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Le salaire des profs débutants est-il passé de 2,3 SMIC en 1980 à seulement 1,1 SMIC aujourd'hui ?

Publié le 25 mai 2022 à 15h59, mis à jour le 26 mai 2022 à 9h42

Source : JT 20h Semaine

Le message d'un internaute pointant du doigt la faible rémunération des enseignants en début de carrière a été largement relayé ces derniers jours.
De l'ordre de 2,3 SMIC en 1980, le salaire de profs ne serait désormais plus égal qu'à 1,1 SMIC.
Cette estimation est très proche des calculs réalisés ces dernières années par un économiste spécialisé dans l'analyse des inégalités.

Nommé ministre de l'Éducation nationale en remplacement de Jean-Michel Blanquer, Pap Ndiaye ne devrait pas manquer de travail dans les mois à venir. Il lui faudra notamment plancher sur la question des rémunérations du corps enseignants, qui contribuent en partie au manque d'attractivité de la profession et au manque de candidats dans de multiples matières. 

Pour illustrer cette situation, un internaute a relayé sur Twitter une comparaison choc ces derniers jours, abondamment reprise. "En 1980, un jeune prof gagnait 2,3 SMIC. En 2022, il gagne 1,1 SMIC", a-t-il souligné. Un constat qui lui fait dire que "les débats en boucle sur l'opposition entre la ligne Blanquer et la ligne Ndiaye sur l'islamo-gauchisme, on s'en cogne". Et de résumer en quelques mots son état d'esprit : "On veut de la fraîche, de l'oseille, de la thune."

Une situation qui s'est très largement dégradée

Sur le réseau social, il n'est nulle part fait mention de la source de ces données, difficile donc d'en juger en apparence la véracité. Des recherches permettent toutefois d'en retrouver l'origine. Il y a quelques mois, l'économiste Lucas Chancel partageait en effet des chiffres extrêmement similaires, n'hésitant pas à décrire la situation comme "un déclassement radical, résultat d'un sous-investissement chronique dans la fonction publique". La seule nuance apportée ? Le fait que l'on passe de 2,3 SMIC à 1,2 en quatre décennies, et pas à 1,1 comme on a pu le lire sur Twitter.

Pour apprécier la fiabilité de ces calculs, l'enseignant à Sciences Po et codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales à l’École d’économie Paris (PSE) n'hésite pas à partager ses sources et les détails de sa méthodologie. Tout est en effet résumé dans un document de plusieurs pages qu'il a transmis à TF1info. Le spécialiste s'est ainsi appuyé sur les éléments fournis par l'Insee en ce qui concerne l'évolution du salaire minimum ou de l'inflation, tandis qu'il a pris pour référence les "séries sur le point d’indice de la fonction publique et sur les grilles indiciaires dans l’Education nationale publiées par le ministère de

l’éducation nationale". Pour évoquer le salaire des enseignants dans les années 1980, c'est enfin aux données d'autres chercheurs (Bouzidi et al. (2007)) qu'il s'est fié. 

Le graphique issu des calculs de Lucas Chancel, éloquent, montre la diminution progressive de l'écart entre le salaire des jeunes professeurs et le SMIC.

Lucas Chancel

"Sur une période de 40 ans, le salaire d’entrée des enseignants titulaires d’un CAPES a donc été divisé par 2 environ, par rapport au SMIC. Ce salaire se trouve aujourd’hui seulement 15% au-dessus du revenu minimum", analyse l'économiste. "Les données mettent en évidence une chute très forte sur la période 1980-2000, une poursuite sur la période 2000-2022. Les rehaussements du point d’indice ou de la grille indiciaire (2017) n’ont pas permis d’enrayer cette baisse." Il faut préciser, comme l'indique le document fourni par Lucas Chancel, que "les données présentées ici ne prennent pas en compte les primes dont bénéficient les enseignants. Il conviendra de les ajouter à l’analyse pour approfondir la discussion", glisse-t-il.

"Les salaires au tout début (d'une carrière de professeur), c'est vrai, ne sont pas très élevés", reconnaissait l'été dernier Jean-Michel Blanquer. Le ministre de l'Éducation nationale de l'époque dévoilait alors un objectif à atteindre d'ici à 2024 : rémunérer tous les enseignants à un minimum de 2000 euros mensuels net. Plusieurs syndicats, réunis en intersyndicale, n'ont pas manqué de profiter du remaniement pour appeler de leur vœux "une revalorisation ambitieuse des salaires pour tous les personnels". Il s'agit à leurs yeux "non seulement pour compenser la perte de pouvoir d’achat depuis plusieurs années", mais aussi de "redonner de l’attractivité aux métiers des services publics de l’Éducation".

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Thomas DESZPOT

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