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Retraite minimale garantie à 1000 euros nets : un effet d'annonce ?

par Claire CAMBIER
Publié le 12 décembre 2019 à 17h32
JT Perso

Source : TF1 Info

RETRAITES - Alors que le gouvernement fait face à un mouvement social d'ampleur, Edouard Philippe a présenté le 11 décembre les grandes lignes de la réforme des retraites. Parmi les mesures phares de l'exécutif : la garantie d'une pension minimale de 1000 euros nets par mois. Un effet d'annonce, selon certains. Explications.

Le Premier ministre a dévoilé le mercredi 11 décembre les contours de la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Un discours très attendu, alors que de nombreux secteurs se mobilisent depuis une semaine pour afficher haut et fort leur opposition. Pour convaincre, Edouard Philippe, lors de son discours devant la Conseil économique et social puis sur le plateau du 20H de TF1, a mis en avant plusieurs mesures. Et parmi elles, la garantie d'"une pension minimale de 1000 euros nets par mois pour une carrière complète au Smic", présentée comme "une révolution sociale", notamment pour les "agriculteurs, artisans et commerçants".

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De nombreuses voix se sont rapidement élevées pour dénoncer ce qu'elles considèrent comme un effet d'annonce, à l'image de l'organisation altermondialiste Attac, qui souligne que cet engagement n'est pas nouveau. De fait, cette disposition "faisait l’objet de l’article 4 de la loi de 2003 (réforme Fillon) et devait être effectif à partir de 2008. Ce qui n’a jamais été respecté, en dépit de la loi votée", relève l'association. "Pourquoi alors la répétition de cette promesse serait-elle plus crédible aujourd’hui ?"

Une mesure qui figure déjà dans la loi

En effet, cette annonce figure dans la loi du 21 août 2003 portant sur la réforme des retraites. A l'époque, deux membres du gouvernement dirigé par Jean-Pierre Raffarin sont chargés de mener à bien ce projet : François Fillon, alors ministre des Affaires sociales et... Jean-Paul Delevoye, ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’État et de l’Aménagement du territoire.

Cette loi, qui a allongé la durée de cotisations, était censée apporter quelques concessions aux bas revenus. L'article 4 promet ainsi d'assurer un montant de pension "au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net", autrement dit du Smic net.

Il ne s'agit toutefois que d'un objectif que "la Nation", selon les termes du texte, se fixait à l'horizon 2008 pour tout salarié ayant travaillé à temps complet et suffisamment longtemps. "Si la loi de 2003 était donc appliquée, cela fait donc 11 ans qu'il ne devrait plus y avoir un seul retraité ayant une carrière complète à moins de 1000 euros par mois", fait valoir Maxime Combes, porte-parole d'Attac sur son blog.

Cela prouve bien que cette proposition n'a rien à voir avec le système de retraites par point

Christiane Marty, économiste et membre de la Fondation Copernic

"Cela prouve bien que cette proposition n'a rien à voir avec le système de retraites par points", fustige pour sa part Christiane Marty, économiste et membre de la Fondation Copernic, pointant du doigt le risque de confusion. "Les retraités actuels pensent que leurs pensions vont être revalorisées, mais il n'en est rien !" En effet, la mesure ne serait pas rétroactive. En outre, poursuit l'experte, "ce minimum de pension ne sera accordé qu'aux personnes ayant une carrière complète. Aujourd'hui on l'obtient à 62 ans, demain ce sera 64 ans."

Il n'empêche que la nouvelle mesure devrait permettre de donner un coup de pouce aux personnes à faible revenus, comme les agriculteurs. La loi de 2003 "devait notamment s'appliquer aux exploitants agricoles", rétorque Maxime Combes. D'ailleurs, une proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale, en première lecture le 2 février 2017, visait aussi à garantir aux agriculteurs un niveau de retraite à 85% du Smic - au lieu des 75% actuels. Or, le gouvernement avait bloqué ce texte, invoquant le fait que cette mesure devait être adoptée dans le cadre d'une reforme globale des retraites.

Un seuil symbolique retardé

Autre critique : la revalorisation annuelle du minimum contributif aurait pu conduire à ce seuil de 1000 euros avant même l'établissement de la réforme. Ce minimum contributif concerne les personnes qui ont atteint leur retraite à taux plein, mais qui ne bénéficient que de maigres pensions du fait de leurs faibles revenus tout au long de leur carrière. Il s'établit aujourd'hui à  636,57 euros (697,68 euros pour au moins 120 trimestres de cotisation) et s'ajoute aux mécanismes de retraite complémentaire dont bénéficient les salariés du privé (dans la limite de 1 177,44 euros/mois). 

Selon différents calculs, pour les 4,8 millions de bénéficiaires actuels, le montant total de la pension de retraite s'établit aujourd'hui autour de 80% du Smic (soit 970 euros nets/mois environ). Pour les agriculteurs, qui bénéficient d'un système du même type, le montant minimum de leur retraite représente, on l'a dit, 75% du Smic, soit 902,2 euros nets/mois. Un coup de pouce en 2020 - des déclarations d'Agnès Buzyn étaient allées en ce sens au printemps dernier - aurait ainsi pu permettre de franchir rapidement la fameuse barre des 1000 euros. Or, l'effet de la mesure, telle qu'annoncée par Edouard Philippe, pourrait finalement attendre la date de l'application de la nouvelle réforme des retraites. Soit 2022 au mieux.

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