"Soldats d'Allah" : 1h30 dans le cerveau d'un djihadiste présumé

Publié le 2 mai 2016 à 13h03
"Soldats d'Allah" : 1h30 dans le cerveau d'un djihadiste présumé

TELEVISION – Dans le cadre de son magazine d'information Spécial Investigation, Canal+ propose ce lundi, à 20h55, un documentaire remarquable et remarqué baptisé "Soldats d'Allah" ou l'infiltration d'un journaliste pendant six mois dans un réseau français se revendiquant de l'Etat islamique. En 1h26, Marc Armone et Saïd Ramzy (noms d'emprunt) emmènent les spectateurs dans un monde terrifiant, mais bien réel.

"Je suis musulman. De la même génération que les tueurs du Bataclan. Je crois en Dieu. Je prie parfois. Mais il m'arrive de boire des coups le soir aux terrasses des cafés. Je suis celui que les hommes de Daech détestent le plus. Je suis musulman et journaliste. Je peux aller là où mes confrères ne pourront jamais mettre les pieds." Dès "l'incipit" de son reportage, Saïd Ramzy* plante le décor.

Pendant six mois, de l'été 2015 à janvier 2016, le journaliste âgé de 29 ans a infiltré en caméra cachée un petit réseau français se réclamant de Daech. Le résultat est à la fois saisissant et terrifiant. Dans Soldats d'Allah (1h26) diffusé ce lundi soir à 20h55 sur Canal +, le journaliste montre comment il s'est introduit dans ce milieu, où l'on salue les attentats et où l'on félicite ceux qui meurent en "martyrs".

Chez les djihadistes en quelques clics

Pour savoir "ce qu'ils ont réellement dans la tête", pour "montrer leurs soldats les moins brillants", Saïd Ramzy a d'abord passé des semaines dans des mosquées fréquentées par des musulmans salafistes mais n'a "pas trouvé de terroristes". "Au contraire, ceux qui me parlent de Daech me mettent en garde contre eux", précise le journaliste avant d'ajouter, "les premiers sympathisants de Daech je ne vais pas les rencontrer dans les mosquées mais sur Facebook".

Saïd Ramzy se crée un faux profil sous le nom d'Abou Hamza, s'abonne à des groupes qui font l'apologie de l'Etat islamique. "Là, les nouveaux amis rappliquent par dizaines", dit-il. Très vite, ces derniers lui demandent de lâcher les réseaux sociaux et de passer sur Telegram, messagerie incontrôlée et incontrôlable. "Sur Telegram, j'ai l'impression de passer dans une autre dimension. Ici, les 'Daechiens' s'expriment sans filtre" confie-t-il.

" Je veux les tuer. Je veux mourir après"

Au bout de quelques semaines, le journaliste "va au contact", participe à un rendez-vous avec un groupe de radicaux à la mosquée de Stains (Val-d'Oise) puis rencontre plusieurs personnes, dont un certain Oussama, 20 ans. Les tête-à-tête ont lieu à Châteauroux (Indre) derrière l'église ou dans la base de loisirs de Belle-isle, chez McDo ou chez Subway. Toute la folie djihadiste crève l'écran à mesure que les minutes du reportage s'écoulent et que le portrait d'Oussama se dessine.

Prières et ablutions rituelles dans le parc, visionnage de vidéos djihadistes sur le portable, désir de mort et volonté de partir en "martyr", Oussama veut aller combattre en Syrie, puis revenir commettre le pire en France. "Frères, je vais faire un truc de ouf là. Je veux me jeter sur les Kuffars (mécréants). Je veux les tuer. Je veux mourir après. Je veux qu'Allah me donne le martyr", assure Oussama à Abou Hamza.

En octobre 2015, Oussama informe son nouvel ami d'une "nouvelle importante". Attablé dans un fast-food, il lui annonce qu'un "frère est arrivé sur Paname" et qu'il "vient de Raqqa". "Il veut organiser un truc de ouf ici tu vois. Et il nous faut de la patience". Visiblement sans rapport avec les attentats de Paris, cette conversation intervient un mois avant les attaques qui ont fait 130 morts et 413 blessés. 

"T'es cuit mec"

Oussama a été arrêté en décembre 2015, comme d'autres jeunes de sa bande prêts à assassiner des innocents pour donner un sens à leur vie ou accomplir une mission. Quelques jours plus tôt, son groupe  préparait, semble-t-il, un attentat dans l'Hexagone .

A l'écran, le journaliste montre une lettre manuscrite donnant les consignes émanant de l'Etat islamique: "On peut viser un endroit où il y a beaucoup de monde. Boîtes de nuit dans Paris ou cabaret. Les endroits pervers beaucoup fréquentés par les kuffars dégeulasse (sic). Il faudrait un ou deux kamikazes à l'intérieur. Une fois qu'il est à l'intérieur, il attend que ça se rempli bien et que il passe à l'acte (sic). Ensuite, les frères qui seront dehors armés tueront tout le reste de la viande impure et se planqueront jusqu'à ce que la police et les militaires seront sur place (sic). Et là, il faut un ou deux kamikazes armés. On tire jusqu'à la mort mes frères".

Saïd Ramzy a pris des risques énormes et évidents pour réaliser ce documentaire. "Vous n'entendrez pas ma vraie voix. Parce qu'au bout de six mois d'infiltration, j'ai reçu un message très clair: 'T'es cuit mec'". Il n'a pas été "grillé" comme le prédisaient certains, et son reportage n'est à manquer sous aucun prétexte.

*Nom d'emprunt

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Aurélie SARROT

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