DECRYPTAGE - Alors qu'un projet d'attentat fomenté depuis l'intérieur de la prison de Fresnes, par deux détenus radicalisés, vient d'être déjoué, la question de la radicalisation derrière les barreaux revient sur le devant de la scène. Les quartiers spéciaux regroupant les profils radicalisés, notamment, interrogent.
Ils devaient sortir de prison ces jours-ci. Lundi 2 octobre dernier, deux détenus de la prison de Fresnes ont été placés en garde à vue puis mis en examen pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Ils étaient suspectés de préparer un attentat islamiste depuis l'intérieur même de leur cellule.
Un fait divers qui n'en est pas vraiment un, car il relance, une nouvelle fois, le débat sur la prise en charge de la radicalisation en prison. Selon des estimations du ministère de la Justice en 2016, 15% des radicalisés l'ont été en prison. Dernier dispositif en date, le quartier d'évaluation de la radicalisation (QER), est aujourd'hui déjà décrié. Mis en place dans trois établissements pénitentiaires - Fleury-Mérogis, Osny et, justement, Fresnes - il consiste en l'évaluation par des psychologues de la dangerosité d'un détenu, placé à l'isolement si besoin. Seulement voilà : l'un des deux détenus aujourd'hui suspecté d'avoir fomenté une attaque avait d'ores et déjà été placé à l'isolement, quelques temps avant sa mise en examen. Alors au-delà des différentes expérimentations se pose une question plus générale : faut-il vraiment isoler et regrouper dans un même quartier, au sein de la même prison, les détenus radicalisés ?
Une prison pas étanche
Pour certains surveillants la réponse est clairement "non" car isoler est impossible. Christopher Dorangeville, porte-parole de la CGT Pénitentiaire assure ainsi : Il est difficile de faire en sorte que les secteurs isolés soient complètement étanches du reste de la prison. Pour nous, rassembler les détenus radicalisés dans des structures dédiées est une erreur. Ils peuvent prendre contact plus facilement entre eux et créer des ramifications de réseaux", notamment grâce aux téléphones portables, interdits derrière les barreaux, qu'ils se débrouillent pourtant toujours pour avoir.
Une vision que ne partagent pas tous les syndicats pénitentiaires. Rien qu'à Fresnes "il y a presque 150 détenus radicalisés identifiés. Le QER, c'est 26 places, où ils peuvent rester quatre à six semaines, avance pour sa part Frédéric Godet, délégué Ufap-Unsa (majoritaire) à Fresnes. Après, ils doivent en théorie être réorientés vers d'autres structures, mais la vérité, c'est qu'ils partent au compte-gouttes, on en garde beaucoup. Et comme on n'a pas d'unité spécialisée où les garder ensuite, on les remet en détention de droit commun", a-t-il expliqué à l'AFP.
Autre argument, celui de la sécurité des surveillants. Et Christopher Dorangeville de rappeler l'agression au couteau, en septembre 2016, de deux surveillants de la prison d'Osny par un détenu radicalisé placé à l'isolement. "Tous les moyens ne sont pas mis en oeuvre par l'administration pénitentiaire pour la prise en charge des personnes radicalisées en prison. Les recrutements qui sont faits ne viennent pas renforcer nos effectifs. Or les caméras nous aident, mais elles ne font pas tout", poursuit-il.
Nous préférerions que les détenus radicalisés soient dispersés
Christopher Dorangeville, CGT pénitentiaire
La sénatrice écologiste Esther Benbassa, quant à elle, a mené une mission d'information sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes. Elle fait aujourd'hui le constat d'une "impasse". "L'idée de mettre ensemble des détenus radicalisés, ce n'est sûrement pas la bonne solution" confie-t-elle à LCI. "Le côté positif, c'est qu'ils sont soumis, dans ces quartiers d'évaluations, à des entretiens psychologiques, qu'il faudrait à l'avenir conserver, mais force est de constater que les quartiers d'isolement, comme les QER ne fonctionnent pas vraiment."
Alors vers quelle(s) solution(s) se tourner ? Pour l'heure, si l'on s'en rapporte au site du gouvernement, la tendance est plutôt à l'isolement, à l'accroissement sécuritaire, et à la création de nouveaux quartiers spécialisés, afin de gérer ces détenus repérés comme "sensibles" et radicalisés.
Il est intéressant de constater que certains surveillants, eux, préconisent exactement l'inverse. "Nous n'avons pas la science infuse, cette gestion relève d'un problème de société bien plus que du monde carcéral à lui seul" explique encore Christopher Dorangeville. "Mais nous préférerions que les détenus radicalisés soient dispersés dans plusieurs centres pénitentiaires et mis à l'isolement sur place, afin de minimiser les risques."
Esther Benbassa voit plutôt la solution au travers d'un changement de paradigme : "Il faudrait peut-être créer davantage de résidences surveillées par des éducateurs pour les petits délinquants, afin que ceux-ci ne se retrouvent pas dans la possibilité d'être embrigadés, au contact de personnes radicalisées en prison." Autrement dit, en finir avec le "tout carcéral", qui prévaut encore aujourd'hui en France.
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