Un enseignant qui entame sa carrière est-il seulement payé 1400 euros ?

Publié le 13 janvier 2022 à 17h08

Source : TF1 Info

RÉMUNÉRATIONS - Jean-Luc Mélenchon estime que les jeunes enseignants sont mal payés. Seulement 1400 euros lorsqu'ils commencent leur carrière, a-t-il indiqué. Nous avons vérifié.

Invité du Grand jury dimanche sur LCI, Jean-Luc Mélenchon a rejeté l'idée d'une participation à une primaire citoyenne entre candidats de gauche. En parallèle, il a aussi eu un mot pour les enseignants, dont il a souligné les faibles niveaux de rémunération, en début de carrière notamment.

"Quand vous entrez [dans la profession, NDLR]" et "que vous êtes instit, vous êtes payé 1400 euros", a lancé le député de la France insoumise et candidat à la présidentielle. Conséquence selon lui de ces salaires très faibles ? Un manque d'attractivité du métier d'enseignant, avec des participations aux concours qui reculent ainsi que des départs de la fonction publique. 

Prof stagiaire, un statut peu envieux

Des profs français mal payés ? Le ministre Jean-Michel Blanquer l'a reconnu. "Les salaires au tout début (d'une carrière de professeur), c'est vrai, ne sont pas très élevés", a-t-il noté l'été dernier. Mais il assurait aussi avoir été "le ministre qui s'est le plus engagé pour changer ce fait". Dans son propos, il vantait le fait que soit maintenant enclenché "le processus qui permet de changer cela, en commençant par les plus jeunes". Le Grenelle de l'éducation, il s'en réjouissait, devait permettre d'obtenir des avancées concrètes : "Il y a encore moins d'un an, c'était 1700 euros net par mois pour commencer sa carrière de professeur. Avec les mesures que nous prenons, en février 2022, ce sera 1869 euros net par mois", lançait-il, volontariste.

Ces propos laissent à penser qu'un professeur débutant, ayant tout juste passé avec succès le concours, gagnerait désormais près de 1900 euros. Soit bien plus que les 1400 euros mis en avant par Jean-Luc Mélenchon. En pratique, le candidat LFI est pourtant le plus proche de la vérité. Un simulateur, proposé sur le site de l'Éducation nationale, permet de constater que la rémunération d'un enseignant débute à un niveau minimal de 1465 euros. À cette somme s'ajoute une prime informatique (annuelle) de 150 euros, on arrive donc à un total de 1477,5 euros mensuel sur sa fiche de paie, un peu plus que les 1400 euros du candidat insoumis.

Attention, il s'agit là d'un montant minimal. En effet, cela concerne uniquement les professeurs des écoles qui ne sont pas agrégés et qui ne sont pas éligibles à d'autres primes. Dans l'Éducation nationale, outre le salaire de base s'ajoutent en effet diverses indemnités : lorsque les enseignants travaillent dans des zones difficiles (en REP ou REP+), leur rémunération augmente. Une affectation dans un département ou une collectivité d'Outre-mer peut également gonfler le montant sur la fiche de paie.

Ces dernières années, des mesures ont été prises pour revaloriser les montants perçus par les professeurs en début de carrière. Les mesures du Grenelle n'ont toutefois pas concerné dans leur majorité les professeurs dits "stagiaires". Contrairement à ce que ce qualificatif suggère, il s'agit d'enseignants ayant réussi le concours. Si une partie d'entre eux passent toute leur semaine devant les élèves, une partie continue en parallèle à suivre une formation, 50% du temps. Ce n'est qu'à l'issue de cette année de "stage" que les professeurs et professeurs des écoles sont désignés comme "titulaires". Cela donne droit notamment à l'obtention de primes supplémentaires, à l'instar de l'ISAE. Cette indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves, d'un montant annuel de 1200 euros, vient compléter les salaires de base.

Notons que si Jean-Luc Mélenchon est assez proche de la vérité en évoquant 1400 mensuels au minimum en début de carrière, cela ne concerne que la toute première année de la carrière d'un enseignant. La titularisation au bout d'un an fait augmenter les niveaux de rémunération au-dessus des 1500 euros. Il faut aussi observer que ces 1465 euros ne seront plus un montant minimum à partir de la rentrée prochaine, en septembre 2022. Les professeurs stagiaires vont en effet toucher également 50% ou 100% de l'ISAE, en fonction du temps passé devant leurs élèves, soit 600 ou 1200 annuels. Cela signifie que les rémunérations les plus basses en début de carrière (pour les stagiaires) dépasseront toujours les 1500 euros, avant de poursuivre leur évolution avec l'ancienneté.

Du mieux, mais la France part de loin

Quand Jean-Michel Blanquer évoque dans ses propos les efforts considérables concentrés sur les jeunes enseignants, il ne fait en réalité pas référence aux stagiaires. Sur le site de l'Éducation nationale, plusieurs "cas types" sont mis en avant, illustrant les gains significatifs de rémunération pour des profs qui ont accumulé quelques années d'expérience. Un professeur stagiaire ayant entamé sa carrière au 31 décembre 2016 gagnait par exemple 1445 euros net. Cinq ans plus tard, ce montant a grimpé pour atteindre 1867 euros. Sollicité par LCI, le ministère incite d'ailleurs à ne pas se concentrer sur les seules sommes perçues par les stagiaires, mais bien à observer l'ensemble des données relatives aux enseignants en début de carrière. 

Par ailleurs, il faut souligner que la France est souvent citée parmi les pays d'Europe de l'Ouest qui rémunère le plus mal ses enseignants. Des professeurs qui ont vu leurs émoluments stagner depuis deux décennies. "En euros constants", il apparaît que "les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des 20 dernières années", pouvait-on lire il y a peu dans un rapport du Sénat.

Si le gouvernement met en avant les hausses décidées dans le cadre du Grenelle de l'éducation, Jean-Michel Blanquer a expliqué que des efforts supplémentaires seraient nécessaires. Il a ainsi fixé pour objectif une rémunération minimale nette de 2000 euros mensuels pour les enseignants à l'horizon 2024. Un objectif qui induira pour être atteint des revalorisations supplémentaires pour les professeurs en tout début de carrière, les stagiaires en particulier.

Vous souhaitez nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse lesverificateurs@tf1.fr. Retrouvez-nous également sur Twitter : notre équipe y est présente derrière le compte @verif_TF1LCI.


Thomas DESZPOT

Tout
TF1 Info