PEDOCRIMINALITE - Depuis vendredi 8 octobre, des milliers de messages rassemblés sous les hashtags #MonEgliseAussi et son dérivé anglophone #MyChurchToo ont été partagés en ligne, faisant part de la consternation d’une partie de la communauté catholique qui réclame des réformes au sein de l’Eglise.
"C’est encore le temps des larmes, de la compassion, de la sidération. Mais vient celui de la colère." Le message de cette internaute excédée est l'un des milliers parmi les déclarations postées en ligne depuis le 8 octobre par des fidèles catholiques, en réaction à la publication du rapport Sauvé, publié mardi 9 octobre dernier par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase). Cette enquête sur les agressions sexuelles commises par des membres du clergé a produit une onde de choc dans les rangs de l’institution, mais aussi du côté des fidèles.
Depuis vendredi, des catholiques ont exprimé leur effroi face aux révélations du rapport et demandé à l’Église de prendre ses responsabilités sous les hashtags #AussiMonEglise (aussi écrit #MonEgliseAussi) et #MyChurchToo en anglais. Des hashtags hissés au rang du top 3 de tendances sur Twitter vendredi.
Le rapport de la Ciase, fruit de deux ans et demi de travail, estime notamment que 330.000 personnes auraient été victimes en France de violences sexuelles commises par quelque 3000 prêtres prédateurs, mais aussi plus largement des religieux et laïques dans des lieux de l’institution, depuis 1950. La plupart des victimes sont de jeunes garçons adolescents.
"Une volonté de faire changer les choses et de restaurer l’Église"
Vendredi 8 octobre, alors que la communauté catholique fait mémoire de la Passion du Christ, une dizaine d’internautes ont lancé ces hashtags, pour exprimer leur soutien aux victimes. "Depuis [quelques] jours j'ai envie de crier", confie un internaute, tandis qu'une autre raconte : "Mon monde a changé quand j’ai appris qu’une amie, enfant, avait été violée par un prêtre". "Comme catholique, je pleure avec les victimes des violences sexuelles commises par des membres de l’Église", écrit une fidèle.
Je m’associe au mouvement #MyChurchToo #AussimonEglise . Comme catholique, je pleure avec les victimes des violences sexuelles commises par des membres de l’Eglise. Je demande pardon à ce « peuple de vies brisées », je remercie celles et ceux qui ont eu le courage de parler. — Sabine Adrien (@sabine_adrien) October 8, 2021
Nombreux sont aussi les croyants à exprimer leur colère face à la loi du silence qui a régné pendant des décennies dans les rangs de l’institution en dépit de la gravité des actes commis, et que le rapport est venu mettre en lumière. Des centaines d’internautes appellent ainsi l’Église à se réformer et muscler son arsenal de prévention et de sanction contre les agressions sexuelles. Parmi les instigateurs du mouvement, l’avocat et essayiste Erwan Le Morhedec, qui écrit sur Twitter que "la pédocriminalité est une autre Passion". "Laïcs, nous réclamons que les réformes soient adoptées", lance-t-il.
L’écho reçu à cet appel "témoigne d’un véritable élan chez les fidèles, une volonté de faire changer les choses et de restaurer l’Église", a-t-il indiqué à Famille Chrétienne, même si aucun mouvement n’a pour l’heure été constitué, et qu’il n’existe "ni porte-parole ni de réclamations précises". "Pour mettre fin à la crise des abus, on ne peut pas se contenter de petites mesures, d’un mémorial et d’une veillée de prière", a-t-il tancé.
Vendredi, 15h La pédocriminalité est une autre Passion. Passion du Christ et des victimes tout ensemble. Leur calvaire, rapporté par la #Ciase , nous saisit. Laïcs, nous devons être entendus ! Laïcs, nous réclamons que les réformes soient adoptées ! #MyChurchToo #AussiMonEglise — Erwan Le Morhedec (@koztoujours) October 8, 2021
Une ligne ferme partagée par beaucoup d’internautes, notamment des parents inquiets. "Sans réforme profonde et durable de notre Église, comment être certains que nos enfants sont en sécurité ?", écrit l’un d’eux sur Twitter.
"Depuis le jour de mon baptême, je suis de cette Église, confie une croyante sur le réseau social également. Je n'en veux pas d'autre. Je la veux autre." Cette professeure de français, pratiquante, se dit déçue de la réponse apportée par l’institution aux révélations de ce rapport. "Ils ne peuvent pas continuer à décider seuls sans nous, sans nous rendre de comptes", abonde sur la radio Timothé, ingénieur à Paris et l’un des initiateurs du hashtag, estimant que "de l’intérieur de l’Église, nous attendons ces changements".
Depuis le jour de mon baptême, je suis de cette Eglise. Je n'en veux pas d'autre. Je la veux autre. Je veux qu'elle demande pardon, je veux qu'elle répare, je veux qu'elle nous écoute tous. Je veux qu'elle change. #MyChurchtoo #AussimonEglise — Corine (@CorineMarbeuf) October 8, 2021
"Bâillon spirituel et psychologique"
"L’Église, c’est aussi l’ensemble des fidèles, pointe sur LCI Christine Pedotti, directrice de la revue Témoignage chrétien dans la vidéo en en-tête. L’ampleur de ce qui a été révélé nous a laissé abasourdis." La journaliste souligne en particulier le caractère "systémique" de ces violences, révélé par le rapport Sauvé, qui provoque la colère de certains fidèles contre la hiérarchie de l'institution. "Ce qu’on nous a expliqué jusqu’alors, qu’il s’agit au fond de quelques brebis galeuses, quelques pommes pourries, ça ne tient plus la route", décrypte-t-elle, ajoutant que les victimes et leur famille ont subi "un bâillon spirituel et psychologique".
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Le mouvement a toutefois également été suivi par des clercs, comme Thomas Poussier, recteur d'un séminaire d'Aix-en-Provence. "Prêtre et formateur de futurs prêtres, c'est #AussiMonEglise, a-t-il écrit le 9 octobre. Il y a une claire convocation à ne pas vivre comme si ce n'était que du passé, comme si c'était aux autres de changer." "Que cette tendance devienne un chemin de réforme", a abondé également l'Abbé Simon d'Artigue, prêtre toulousain.