A LA LOUPE - Invitée sur France Inter ce mardi, l'ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine, désormais présidente du conseil d'administration d'Unitaid, a indiqué que "le sida ne tue plus en France". Une affirmation qui mérite une mise en contexte.
Ancienne ministre de la Santé, elle s'exprime désormais en tant que présidente du conseil d'administration d'Unitaid, une organisation internationale d'achats de médicaments. Marisol Touraine était l'invitée de la matinale de France Inter, ce mardi 25 juin. A cette occasion, elle est revenue entre autres sur l'état de la lutte contre l'épidémie de VIH en France.
Sur la perception de la maladie par la jeune génération, elle indique : "Au fond, les jeunes générations ont le sentiment que grâce aux médicaments, le sida ne tue plus – c’est vrai qu’il ne tue plus en France, il tue ailleurs, il tue en Afrique, il tue dans le reste du monde, et ils ont l’impression que c’est une maladie qui était celle de la génération de leurs parents. L’indifférence est le principal danger pour lutter contre les épidémies qui menacent la planète." Selon l'ex-ministre, le sida, donc, ne causerait plus de décès en France. Cette affirmation est-elle exacte ?
Examinons d'abord ce que nous disent les chiffres en la matière. En mars 2019, l'agence Santé publique France a indiqué que le nombre de découvertes de séropositivité VIH était stable, entre 2010 et 2017. Ainsi, "environ 6400 personnes ont découvert leur séropositivité en 2017, dont 3600 ont été contaminées lors de rapports hétérosexuels, 2600 lors de rapports sexuels entre hommes et 130 par usage de drogues injectables".
Mais les données relatives aux décès sont, quant à elles, beaucoup plus difficiles à récupérer. Pourquoi cette absence de données récentes et précises ? "Parce qu'on sait comment faire, désormais, pour prendre en charge les personnes vivant avec le VIH et éviter les décès" constate Aurélien Beaucamp, président de l'association Aides, que nous avons interrogé. Mais pour le militant, cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de décès liés au sida en France aujourd'hui. "On en meurt encore, dans notre pays, même si c'est rare" indique-t-il. Dominique Costagliola, épidémiologiste spécialiste de l'infection au VIH et directrice adjointe de l'Institut Pierre Louis d'Epidémiologie et de Santé Publique, précise ainsi : "Sur la base des données du CNAM, on peut estimer à environ 1500 le nombre de décès de personnes vivant avec le VIH, en 2016."
"Abus de langage"
Preuve que la réalité est un peu plus complexe que l'affirmation prononcée par Marisol Touraine. "C'est un abus de langage, décrit Aurélien Beaucamp, cela correspond à la perception du public. Je comprends ce qu'elle a voulu dire, mais c'est un peu plus compliqué que cela."
Revenons aux bases : ce qu'on appelle le sida est un stade avancé de l'infection au VIH, à partir duquel les défenses immunitaires ne sont plus capables de défendre l'organisme. C'est à ce moment-là qu'arrivent les maladies dites "opportunistes", comme la tuberculose par exemple. "Or, rappelle Aurélien Beaucamp, il y a encore des personnes qui se font dépister tardivement, alors qu'elles sont déjà 'au stade sida' et qu'elles ont déjà déclaré des maladies opportunistes." En effet, l'agence Santé publique France estime qu'en 2017, "près d'un tiers des découvertes de séropositivité sont toujours trop tardives" et que "30% des personnes ont été diagnostiquées à un stade avancé de l'infection à VIH".
Le principe de la "comorbidité"
Mais ce n'est pas tout. En parallèle de ces maladies opportunes, qui sont les principales conséquences du sida - en 2010, elles représentaient 25% des causes de décès - existe aussi ce que les chercheurs spécialisés appellent la "comorbidité". En clair, ce sont toutes les maladies qui s'ajoutent, en plus du VIH, comme les maladies cardio-vasculaires, les pathologies rénales, les maladies du foie, les troubles cognitifs, l'ostéoporose ou encore le diabète. Toutes ces maladies, parfois liées au traitement, sont plus répandues chez les patients vivant avec le VIH. Par exemple, en 2013, les maladies cardio-vasculaires étaient leur troisième risque de décès.
A ces risques, s'ajoute enfin la proportion de personnes, actuellement en France, vivant avec le VIH sans le savoir. "Sur environ 160.000 personnes vivant avec le VIH, on estime que 30.000 ne le savent pas" explique encore Aurélien Beaucamp. Un public à sensibiliser au dépistage et à mettre sous traitement le plus rapidement possible.
Car dans l'intention, le constat de Marisol Touraine est plutôt raccord avec les tendances actuelles. Les décès de personnes vivant avec le VIH surviennent toujours, mais ils sont rares, parce que la majorité de ces patients sont dépistés et traités : leur charge virale est alors contrôlée et leur espérance de vie s'est considérablement allongée. "On est dans un pays où on a de la chance poursuit le président de Aides, car la prise en charge est disponible et gratuite pour toutes et tous." Ailleurs dans le monde, ce n'est effectivement pas partout le cas. En 2017, 940.000 personnes sont décédées de maladies liées au sida.
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