Forte de son succès du 19 janvier, l'intersyndicale prévoit une nouvelle date commune de manifestation, le 31 janvier.Mais sur le calendrier d'action de février, des divergences apparaissent déjà au sujet de blocages et de grèves reconductibles.Ces choix stratégiques différents ne devraient pas pour autant fissurer leur union, estime un spécialiste.
Après une première mobilisation très suivie le 19 janvier dernier, l'intersyndicale espère à nouveau frapper fort le mardi 31 janvier prochain, en appelant à une nouvelle journée de grèves et de manifestations contre la réforme des retraites. Mais au-delà de ce nouveau rendez-vous, les avis divergent et de premières fractures apparaissent entre les organisations syndicales, qui affichaient pourtant jusque-là une unité inédite depuis 2010.
"L'intersyndicale appelle toute la population à se mobiliser encore plus massivement le 31 janvier pour dire non à cette réforme injuste", ont affirmé mercredi les huit principaux syndicats français dans un texte commun, lu par le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, lors d'un point presse près de l'Assemblée. Un rendez-vous organisé juste avant d'être reçus par la commission des affaires sociales de l'hémicycle, l'occasion d'afficher un front toujours uni.
La date du 31 janvier avait elle-même fait l'objet de débats : la CGT, qui plaidait pour une date plus rapprochée, s'est finalement inclinée face aux préférences de la CFDT, qui tenait à laisser le temps aux salariés de se remobiliser. Mais pour la suite du calendrier, les différences d'approche risquent de se creuser davantage encore.
"Cohabitation" entre journées collectives de mobilisation et blocages sectorisés
D'un côté, ceux qui souhaitent faire monter la pression par des grèves reconductibles, derrière Philippe Martinez, et de l'autre, ceux qui préfèrent ménager l'opinion publique en évitant les blocages, sur la ligne de Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. "Les divergences apparaissent à partir du moment où un choix stratégique est à faire sur les modalités d’action", explique auprès de TF1info Stéphane Sirot, historien spécialiste des syndicats et mouvements sociaux.
Plusieurs organisations, en particulier les branches de la CGT, ont d'ores et déjà annoncé ces derniers jours des séries d'actions dans certains secteurs pour les semaines à venir, ce qui pourrait avoir une incidence sur les vacances d'hiver. Du côté de la SNCF, la CGT Cheminots et SUD-Rail ont évoqué une grève reconductible "dès la mi-février", après une mobilisation du 7 et 8 février. La fédération FO des transports appelle aussi à la grève une heure par jour en début de service à partir du 31 janvier. Dans le secteur des énergies, la CGT chimie a prévu des mobilisations dès le 31 janvier également, tout comme dans le milieu scolaire, à l'appel de Sud-Éducation.
Autant d'annonces froidement accueillies par la réformiste CFDT : le premier syndicat français "n’est pas pour appeler à la grève reconductible dans différents secteurs professionnels", a déclaré Laurent Berger mercredi à la presse. Il a aussi réaffirmé que la CFDT "ne cautionne pas les coupures de courant", renvoyant aux "coupures ciblées" d'électricité prônées par la CGT énergie. "Le durcissement à tout crin, c'est perdre une partie de l'opinion", a-t-il argué. Sans pour autant vouloir remettre en doute l'unité du front syndical : "Vous n'allez pas nous diviser aujourd'hui", a-t-il lancé aux journalistes.
Les syndicats continuent de faire bloc contre la même ligne rouge, le recul de l'âge de départ à la retraite
Stéphane Sirot, historien spécialiste des syndicats
Pour cause, les divergences de position "ne signifient pas pour autant que l'intersyndicale se brisera", explique Stéphane Sirot. "Une espèce de cohabitation" pourrait se maintenir entre les journées d'actions répétées lancées en commun et des appels sectorisés à des grèves reconductibles : "L’un et l’autre peuvent s’alimenter mutuellement", avance le spécialiste, qui ne prédit aucune "dispersion factuelle". "Les syndicats continuent de faire bloc contre la même ligne rouge, le recul de l'âge de départ à la retraite. C'est le paradoxe : c'est la mesure du gouvernement qui fédère les organisations", analyse-t-il.
Quant aux inquiétudes de la CFDT de crisper l'opinion publique en multipliant les blocages, elles semblent infondées : "même si des grèves reconductibles s’engagent, sans doute que le soutien au mouvement s’effritera un peu, mais au regard du niveau exceptionnel du rejet du texte dans le pays, il a toutes les chances de rester quand même majoritaire", pointe l'historien.
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