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Retraites : le report de 60 à 62 ans, voté en 2010, a-t-il fait bondir le nombre d'allocataires du RSA ?

Publié le 14 janvier 2023 à 16h39, mis à jour le 23 janvier 2023 à 13h53

Source : JT 20h WE

La France insoumise refuse, en bloc, un relèvement de l'âge de départ à la retraite à 64 ans.
Alexis Corbière indique que passer de 60 à 62 ans s'est traduit par la hausse des bénéficiaires du RSA.
Des travaux réalisés par la Drees vont dans son sens, et montrent plus globalement une augmentation du nombre de personnes touchant les minimas sociaux.

Le jeudi 19 janvier marquera le début de la mobilisation contre la réforme des retraites, avec une série de mobilisations annoncées partout en France. Si les syndicats sont unis pour afficher leurs contestations, ils reçoivent aussi le soutien d'une partie de l'opposition, à commencer par la France insoumise. Le député Alexis Corbière, invité ce samedi 14 janvier sur France inter, s'inscrit dans la lignée des autres représentants de son mouvement et appelle le gouvernement à reculer.

Parmi les arguments utilisés pour contester un relèvement à 64 ans de l'âge légal de départ, l'élu de Seine-Saint-Denis invoque une conséquence directe de la réforme. Le nombre de bénéficiaires du RSA, assure-t-il, serait poussé à la hausse. Il se base, pour l'affirmer, sur la précédente réforme ayant touché à l'âge légal : en 2010, avec un relèvement progressif de 60 à 62 ans. Un constat réalisé avant lui par la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (Drees), l'institut statistique du ministère du Travail.

La recrudescence attestée des bénéficiaires des minimas sociaux

La réforme des retraites votée en 2010 a été étudiée par la Drees. En 2016, deux avant que le relèvement progressif à 62 ans de l'âge de départ soit entériné pour l'ensemble des Français, elle a dévoilé une étude remise au Conseil d’orientation des retraites (COR). Il s'agissait de mesurer plus précisément l'impact sur les pensions d’invalidité et les minima sociaux. Le document note que "la réforme de 2010 a pour conséquence une hausse de l’âge effectif du départ à la retraite", mais qu'elle "introduit aussi un risque de bascule de personnes qui auraient été retraitées avant la réforme vers d’autres dispositifs sociaux". Un risque d'autant plus significatif qu'à 60 ans, "près d’une personne sur trois n’est ni en emploi, ni à la retraite". La majorité d’entre elles se trouvent ainsi "en situation d’invalidité ou de chômage", quand "d’autres sont couvertes par un minimum social ou ne touchent aucun revenu personnel".

En ce qui concerne les bénéficiaires du RSA, la Drees a constaté une hausse "des effectifs d’individus âgés de 60 ans entre 2011 et 2012 et celles des effectifs d’allocataires âgés de 61 ans entre 2013 et 2014 d’une part, et entre 2014 et 2015 d’autre part". Ces augmentations sont décrites comme "attendues". L'ensemble des variations observées est condensé dans le tableau qui suit.  

Drees

Les auteurs partagent également certaines surprises, notamment le fait que "certaines fortes hausses, attendues du fait du calendrier de montée en charge de la réforme, n’apparaissent pas". Dans le même temps, "il existe de forts effets liés à la conjoncture : par exemple, la hausse du nombre de bénéficiaires est significative entre 2010 et 2011, y compris à des âges qui ne sont pas directement concernés par le relèvement de l’âge minimal de départ à la retraite". 

Les travaux de la Drees incitent à ne pas se concentrer sur le seul recours accru au RSA à la suite du relèvement de l'âge légal. En effet, d'autres minimas sociaux sont concernés, à commencer par les pensions d'invalidité. "Avec le recul de l’âge minimal de la retraite, le nombre de bénéficiaires de pensions d’invalidité augmente sous deux effets : le maintien plus long en invalidité des personnes qui l’étaient déjà avant 60 ans, et l’entrée dans le dispositif de nouveaux bénéficiaires de 60 à 62 ans. Au total, entre 125.000 et 150.000 personnes supplémentaires du fait de la réforme seraient ainsi bénéficiaires d’une pension d’invalidité entre 60 et 62 ans, soit un peu moins de 8 % de cette classe d’âge."

Dans sa conclusion, l'étude souligne qu'au total, "cette réforme [de 2010, NRDL] accroîtrait le nombre d’allocataires du RSA socle, de l’allocation adulte handicapé et de l’allocation spécifique de solidarité, d’environ 80.000 fin 2016, soit environ 5 % d’une classe d’âge à 60-61 ans". Cela entraîne un "surcoût annualisé au terme de la réforme" résultat des dépenses d’allocations "de l’ordre de 600 millions d’euros par an". Des dépenses assez largement compensées par les économies réalisées à l'époque.

En résumé, les travaux menés donnent globalement raison à Alexis Corbière lorsqu'il évoque une hausse du nombre de personnes au RSA lors du rehaussement de l'âge légal de départ à la retraite. Dans le même temps, il faut souligner qu'outre le RSA, d'autres minimas sociaux sont concernés, avec une progression significative du nombre de bénéficiaires.

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Thomas DESZPOT

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