Publicités sur les trottoirs : les villes test n’avaient pas été prévenues... et refusent de servir de cobayes

par Sibylle LAURENT
Publié le 9 janvier 2018 à 15h44
Publicités sur les trottoirs : les villes test n’avaient pas été prévenues... et refusent de servir de cobayes

FLOP - L’annonce était vendue par le gouvernement comme une expérimentation écologique : trois villes test -Nantes, Bordeaux et Lyon- devaient essayer, pendant un an et demi, les publicités sur le trottoir. Devant la fronde, notamment des municipalités concernées, l’autorisation a été suspendue.

Sur les pavés, la pub ? Et bien en fait non...  L’annonce avait été faite en fanfare, avant Noël, par le gouvernement. Mais a vite pris l’eau. Mi-décembre, Matignon avait annoncé l’expérimentation de la publicité sur le trottoir, pendant un an et demi, par trois villes test : Nantes, Bordeaux et Lyon. Le décret d’application avait été rondement publié au Journal officiel, le 22 décembre dernier. L’expérimentation avait aussitôt relayée dans les médias.

Ces publicités au sol constituent une nouvelle façon d'attirer l'œil du consommateur et se veulent, d’après Biodegr'AD, la start-up lyonnaise qui a poussé le décret, "écologique", et "plus accessibles pour les petits commerçants". Dans le JO, le décret encadre strictement ces marquages. Biodégradables et éphémères, ils doivent être réalisés à la craie, avec de l'eau non potable ou des peintures biodégradables. Ils ne doivent pas dépasser 2,5 mètres carrés, être éloignés les uns des autres d'au moins 80 mètres et disparaître au bout de dix jours. Problème : sur le principe, l’annonce a suscité les foudres des anti-pubs, comme Résistance Action publicitaire, qui dénoncent un véritable "matraquage" et font remarquer que ce décret, signé par trois ministres, dérogeait au code de l'Environnement et au code de la route.

Cela conduirait à une pollution visuelle inutile
Ville de Nantes

Mais surtout, les mairies concernées, n’ayant a priori pas été mises au courant du projet, ont été visiblement très surprises de cette nouvelle qui leur est tombée sur le coin du nez. Pourtant, tout ce qui est relatif à la publicité locale dans l’espace public dépend des mairies, et non de Matignon. 

Nantes a été la première à s’insurger, très vite. Le 28 décembre, en publiant un communiqué, dans lequel elle explique qu’elle ne participerait pas à l’expérimentation. "Cela conduirait à une pollution visuelle inutile, en contradiction avec la volonté de Nantes de valoriser les atouts patrimoniaux et environnementaux de son centre-ville", indique la municipalité. Elle estime également que l’espace public "ne doit pas souffrir d’un excès de marchandisation de ses surfaces". La métropole nantaise est même dans une démarche opposée :  elle prévoit, en février, de réduire la densité des panneaux afin de "valoriser ses paysages urbains".

Une idée même qualifiée de "farfelue" sur Twitter par Bassem Asseh, adjoint à la Ville de Nantes en charge du Dialogue citoyen, qui se demande : "Quelle mouche a piqué le gouvernement ?"

La Ville de Bordeaux a, elle aussi, contre-attaqué. La sénatrice Nathalie Delattre (Parti radical), conseillère municipale, a d’abord annoncé qu’elle saisissait le ministre de l’Intérieur sur cette question. La Ville a également signé jeudi 4 janvier un arrête interdisant le procédé dans tout le périmètre Unesco, c’est-à-dire le centre historique. Toute publicité au sol sera constatée par huissier, nettoyée et verbalisée. Tout contrevenant devra s’acquitter des frais de nettoyage et d’une amende d’environ 400 euros. 

A Lyon, la réaction a, semble-t-il, été d’abord plutôt passive, voire accueillante. La municipalité a d'abord indiqué dans Lyon Capitale, que l’expérimentation serait "menée à bien, même s’il est un peu tôt pour savoir de quelle manière", et voulant prendre le temps "d’étudier les meilleurs lieux d’expérimentation", qui "seront rendus publics au début de l’année". Elle a par la suite pris le soin de tempérer cet "enthousiasme", comme l’avait perçu Lyon Capitale, en lançant une "concertation" avec l’ensemble des communes de l’agglomération. A l’issue de laquelle une décision serait prise. 

Mea culpa de l'Etat, pas de concertation avec les villes concernées

Mais visiblement, cette décision de l’Etat étonne au niveau local. Sur Twitter, Thomas Quéro, adjointe à la mairie de Nantes en charge des espaces publics, indique que l’Etat avait "décidé tout seul" de permettre cette expérimentation. Et visiblement sans associer les villes à la réflexion. Le gouvernement a donc fini par rétropédaler, reconnaissant, dans un communiqué envoyé lundi, que l’adoption du décret "n'avait pas été précédé d’une concertation suffisante  avec les agglomérations concernées". Résultat : l'expérimentation est suspendue.

Dans Ouest-France, Guillaume Pâris de la Bollardière, directeur de Biodegr'AD, raconte qu’il s’y attendait. "Je ne suis pas étonné", dit-il. "Mais au moins, il y aura un débat, et c’est ce que je voulais." C’est sûr que tout ça lui a au moins fait une belle pub.


Sibylle LAURENT

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