TRIBUNE - Le résultat des élections municipales 2020 – et la vague verte qui a déferlé sur les métropoles en France – confirme des tendances de fond qui s’étaient déjà exprimées dans la parole citoyenne lors du Grand Débat National, mais avec beaucoup moins de force qu’aujourd’hui. Franck Escoubes, co-fondateur de la plate-forme bluenove, revient sur cette tendance de fond.
Rappelons en effet que le Grand Débat avait fait naître un consensus incontestable non pas sur la transition écologique, mais sur la baisse des impôts et taxes (sauf pour les hauts salaires et les revenus du capital), sur l’augmentation des revenus et des retraites et sur l’amélioration du système de santé (déjà…). L’impératif environnemental faisait partie des préoccupations importantes des Français, mais son poids dans l’opinion publique était en compétition avec la question du pouvoir d’achat (crise des gilets jaunes) et avec celle du renouveau démocratique (diminuer les privilèges des élus, encadrer l’attribution et l’exercice des mandats, réformer les institutions, mettre en place le RIC, etc.). Et lorsqu’il était question d’écologie, l’emphase était prioritairement mise par les citoyens sur une réglementation contraignante et sur une fiscalité volontariste (interdire les pesticides, taxer les gros pollueurs, réglementer la publicité, etc.). En somme, à l’autre de faire l’effort.
L’analyse de la parole citoyenne qui s’est exprimée ces dernières semaines, pendant et après le confinement, dans le cadre de la consultation "Notre Nouvelle vie" lancée par TF1, LCI, bluenove, Cognito et Sciences-Po Paris, fait émerger un renversement des priorités. C’est dorénavant la transition écologique qui forme le socle du consensus citoyen, avec un appel à une France verte, locale et souveraine. Et la manière d’envisager cette transition décarbonée a considérablement évolué. L’esprit du Grand Débat National face à l’urgence environnementale consistait plutôt à s’en remettre à l’Etat afin d’impulser les changements requis : soit de manière coercitive ou punitive (principe du pollueur – payeur), soit dans une logique d’investissement public massif dans les énergies renouvelables (voiture électrique, éolien, hydrogène, solaire). Bref, l’écologie pour les citoyens de 2019, c’était un peu d’incantatoire (luttons contre le changement climatique pour sauver la planète), et beaucoup de régalien (l’Etat à la manœuvre).
La Terre, une affaire personnelle
Ce que montrent a contrario "Notre Nouvelle Vie" et ses 60 000 contributions citoyennes, c’est que la protection de l’environnement est devenue, en juin 2020, une affaire personnelle. Il s’agit, pour les répondants à cette enquête ouverte, de réaliser la transition écologique en transformant concrètement nos comportements, nos modes de consommation, nos modalités de déplacement, et même nos lieux de vie ! Il est fort possible que l’expérience du confinement ait été le déclencheur d’une prise de conscience collective de la possibilité même d’un changement de nos pratiques et habitudes du quotidien : chacun a pu réaliser qu’il était en effet possible d’avoir recours au télétravail, de consommer moins, de s’approvisionner en circuits courts, de mieux s’alimenter, et même de laisser de côté sa voiture pendant un temps. Le confinement, aux dires des participants à la consultation, a également été l’occasion d’une décélération, d’un retour au temps long, à des rythmes conviviaux, avec sa famille et ses proches. En somme, on a (re)découvert une France de l’essentiel, de la proximité, du local et de la qualité de vie.
On peut voir dans les propos citoyens de "Notre Nouvelle Vie" - qui se sont traduit dans les urnes dimanche dernier - les ferments de la victoire écologiste aux Municipales. Pour une écologie moins dogmatique, plus incarnée, plus hédoniste (peut-être), plus responsabilisante (certainement), car elle touche dorénavant la sphère privée. Une écologie dont on aurait fait l’expérience au plus près du quotidien pendant la crise sanitaire, et qui somme toute, en aurait convaincu plus d’un.
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