SOCIAL - Alors qu'une hausse de 35 euros bruts du Smic est prévue le 1er octobre, Emmanuel Macron a évoqué une évolution record des rémunérations sur les petits salaires depuis le début de son quinquennat. "170 euros" mensuels en plus ? On fait le point sur les chiffres.
Mise à jour du 20/09 : ajout du détail des calculs permettant à Emmanuel Macron d'aboutir à une hausse de 170 euros par mois pour une personne au smic.
Énergie, essence, produits alimentaires... Plusieurs postes de dépenses ont augmenté au cours des derniers mois, des hausses qui fragilisent directement les ménages les plus pauvres. Une situation que le président de la République a abordé jeudi lors d'un déplacement aux Rencontres de l’Union des entreprises de proximité. Dans son discours, il a insisté sur l'action du gouvernement pour soutenir les bas salaires, se félicitant de "la plus grande politique de notre histoire d'augmentation de la rémunération au Smic". Une progression estimée à "plus 170 euros par mois" par Emmanuel Macron.
Cette déclaration est intervenue au lendemain d'une annonce concernant la revalorisation du Smic : au 1er octobre, celui-ci passera en effet de 10,25 euros bruts par heure à 10,48 euros. Soit 35 euros bruts d'augmentation par mois. Lorsque l'on se penche en détail sur les chiffres, on observe que le gouvernement actionne une multitude de dispositifs pour soutenir les pouvoir d'achat des salariés au Smic... Sans pour autant agir sur le Smic lui-même.
La prime d'activité, un levier central
Lorsque Emmanuel Macron met en avant une "augmentation de la rémunération au Smic" majeure, le réflexe premier consiste à observer les hausses successives du Smic au cours des années. Pourtant, en y regardant de plus près, on constate que le gouvernement n'a décidé d'aucun coup de pouce spécifique depuis le début du quinquennat. Le dernier en date remonte en effet à 2012, après l'arrivée à l'Élysée de François Hollande. Quid des hausses successives enregistrées ces dernières années ? Si entre 2017 et 2021, le Smic a progressé de 74.31 euros bruts mensuels, il s'agit en fait d'augmentations automatiques. À l'instar de celles enregistrées au 1er janvier notamment, et qui se voient ajustées en fonction de l'inflation.
Il en va de même pour celle qui interviendra au 1er octobre : le site "Service Public" rappelle que "le Code du travail prévoit une revalorisation automatique du Smic en cours d'année lorsque l'indice des prix à la consommation connaît une augmentation de plus de 2 % par rapport à l'indice pris en compte lors de l'établissement du dernier montant du Smic. Il est alors augmenté automatiquement dans les mêmes proportions." Lorsque l'on écoute attentivement le discours du chef de l'État, on note qu'il évoque en fait d'autres leviers d'action. Et de citer "un investissement de l'État sur les bas salaires" par le biais de "la prime d'activité", ainsi que par des "allègements de charges" ou d'autres dispositifs. De quoi aboutir à une augmentation, "mais qui n'a pas été payée par les employeurs", a insisté Emmanuel Macron.
Dans son intervention, Emmanuel Macron n'a pas détaillé le calcul permettant d'aboutir à une hausse de 170 euros. LCI a toutefois pu obtenir le détail des opérations prises en compte par le chef de l'Etat. Tout d'abord, il faut préciser que ce chiffre correspond à une moyenne, pour un individu type qui serait célibataire, locataire de son logement et rémunéré au smic. Sont comptabilisés : 14 euros de hausse liés au basculement des cotisations sociales vers la CSG, 11 euros pour la revalorisation 2018 de la prime d'activité, 92 euros pour celle de l'année suivante en 2019, mais aussi 36 euros de plus liés à la suppression de la taxe d'habitation, ou 13 euros avec la suppression des charges sur les heures supplémentaires. À cela s'ajoute une augmentation de 12 euros liés à la suppression des charges sur les primes exceptionnelles de pouvoir d'achat, et des exonérations de forfait social sur l'intéressement et la participation, non chiffrées. Pour être tout à fait complet, le calcul prend également en compte une baisse de 16 euros, liée à la revalorisation maîtrisée des prestations par rapport à l'inflation.
Une fois ces opérations détaillées, il convient de préciser que les sommes finales évoquées correspondent à des montants moyens, en raison notamment des spécificités de la prime d'activité. Venue remplacer le RSA activité, elle s'adresse directement aux travailleurs pauvres et se voit versée sous conditions de ressources. Versée par les caisses d’allocations familiales (CAF) et de la mutualité sociale agricole (MSA), cette prime concerne un peu moins de 6 millions de Français.
Au cours du quinquennat, le gouvernement a décidé de plusieurs hausses de cette prime d'activité. La plus notable, actée suite à la mobilisation des Gilets jaunes, avait abouti à une hausse pouvant aller jusqu'à 90 euros mensuels. Toutefois, la hausse est variable d'un salarié à l'autre : le montant de la prime dépend en effet de multiples critères comme l'octroi ou non d'aides au logement. Le fait d'être en couple peut également changer la donne, si bien que dans certains cas de figure, des salariés au Smic peuvent se voir déclarés inéligibles. Si la prime d'activité est vantée par Emmanuel Macron et qu'elle a été augmentée nettement au cours des 4 dernières années, il faut souligner qu'elle ne se traduit pas de manière identique à long terme pour les salariés. En effet, si ces derniers bénéficient de ressources supplémentaires et donc d'un pouvoir d'achat en hausse, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages qu'en cas de hausse du Smic. N'étant pas soumise aux cotisations sociales, la prime d'activité n'est, par exemple, pas prise en compte dans le calcul de la retraite.
Des dispositifs qui se cumulent
Si les calculs présentés par le président de la République aboutissement à un montant "maximal", et donc supérieur à celui réellement observé par de nombreux salariés, notons que divers dispositifs d'aides n'ont pas été comptabilisés. On peut notamment mentionner la revalorisation du chèque énergie, annoncée ces derniers jours.
En pratique, les quelque 5,8 millions de ménages qui ont reçu ce chèque en avril seront bénéficiaire d'un second chèque cette année, versé en décembre. Son montant ne sera pas modulé et s'établira à 100 euros. De quoi aider des ménages en difficultés, en leur permettant de faciliter le paiement de certaines factures. Gaz et électricité sont bien sûr concernés, mais aussi les travaux de rénovation énergétique. Les hausses automatiques du smic, liées à la progression de l'inflation, n'ont par ailleurs pas été prises en compte dans les calculs. Celles-ci n'apportent en effet pas de hausse du pouvoir d'achat puisqu'elles sont instaurées pour contre l'augmentation des prix et la baisse de pouvoir d'achat des ménages.
Dans l'imaginaire collectif, la hausse continue des prix (pour les produits alimentaires, les loyers, l'énergie...) contribue à faire augmenter le coût de la vie et à réduire les moyens dont disposent effectivement les salariés. Toutefois, il serait trompeur de se focaliser sur ces seuls indicateurs, puisque l'augmentation bien réelle des prix s'accompagne généralement d'une hausse parallèle des salaires. Afin de disposer d'éléments de comparaison objectifs entre les époques, les indicateurs de l'Insee se révèlent précieux. Ils montrent que pour les salariés au Smic (environ 14% des salariés aujourd'hui), les salaires ont progressé plus rapidement que les prix depuis 1990.
Intéressant, ce tableau ne suffit traduit toutefois pas à lui tout seul l'évolution du pouvoir d'achat des ménages au Smic. Si le montant du salaire minimum a évolué de manière "assez satisfaisante", comme l'indique à LCI l'économiste de l'OFCE Henri Sterdyniak, il faut aussi noter que "ce qui affecte en bonne partie les smicards, ce sont les hausses des dépenses dites contraintes". Et de citer l'énergie ou les abonnements, pour le téléphone, Internet ou à d'autres services. L'évolution du coût de la vie, par ailleurs, ne pèse pas de la même manière sur tous les salariés au Smic. En matière de logement, "les locataires sont moins concernés, mais la situation se complique pour les accédants à la propriété".
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