PORTRAIT – En initiant le mouvement visant à dénoncer les violences au sein des IEP, Anna Toumazoff veut mettre la lumière sur les victimes mais aussi sur le travail effectué par les associations étudiantes. Depuis deux ans, elle utilise les réseaux pour porter sa cause.
Cinq jours après le lancement du hashtag #sciencesporcs et une séquence médiatique intensive, Anna Toumazoff peine encore à réaliser. "C’est assez vertigineux", admet-elle. Il y a eu un pic de témoignages lundi 8 et mardi 9 février mais les messages d’étudiants continuent d'affluer sur ses trois comptes Instagram. Et journalistes comme politiques se sont emparés du sujet qui bouscule les IEP, ces instituts d’études politiques très réputés aux quatre coins de la France. La jeune femme de 25 ans, à l’origine du mouvement visant à lever l’omerta sur les violences sexistes et sexuelles au sein des promotions, connait bien leur fonctionnement puisqu’elle a étudié un an à l’IEP de Toulouse, en master 2. De son passage à l’école, elle en garde surtout son militantisme avec la création de l’association féministe, "Les Sans Culottes". Depuis, Anna Toumazoff a quitté la ville rose pour vivre un temps à Paris, qu’elle a fini par quitter aussi.
Dimanche 7 février, la jeune femme a rendu public le témoignage de Juliette, élève à Sciences Po Toulouse : "Je vous écris car à Toulouse aussi on est violé.e.s (…). Au début, tu m’insultais comme les autres, même beaucoup plus, et puis tu m’as violée. (…) Je dormais et tu as continué. Tu m’as demandé si ça allait, j’ai dit non et tu as fini". L’étudiante a porté plainte le 6 février, juste après avoir écrit sur son groupe de promo, et une enquête préliminaire a été ouverte depuis.
Uber déjà sa cible en 2019
"Le but était aussi de mettre un éclairage sur le travail des associations étudiantes, leur donner de la force", souligne Anna Toumazoff. Exténuée mais toujours déterminée, elle veut croire qu’elle réussit à "faire bouger les lignes" : "Je n’ai envie de brasser du vent. Je n’ai pas le temps de débattre pendant des années, ce que je veux, c’est que les mecs arrêtent de nous violer". Pour cela, le jeune femme ne perd pas son objectif de vue. Comme sur le plateau de BFM où, face à la ministre Frédérique Vidal, elle lance : "J’aimerais entendre que des mesures exceptionnelles ont été prises aujourd’hui." Ou encore sur Twitter, lorsqu’elle assure à une internaute qui la félicite : "ON. VA. TOUT. CASSER. Pour nos petites sœurs".
Il faut dire que la jeune femme n’en est pas à son coup d’essai. En novembre 2019, c’est déjà elle qui se cache derrière le phénomène #Ubercestover, qui rassemble des témoignages d’agressions sexuelles et de viols commis par des chauffeurs VTC. À l’époque, l’ampleur du mouvement pousse Uber à réagir et à promettre des mesures de protection envers les victimes et de sanction envers les accusés. "La personne qui mène ces combats, j’ai parfois l’impression que ce n’est pas moi", avoue la militante aux 174.000 abonnés, toutes ses pages cumulées. Ses deux premiers comptes, memespourcoolkidsfeministes et cequeveulentlesfemmes, n’ont pourtant que deux ans. À l’époque, le choix de se lancer sur Instagram pour vulgariser des sujets féministes est vite vu : YouTube est ringard, Twitter est violent.
Alors face à la rhétorique, utilisée notamment par Eric Dupont-Moretti, selon laquelle la justice ne se rend pas sur les réseaux sociaux, la jeune femme rétorque aussitôt que "c’est la honte". Avant de développer, plus nuancée : "Je ne suis pas pour non plus, je ne trouve pas ça bien mais c’est parce qu’on n’a rien d’autre. Qu’est-ce qui pousse Juliette, qui n’avait pas encore porté plainte quand elle a déposé sa lettre, à s’exposer sur les réseaux et raconter ses traumatismes plutôt que de pousser la porte d’un commissariat ? Ce n’est pas normal". En parallèle du "travail de fond" entrepris ici, Anna Toumazoff a beaucoup de projets en tête. La préparation d’un livre est dans les tiroirs et puis d'autres témoignages pourraient suivre concernant d'autres grandes écoles.
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