J'ai testé un week-end sans aucun écran, avec femme et enfants

Jules Lebrun
Publié le 3 mars 2018 à 9h00
J'ai testé un week-end sans aucun écran, avec femme et enfants

ADDICTION - "Chérie, et si nous passions le week-end avec les enfants, sans smartphone, sans tablette, sans télé, sans rien ?" Nous avons voulu savoir si, en 2018, il était possible de faire abstraction en famille de tous nos joujoux numériques et de passer deux jours sans le moindre écran allumé dans la maison. Récit d'un week-end détox.

"Chérie, et si on profitait de la neige pour faire une détox numérique ce week-end ?" Soit aucun écran, pas de smartphone, pas de tablette, pas de télévision. C’est la question que j’ai posée à ma femme - un peu comme on lance un défi - en voyant nos deux enfants regarder un épisode de Peppa Pig

C’est en tombant sur cette interview de Dany Boon dans l’émission "Stupéfiant" que cette idée, a priori improbable de "détox numérique", m’est venue. Le comédien affirmait, en substance, que les enfants étaient beaucoup trop sollicités avec les écrans, devenant passifs. En réaction, le comédien proposait de faire des "journées de l’ennui" avec ses enfants : "Ils acceptent, ils sont obligés, ils dessinent, ils écrivent et ça développe la créativité."

A cette volonté inattendue de tester notre aptitude à résister au numérique, la première réaction de ma femme est "pourquoi pas", avant de penser à ce que cela signifiait réellement de se débarrasser de tous nos écrans - nous sommes bien d'accord, plus de smartphone, plus de télé, plus rien… Après mûre réflexion, elle trouve l'ambition trop drastique et m’avoue que le défi la ramène des années en arrière, aux années 90 où nous n'avions pas tous les yeux rivés au smartphone et où nous n'étions pas moins heureux. 

Je reviens moi aussi des années en arrière, la tête constellée d'images d'ennui affreux comme celle-ci... 

Ensemble, nous nous rassurons en se disant qu’il s’agit d’un simple jeu, d’un test sur notre époque d'ultra-connexion à la Black Mirror et qu’il n’y a, au fond, aucune obligation du résultat. Alors nous avons tenté assez naturellement le samedi matin. 

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Trois heures d'écran par week-end

De manière générale, le week-end, nos deux enfants âgés de 3 et 6 ans regardent les dessins animés le matin au moment du petit-déjeuner (environ une demi-heure) et l'après-midi au moment du goûter (même durée). Il arrive plus rarement que nous regardions en famille un film d'animation, lorsqu'il est disponible sur le câble (le dernier Pixar, ce genre). 

Leur consommation du numérique le week-end se résume à cela, ainsi qu'à un peu de tablette. Ils ne sont pas accros mais peuvent la réclamer et on la leur confie volontiers une petite demi-heure pendant laquelle ils naviguent sur l'application YouTube Kids et regardent, entre autres, des oeufs Kinder en plein déballage, avant de passer à table pour dîner.  

Nous sommes donc en moyenne à trois heures d'écran sur le week-end, hors film d'animation familial (soit quatre fois une demi-heure de dessin animé + deux fois une demi-heure de tablette).  Notre question était la suivante : nos enfants arriveront-ils à oublier ces rituels qu'ils savourent avec délice ? Notre rôle de parents attentionnés était précisément de faire en sorte qu'ils y parviennent tout en expliquant la nécessité de faire ce break, en usant le langage du jeu.

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La neige tombée sur Paris en février s'est révélée le parfait prétexte pour nous imposer cette détox, transgressée au réveil le samedi matin par ma compagne, journaliste comme moi, devant répondre à des textos pour le travail. 

La détox n'a pas duré longtemps de mon côté non plus : devant rallumer mon smartphone par précaution pour voir si j'avais des appels et des textos en absence, j'ai dû répondre à un ami qui me demandait si nous nous retrouvions toujours le dimanche prochain pour un brunch anniversaire et à un parent d'élève dans la même classe que mon fils me demandant si nous allions au parc ce matin. 

Très vite, nous avons vu les limites de la détox pour adultes

Ces exemples susmentionnés témoignent peut-être de la limite de la "détox numérique" pour les adultes : ne pas répondre aux notifications ni aux sollicitations sur les réseaux sociaux, ok, pas de problème, c'est sain. Mais couper pour autant tout lien social, ne pas répondre à sa famille ou encore négliger l'occasion de retrouver ses amis ou de répondre aux parents d'amis de votre enfant, ce n'est quand même pas envisageable. 

De fait, si ma compagne et moi avons rapidement capitulé, tout en réduisant notre consommation, notre dessein consistait toutefois à ce que nos enfants passent le week-end sans numérique. Ainsi, nous avons passé l'intégralité du samedi matin sans Dora l'exploratrice, aux alentours d'un parc de Châtelet-les-Halles fermé pour cause de neige. Nous avons profité des joies des boules de neige... (ou plutôt des boules de gel) avant le cours de capoeira de mon fils. 

En bon journaliste, j'ai profité de ces instants "détox" pour faire quelques photos même si, comme vous l'aurez constaté, j'ai fait appel au démon numérique...

L'après-midi, après un déjeuner où ma femme et moi avons répondu aux questions tout à fait normales de nos enfants ("pourquoi les vampires ont une grosse tête ?", "ils mangent quoi les zombies ?"), nous avons usé de bonnes vieilles méthodes que nos parents utilisaient naguère : de simples jeux (partie de cache-cache dans tous les recoins possibles et imaginables de la maison...) à des lectures de livre sur les dinosaures et Spider-man en passant par les dessins...

Mon fils étant fan de Venom, l'ennemi de Spider-Man qui cherche inlassablement à se venger de l'homme-araignée, nous avons colorié plusieurs dessins, imprimés et rapportés du bureau la veille (oui j'avais anticipé !)...

Ma fille, de son côté, a barbouillé des dessins de T'choupi. A chaque âge, son idole...

Différentes activités pas sexy comme l'étendage de linge ou la course au supermarché ont fait oublier à nos enfants la Paw Patrol de fin d'après-midi. Avant le coucher, je lis une histoire aux enfants et avec ma femme, nous regardons l'excellent film Un jour dans la vie de Billy Lynn d'Ang Lee, en pleine ascèse. 

Pour cette première journée sans numérique (ou presque), j'ai bien mérité une coupe de champagne. Merci la détox !

Tenir le jour d'après

Dimanche matin, les enfants ne réclament pas les dessins animés mais veulent que nous retournions au parc pour profiter des restes de neige. Il devient évident que les enfants se passent plus aisément que nous du grand tout numérique. 

Une partie de cartes (oui, les enfants savent jouer à la bataille dès trois ans !) et hop, direction le parc. La neige a quasi fondu ; ne subsiste qu'une "glace boueuse" qui, envoyée par nos enfants comme des "boules de neige", devient douloureuse. 

De notre côté, ma femme et moi nous tenons au courant sur Twitter pour savoir si oui ou non, Kim Jong-un a prévu de lâcher la bombe atomique ce week-end... 

Nous revenons par le marché où les enfants s'ébaubissent devant les poissons éventrés et les homards agonisants. A table, notre fils commence à montrer une légère impatience face au petit jeu de la détox, réclamant un petit cadeau pour "avoir été sage" pendant ce week-end de cure. 

Sans pour autant réclamer un visionnage de dessin animé, mon fils, malin, pense qu'à la fin du week-end, un cadeau l'attend pour "bonne conduite". Nous lui expliquons plus clairement les enjeux de la "détox numérique" qu'il comprend parfaitement - normal, mon fils est le meilleur. 

Nous leur proposons un peu de peinturlurage en attendant la solution miracle pour notre week-end détox : LES GRANDS-PARENTS !

Les enfants 1 - les parents 0

Comme souvent le dimanche après-midi, nos parents, et donc leurs grands-parents, viennent chercher les enfants pour les emmener au parc du Luxembourg où ils peuvent profiter d’une balade à poney, de balançoires vertigineuses, de manèges traditionnels en bois ou encore d'un spectacle de marionnettes en plein air. Alors, oui, ce sera difficile de monter sur Plume, le poney préféré de mon fils, pour cause de verglas mais ils feront cent fois du toboggan et de la balançoire. C'est sûr, ils échapperont à la détox (pas nous).

De retour du parc, ils prennent un bain, dînent en notre compagnie. Ma fille demande à aller au lit, mon fils aussi, il est 19h30. Je leur raconte l'histoire du Loup qui avait mal aux dents ("C’est un loup. Un loup affamé. Depuis trois jours, il n’a rien mangé. Tout ça parce qu’il a mal aux dents.") Au bout de deux phrases, les deux s'endorment rapidement, sans doute épuisés d'avoir été autant sollicités tout le week-end.

Bilan du défi : je ne suis pas totalement fier de moi, accro au "doudou smartphone", mais je suis fier d'eux. Comme toujours.


Jules Lebrun

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