CONSPIRATIONNISME - Les théories du complot se multiplient depuis quelques années, notamment grâce à l'avènement des réseaux sociaux. Parmi ceux qui exploitent ces idées, QAnon, une mouvance complotiste qui fait peu à peu son nid en France.
C’est une mouvance qui gagne petit à petit la France. Extrêmement répandus aux États-Unis, les QAnon inquiètent au plus haut point les autorités. Il y a quelques années, un mystérieux internaute, répondant au nom de Q, inonde la Toile de messages complotistes. Selon lui, le monde serait aux mains d’une élite prête à tout pour garder le pouvoir et que seul Donald Trump est capable de combattre.
Derrière ce blogueur, des centaines de milliers de fidèles anonymes, les Anon, suivant le mouvement et partageant des théories comme celle de la "Terre plate" ou encore celle des "hommes-lézards". Les équipes de TF1 sont allés à la rencontre d’un de ces adeptes français, qui a accepté de répondre aux questions à condition de ne pas donner son identité et sa profession, et filmant toute la séquence.
Pour lui, il n’y a pas de tabou, pas de vérité scientifique inattaquable, et tout est sujet au questionnement, à l’instar la théorie la plus répandue chez les QAnon disant que le monde serait dirigé par une organisation secrète pédophile, composée d’hommes d’affaires et de dirigeants politiques : "On sait que la pédophilie est un phénomène qui existe. (…) L’affaire d’Outreau, Epstein, mettent en cause énormément de personnalités qui étaient au-delà de tout soupçon au préalable."
QAnon est une éponge à complotisme.
Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques.
Sur des plateformes grand public, des vidéos postées par des anonymes connaissent des audiences record, certains ayant près de 50.000 abonnés sur leur chaîne. "L’armée américaine découvre des tunnels remplis de cages à enfants. Ils approvisionnaient les élites en chair fraîche", "Le vaccin modifie l’ADN humain"… Autant de rumeurs partagées sur des applications de messagerie sécurisées pour ne pas être inquiété.
Pour Tristan Mendès France, spécialiste des cultures numériques, ces mouvances reposent sur l’unique conviction de leurs adhérents et regroupent tous les antisystèmes, notamment des Gilets jaunes, des antivaccins et des sympathisants de l’extrême droite. "QAnon est une éponge à complotisme. Elle agrège à elle tout type de défiance, de délire conspirationniste. Elle peut aussi récupérer des gens qui sont en situation de mal-être social, dans la frustration, la crainte, voire la haine", déplore-t-il.
Des vidéos vues par des dizaines de milliers d'internautes
Une des "stars" du mouvement en France, qui publie deux fois par semaine des vidéos complotistes vues par des dizaines de milliers d’internautes, prétend au micro de TF1 ne délivrer que des informations vérifiées et vérifiables. Dans sa dernière vidéo, il explique que la vaccination et le passeport sanitaire seront bientôt obligatoires, s’appuyant sur lettre d’un archevêque italien publiée sur Internet disant que "ceux qui n’accepteront pas ces mesures seront confinés dans des camps de détention ou placés en résidence surveillées et tous leurs biens seront confisqués."
Pour lui, la possible dérive conspirationniste de ses abonnés n’est pas de sa responsabilité : "Quand on parle en live, parfois on peut aborder des questions ou des sujets qui sont un petit peu dans la spéculation. Mais on précise bien qu’il s’agit de ça. Si les gens les prennent pour des faits avérés, ce n’est pas de notre responsabilité." Pourtant, il pourrait être tenu comme responsable si des QAnon passaient à l’acte, comme lors de l’invasion du Capitole à Washington en janvier dernier.
Lire aussi
Facebook et Instagram suppriment tous les comptes liés au mouvement conspirationniste QAnon
Lire aussi
Une pro-Trump proche du mouvement complotiste QAnon élue au Congrès américain
Un scénario que redoutent aujourd’hui les autorités françaises. Eric Bérot, directeur de l'Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes (OCRVP), indique à TF1 suivre de près ces mouvances inquiétantes : "Ce que je peux dire, c’est qu’ils sont surveillés et que nous sommes en lien avec les renseignements territoriaux. Les risques, c'est qu’ils passent du clavier à l’action, comme aux États-Unis." Une surveillance qui s’annonce difficile, les QAnon jonglant entre tous les réseaux sociaux malgré les blocages.