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Si le gavage des canards destinés au foie gras était transposé à l'homme, devrions-nous manger 14 kilos de nourriture par jour ?

Publié le 20 décembre 2019 à 20h07
Les techniques utilisées pour produire le foie gras sont l'objet de critiques récurrentes.

Les techniques utilisées pour produire le foie gras sont l'objet de critiques récurrentes.

Source : LOIC VENANCE / AFP

À LA LOUPE – L'association L214, qui milite pour le bien-être animal, dénonce le gavage des canards et des oies pour la production de foie gras. Elle explique que ce gavage, s'il était appliqué de manière similaire à l'être humain, reviendrait à ingurgiter 14 kg de nourriture quotidiennement. Peut-on réaliser un tel parallèle ?

À l'approche des fêtes de fin d'année, l'association L214 a lancé une campagne pour dénoncer les conditions de vie des animaux élevés pour produire du foie gras. Les défenseurs du bien-être animal dénoncent le gavage des canards et des oies, forcés à ingurgiter des quantités considérables de nourriture dans un temps réduit. 

Des actions de sensibilisation ont été menées à destination du grand public, notamment à Montpellier. Sur la place de la Comédie, les passants ont été incités à soulever des sacs en toile lestés. Ils pèsent 14 kilos, l'équivalent selon L214 de ce que devrait consommer chaque jour un humain s'il subissait le gavage imposé aux palmipèdes. 

"Transposer ces ratios à l’homme n’a aucun sens"

Peut-on effectuer une telle comparaison ? Si l'on s'intéresse à la physiologie du canard mulard ou des oies grises du Sud-Ouest, espèces destinées à la production de foie gras, on s'aperçoit sans mal que ces animaux diffèrent assez nettement de l'être humain. Outre leur bec et des pattes palmées, ils ne disposent en effet pas de mêmes habitudes alimentaires. Comparer les espèces se révèle souvent difficile, en fonction des spécificités de chaque métabolisme. La musaraigne consomme ainsi chaque jour l'équivalent de son propre poids.

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Pour en savoir plus sur les canards et les oies, LCI a contacté l'Institut national de la recherche agronomique, l'Inra, pour lequel travaille la chercheuse Elisabeth Baeza-Campone. Membre de l'Unité biologie des oiseaux et aviculture, elle souligne que "spontanément sans gavage, une oie peut consommer 600 g d’aliments par jour. Transposer ces ratios à l’homme n’a aucun sens dans la mesure où l’appareil digestif est complètement différent". 

La spécialiste indique que "l’oie a un jabot et le canard un pseudo jabot", des organes "qui leur permettent de stocker de grandes quantités d’aliments qui vont ensuite transiter tout le long du tube digestif. La semaine préalable au gavage, une distribution d’aliments dans les mangeoires sur une durée courte va accoutumer l’animal à ingérer une grande quantité d’aliment et donc de dilater ce jabot qui servira au stockage pendant la période de gavage." 

La question de la souffrance demeure

Si les 14 kilos mis en avant par L214 semblent davantage symboliques que basés sur des arguments scientifiques, ils permettent à l'association de faire la promotion d'alternatives végétales au foie gras. Ces dernières étaient en effet offertes au Montpellierains qui devinaient le poids des sacs lestés qu'on leur proposait de soulever. 

Des études scientifiques mettent par ailleurs en avant l'impact négatif du gavage sur les animaux dans le cadre de la production de foie gras. C'est le cas de travaux publiés en 2015 par l'université de Cambridge, au Royaume-Uni, qui concluent à une "très forte dégradation du bien-être" pour les palmipèdes, et observent entre autres une mortalité très supérieure pour les animaux qui ont été soumis au gavage. 

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Thomas DESZPOT

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