurs alcoolisés doivent être un peu encadrés. D'ailleurs, dans la rue, un groupe de surexcités passent, en chantant, tous accordés : "Qui n'avait ja-ja-jamais picolé, ohé ohé ! Ohé, ohé, matelooooot". "Ils sont gentils, on dirait des petits scouts", rigole un des vigiles.  Mais le groupe poursuit son chemin zigzagant, et le vigile, sorti un instant, reprend sa place sur le pas de la porte. Confesse tout de même qu’"à un moment, on est obligé de filtrer. Quand quelqu’un vient et qu'il est très soul, on le surveille un peu plus." Comprenez : on lui fait comprendre qu'il ne faut pas rentrer. Car ils ne sont que deux, à tenir la boutique. Pour que les noctambules puissent faire leur courses à 3 h du matin. L'un dit, sans qu'on sache sur quel ton le prendre : "Nous, on est ouvert H 24 c est à vous de choisir les moments de faire vos courses." Et ajoute, discrètement : "Du coup, nous, on ne peut pas dormir". L'autre le charrie : "Tu es payé pour pas dormir ! Tu dois travailler la nuit et te reposer en journée !"


Sibylle LAURENT

Tout
TF1 Info