À LA LOUPE - Le samedi 20 avril, une scène a particulièrement choqué : réunis place de la République à Paris, un groupe de Gilets Jaune a scandé aux forces de l'ordre présentes : "Suicidez-vous !" Une enquête a été ouverte. Mais les individus risquent-ils vraiment d'être condamnés ? L'incitation au suicide peut-elle être retenue ?
"Suicidez-vous ! Suicidez-vous !" Sombre slogan répété à plusieurs reprises samedi 20 avril par plusieurs Gilets Jaunes place de la République aux policiers présent pour le 23ème rassemblement du mouvement. Dimanche, le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "outrage à personne dépositaire de l'autorité publique commis en réunion." Quels sont les risques encourus par les manifestants qui ont proféré ces slogans ?
Qu'est-ce que la provocation au suicide ?
L'incitation au suicide est un délit, puni par le code pénal d'une peine allant jusqu'à 45.000 euros et trois ans d'emprisonnement.
Pour savoir si les Gilets Jaunes incriminés sont passibles de telles peines, nous avons posé la question à Me Emilie Berengier, avocate. "Le délit de provocation au suicide suppose un acte positif, c'est-à-dire une provocation directe, visant une personne ou un groupe déterminé." Il peut s'agir soit d'une pression psychologique, soit d'une fourniture de moyens destinés à procurer la mort. "Le simple conseil de se suicider, s’il n’est pas accompagné de manœuvres visant à en développer la force de conviction, n’est pas réprimé," précise Me Berengier.
Les manifestants qui entonnèrent "Suicidez-vous !" n'entrent donc pas dans le champ d'une incitation au suicide au sens du code pénal. De plus, la provocation doit être suivie d’effet, que ce soit un suicide ou une tentative de suicide. C'est pour ces raisons que le parquet de Paris a retenu la charge d' "outrage à personne dépositaire de l'autorité publique."
Une réponse plus forte attendue par la police
Un 'simple' outrage qui passe mal du côté des organisations syndicales représentantes des forces de l'ordre qui dénombrent 28 fonctionnaires de police suicidés depuis le début de l'année. Ainsi, David Michaux, secrétaire national UNSA Police, estime qu'une réponse plus ferme doit être apportée.
Il rappelle que les peines pour outrage sont moins fortes que pour provocation au suicide. Dans le cas d'un "outrage à personne dépositaire de l'autorité publique", le code pénal prévoit des peines pouvant aller jusqu'à un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.
Honte à ceux qui se sont livrés à une telle ignominie ! Soutien total à nos forces mobilisées, et à leurs familles. L'immense majorité des Français sait ce qu'elle leur doit. https://t.co/B8HZYV96NQ — Christophe Castaner (@CCastaner) 20 avril 2019
Si Christophe Castaner, a rapidement tweeté son indignation, "Honte à ceux qui se sont livrés à une telle ignominie !", les représentants des forces de l'ordre considèrent l'action du ministère de l'Intérieur en-deçà de la situation. "Nous attendons un acte beaucoup plus fort de la part du ministre et qu'il porte plainte pour incitation au suicide", nous indique David Michaux. "Les peines encourues sont plus lourdes que pour un outrage. Dans le contexte actuel de suicides, il faut une réponse très ferme."
Des circonstances particulières
Si les faits survenus samedi 20 avril place de la République ne semblent pas entrer dans le champ d'une 'incitation au suicide' tel que défini par le code pénal, pour autant, le chant "Suicidez-vous !" ne constitue pas un outrage comme les autres.
Comme nous l'explique Me Vanessa Fitoussi, avocate. "Scander "Suicidez-vous !" dans cette période particulière n'est pas anodin. Le juge appréciera la gravité des propos au regard de la vague de suicides que vit la police et la gendarmerie aujourd'hui, il n'est pas déconnecté de l'actualité. " Ainsi, la justice pourra décider qu'il se s'agit pas de simples provocations.
Malgré l'indignation provoquée par les chants de samedi, de nouveaux actes appelant aux suicides des forces de l'ordre continuent, comme le rapporte Le Télégramme.
Des tags sur une gendarmerie bretonne
Landivisiau. Tags sur la façade de la brigade de gendarmerie [Vidéo] https://t.co/vCTCRIZE2J pic.twitter.com/UDS7hJgqUc — Le Télégramme (@LeTelegramme) 22 avril 2019
Les habitants de Landivisiau dans le Finistère ont découvert sur la façade de la gendarmerie des tags invitant les militaires au suicide. "Flics suicidés à moitié pardonnés", "Suicidez-vous" ou encore l'acronyme "ACAB" ont été peint sur la brigade. ACAB est un acronyme tiré de l'anglais 'All cops are bastards', traduit par 'Tous les flics sont des connards', qui trouve ses origines dans le mouvement skinhead.
Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse alaloupe@tf1.fr.
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info