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Plan "zéro SDF" : peut-on contraindre un propriétaire à mettre à disposition son logement vacant ?

Publié le 4 février 2022 à 18h49
illustration d'un logement social

illustration d'un logement social

Source : iStock

Pour lutter contre le mal-logement, Jean-Luc Mélenchon veut notamment agir sur les logements vacants.
Le candidat Insoumis compte obliger les propriétaires réticents à mettre leurs biens à disposition des personnes en difficulté.
Est-ce possible ? Nous avons posé la question au collectif des Surligneurs, spécialisé en "legal-checking".

C'est l'un des plans colossaux du programme de Jean-Luc Mélenchon : passer à "zéro sans-abri" d'ici à 2027. Dans son programme pour l'élection présidentielle, le candidat Insoumis veut permettre à tous les Français d’accéder au "droit fondamental" qu'est à ses yeux "l'accès à un logement autonome et durable". Pour y parvenir, le député des Bouches-du-Rhône, souhaite notamment "mobiliser les logements vacants en utilisant la réquisition". 

Très exactement, le "plan zéro SDF" présenté par les Insoumis en matière de logements vacants fonctionne en trois étapes. La première consiste à recenser "dans chaque département l'ensemble des logements vacants". Ensuite, de proposer "à chaque propriétaire de logement vacant en bon état de le mettre à disposition de personnes ayant des difficultés d'accès au logement via l'intermédiation locative". Enfin, dans une "troisième étape", le candidat compte notifier aux propriétaires qui laissent "délibérément vacant sans raison" leur logement "l'intention de réquisition". C'est cette troisième proposition que nous avons soumise à Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay et directeur de la rédaction des Surligneurs

La loi permet-elle de "réquisitionner un logement vacant" ?

Deux mécanismes sont prévus aujourd'hui, encadrés par le Code de la construction et de l'habitation pour s'emparer d'un logement vide. Le premier est une ancienne procédure "très contraignante pour les propriétaires", comme le souligne Jean-Paul Markus. "Justifiée dans le cadre de la crise du logement de l'après-guerre", elle permettait aux autorités d'obliger "n'importe quel propriétaire à mettre à disposition son bien moyennant indemnités". Avec ce mécanisme, toute la responsabilité revenait au propriétaire : gérer le bail, les travaux éventuels et l'entretien courant. Et ce, en proposant un prix de location fixé par les autorités. 

Seulement, entre temps, la loi est venue changer la donne afin de simplifier les procédures pour les propriétaires. Et notamment avec la mise en place d'un "attributaire" entre le propriétaire et le locataire en difficulté.

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Ce texte permettrait-il de contraire les propriétaires à laisser leurs biens ?

C'est plus compliqué que ça, car ce texte est "très restreint", pour reprendre les mots de Jean-Paul Markus. Ainsi, il ne concerne que les "personnes morales". "Cette procédure a notamment été mise en place à destination des assurances et des banques, qui avaient énormément de biens immobiliers utilisés comme des assises financières", nous explique ainsi le professeur de droit public. Le texte ne vise donc que les biens immobiliers utilisés comme des placements financiers.

Pourrait-on élargir la loi aux personnes physiques ?

Si la procédure "pourrait être améliorée et rendue moins lourde, les obstacles sont nombreux", réagit notre interlocuteur. Et ne peut être envisageable qu'à plusieurs conditions. Soit les biens sont des "logements vétustes" et l'État les "restaure". C'est ce que propose Jean-Luc Mélenchon dans son "étape 2". Dans ce cas, "l'atteinte à la propriété est limitée". 

Soit, s'il s'agit de logements habitables, "la loi devrait changer pour indemniser le propriétaire au prix du marché". Auquel cas, il reviendrait à l'État de payer le différentiel entre le prix payé par le locataire – à savoir 6 euros le m2 au prix actuel du logement social – et celui du marché – 35 euros à Paris en moyenne. Or, une telle indemnisation peut avoir un coût. "A Jean-Luc Mélenchon de le chiffrer", souligne Jean-Paul Markus.

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Et quid d'une réquisition sans indemnisation du propriétaire ? Dans ce cas, il y a une "atteinte très claire au droit de propriété", selon le spécialiste en "legal-checking". À ses yeux, le cas actuel d'un logement vétuste que l'attributaire "rénove pour le proposer à des personnes précaires" n'est absolument pas comparable à celui d'un logement "vide dont on fait baisser le prix du loyer". Pour Jean-Paul Markus, dans le cas d'une telle réquisition "le Conseil constitutionnel verrait une atteinte au droit de propriété". 

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Felicia SIDERIS

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