SOLIDARITÉ – Il y a trois ans, le chef étoilé Massimo Bottura ouvrait le premier Refettorio à Milan, un restaurant à destination des plus démunis. Le concept : des repas anti-gaspillage et gastronomiques servis dans un lieu magique. Depuis, ce projet a fait des petits : le quatrième Reffetorio vient d'ouvrir ses portes dans le foyer de l'église de la Madeleine à Paris. LCI s'y est invité le temps d'une soirée.
"Il est 17h25, dans 45 minutes on va se mettre en place. Maria tu peux mettre un filet d'huile d'olive sur les tomates ? Voilà, comme ça c'est parfait." Dans les cuisines du Refettorio, le chef Maxime Bonnabry Duval coordonne tel un chef d'orchestre sa brigade avant l'arrivée des premiers "invités". Car ici, on ne parle pas de clients, et pour cause, les repas servis à table sont gratuits.
Depuis le 15 mars dernier, ce restaurant d'un nouveau genre accueille jusqu'à 100 personnes tous les soirs du lundi au vendredi dans les locaux du foyer de la Madeleine à Paris et propose un menu anti-gaspillage avec entrée, plat, dessert. Ce soir, le chef a concocté un potage de légumes avec oeuf mollet, tombée de champignons et chips de parmesan. Suivra, en plat principal, du filet de dinde sauce curry accompagné de tomates rôties au four et d'une purée de panais et pomme de terre. Et enfin, pour le dessert, du riz au lait aux 4 épices avec des pommes caramélisées. Un repas digne d'un restaurant gastronomique ?
"Aller au-delà de ce qui est nécessaire"
"Le Refettorio n'est pas qu'une cantine sociale", souligne Christine Graffard, la cheffe de projet. "On a une approche plus qualitative que quantitative. Au-delà de l'aide alimentaire, on veut offrir un bon moment, un lieu où recréer du lien social." "J'aime beaucoup l'idée d'aller au-delà de ce qui est nécessaire", abonde Lucy, une bénévole qui a aidé à l'élaboration du dessert. "On propose du bon, du frais et du beau." Maxime en profite pour goûter le riz au lait qu'on remue dans une grande marmite. "Mmm, ce n'est pas trop sucré, c'est bien!"
Des bénévoles comme Lucy, on en retrouve également en salle. Douze personnes se pressent autour de Céline Morin, la coordinatrice du Refettorio Paris, chargée du bon déroulement de la soirée. Le but : que chacun trouve sa place, malgré sa méconnaissance du milieu et surtout mettre à l'aise un public qui n'est pas habitué aux grands restaurants. "Les personnes vont entrer par ici, on propose un service de vestiaires avec un système de tickets." Pour les sans-abri susceptibles de venir avec un gros sac à dos, elle prévient : "Si vous sentez qu'ils sont réticents, vous abandonnez". Et d'ajouter : "On ne pose pas de questions sur leur passé."
Evidemment, les bénévoles sont invités à échanger avec les convives, mais tout en finesse et seulement avec ceux qui le souhaitent. Derrière eux arrive un invité surprise : l'artiste JR, à l'initiative du projet parisien. Il tient à expliquer la démarche : "On ne meurt pas de faim à Paris, mais d'être isolé, de se sentir oublié, c'est vraiment pour ça qu'on a construit cet endroit. Ce que l'on souhaite, c'est créer du lien, de la chaleur humaine et c'est ce qui fait la différence avec une soupe populaire."
L'artiste n'en est pas à son coup d'essai, il a participé à l'ouverture d'un Refetterio à Sao Paulo au Brésil. C'était en 2014 lors de la Coupe du monde. Au total, il en existe aujourd'hui quatre dans le monde. A l'origine de ces restaurants solidaires, on retrouve le chef italien Massimo Bottura, trois étoiles au Guide Michelin. "Il a ouvert le premier Refettorio à Milan lors de l'Exposition universelle", détaille Christine Graffard. "C'était à la base un projet un peu temporaire" Trois ans plus tard, le restaurant fonctionne toujours. A Milan, Sao Paulo, Londres ou Paris, le concept est toujours le même : lutter contre le gaspillage alimentaire, proposer des repas gastronomiques aux plus démunis et développer le lien social par la culture.
Quand on est dans un beau lieu, on se sent mieux
Christine Gaffard, cheffe de projet du Refettorio
"Vous vérifiez que les verres sont bien placés à droite, on ouvre dans deux minutes", presse Céline Morin. Quand les portes s'ouvrent, plusieurs personnes sont déjà au rendez-vous : des hommes, des femmes, des jeunes et des moins jeunes, certains "sur leur 31". "Hier, nous avons aussi reçu une famille", souligne la coordinatrice. Six jours seulement après l'ouverture, on compte même des habitués. "Je vous ai ramené du monde", lance, enthousiaste, une femme, accompagnée de deux amies. "Vous comptez revenir souvent ? ", leur demande une bénévole chargée d'établir leur carte d'adhésion. "Ah oui! Matin, midi et soir!", s'amuse-t-on à répondre.
En attendant de se voir servir leur entrée, les premiers installés peuvent profiter de la beauté des lieux. Le foyer de la Madeleine, qui sert également de lieu de restauration le midi, a été entièrement rénové par des designers pour l'ouverture du Refettorio. Les tables ont été harmonisées, des œuvres d'art ont été accrochées aux murs et au plafond, comme une sculpture de la plasticienne Prune Nourry et, tout naturellement, des œuvres de JR. "On restaure l'âme et la dignité par la beauté, comme l'expliquait le jour de l'ouverture Massimo Bottura, quand on est dans un beau lieu, on se sent mieux", indique Christine Graffard. "La vaisselle n'est pas en carton, il y a des œuvres d'art, l'environnement est reposant, il y a une sérénité qui se dégage parce que le lieu a été pensé, dessiné pour cet usage". Ici, la beauté n'est pas une fin en soi mais un moyen : "En arrivant, les gens disent 'Waa, c'est beau', mais quand ils partent, ils disent juste 'on a passé un bon moment', 'on s'y est senti bien'."
Et la magie opère. Certains, venus seuls, discutent avec leurs voisins tout en dégustant leur plat, d'autres avec les bénévoles chargés de les servir. Quand Edmond, un charmeur de 70 ans - "70 ans de bêtise" souligne-t-il - réalise qu'une serveuse est nordiste, il est fier de lui expliquer l'origine des expressions de leur région commune. "C'est un beau projet", déclare Rachel, une artiste proche de JR venue aider à servir ce soir. "Cela permet de regrouper des gens de tous horizons." Elle ne croit pas si bien dire. Mardi, Matthieu Chedid était de la partie et a improvisé un concert face aux convives et les chefs Yannick Alléno et Alain Ducasse sont passés en cuisine.
Des aliments invendus comme ingrédients
Ce mercredi soir, pas de stars parmi les bénévoles mais cela n'empêche pas une bande de copains "de se régaler". L'un d'entre eux s'amuse même à filmer sur son smartphone tous les plats. "Les gens sont heureux de venir manger mais aussi de discuter" rapporte Fabiano, un bénévole brésilien, apprenti cuisinier. "L'ambiance est super." Personne ne laisse une seule miette dans son assiette, on réclame même du rab "si possible". Que les plats aient été confectionnés avec des invendus fournis par la Banque alimentaire et des supermarchés partenaires n'y change rien. "Il y a tellement de choses qui sont jetées, on pourrait refaire un supermarché avec les aliments", regrette Maxime Bonnabry Duval. "Parfois ça nous arrive de retravailler le produit, mais ce (mercredi) soir, nous n'en avons même pas eu besoin."
Avant de partir, un homme demande timidement s'il peut "voir le cuisinier". "Il a tenu à nous remercier, moi et toute l'équipe", explique fièrement le chef.
Pour devenir bénévole au Refettorio :
https://refettorio.force.com/s/login/SelfRegister?language=fr
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