CONFLIT ARMÉ - L'armée française a encore perdu trois soldats dans une embuscade dans la région des "trois frontières", une zone du centre du Mali proche du Burkina Faso et du Niger. Pour Jean-Pierre Maulny, spécialiste des questions de défense à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la France est face à une mission impossible dont elle peine aujourd'hui à sortir.
Trois militaires français ont été tués lundi par une bombe artisanale dans le centre du Mali, où la force antiterroriste française Barkhane concentre ses efforts depuis janvier. Selon les autorités, ils ont été tués lors d’une embuscade par le biais d’un engin explosif improvisé (en jargon militaire, un "IED" de l'anglais "Improvised Explosive Device"), une technique bien rôdée depuis le conflit afghan. Au total, quarante-huit soldats ont péri depuis 2013 dans la région. Pour Jean-Pierre Maulny, spécialiste des questions de défense à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la France se retrouve prise dans une sorte de piège, qui pourrait devenir son Afghanistan.
LCI : Au total, quarante-huit soldats français ont été tués au Mali en bientôt huit ans ? S’agit-il de l’opération extérieure la plus meurtrière pour la France ?
Jean-Pierre Maulny : l'opération Barkhane est actuellement l'intervention militaire française dont le bilan est le plus lourd. Pour autant, elle n’est pas plus meurtrière que ne l’avait été l’Afghanistan dans les années 2000. Les pertes militaires françaises ont été d'un peu moins de 100 morts, soit autour d’une dizaine de morts par an. On peut dire qu'on est à peu près dans le même ordre de grandeur.
Ces derniers mois, les opérations militaires se sont intensifiées dans la région. Pour quelles raisons ?
Jean-Pierre Maulny : lors du sommet de la force du G5 Sahel à Pau en janvier dernier, la stratégie qui a été établie consiste en un renforcement qu’on peut qualifier certainement de temporaire, afin d'accroître la sécurité dans la zone. Et donc aussi à combattre de manière plus importante les terroristes dans la perspective de transmettre le relais à l’armée malienne. Ce qui explique aussi le lancement de la force militaire européenne Takouba, dans la foulée, qui a pour objectif d'assister les militaires maliens sur le terrain. Cette stratégie fait fortement penser à ce qu’avait fait Obama en 2009 pour sortir du conflit afghan en annonçant l’envoi de 30.000 militaires supplémentaires, avec l’idée derrière d’un retrait.
L'option la plus sûre serait d'évoluer vers une véritable mission de maintien de la paix
Jean-Pierre Maulny
Selon vous, ces nouvelles pertes au sein de l'armée française peuvent-elles modifier cette stratégie ?
Jean-Pierre Maulny : Ce qui est certain, c’est que nous sommes dans un phase d’interrogation autour de ce que l’on fait et comment on prépare la suite. Vous avez d'un côté le gouvernement de transition malien qui souhaite négocier et de l'autre la France qui se trouve dans une posture délicate, parce que nous avons cette position de principe : "on ne négocie pas avec les terroristes". D'autant qu'on ne veut pas donner le sentiment qu’on se retirera sur une défaite, surtout si la situation se dégrade. À vrai dire, on le voit venir depuis des années. L'expression "c'est notre Afghanistan" ne date pas d’hier. Ce type d’action va avoir pour effet d'accélérer les réflexions sur la façon d'opérer la transition.
Pour beaucoup de spécialistes, cette guerre est ingagnable. C’est également votre avis ?
Jean-Pierre Maulny : ce qui est certain, c’est qu’on ne peut pas contrôler une zone aussi vaste avec seulement 5000 hommes. On peut éviter la chute du pouvoir de Bamako militairement parlant. On peut, dans la mesure du possible, apporter une meilleure sécurité sur le terrain. Mais en aucun cas garantir une sécurité absolue dans la région car l'on n'aura jamais les moyens humains de contrôler l'ensemble de la zone. Comme on l’a vu en Afghanistan, on sait très bien que dans ce type de conflit, la solution pour en sortir ne peut en aucun cas être uniquement militaire. Donc, il faudra bien trouver une solution politique à un moment donné. L'option la plus sûre selon moi serait d'évoluer vers une véritable mission de maintien de la paix et non plus une mission de contre-terrorisme comme c’est le cas actuellement. Ce qui permettrait également à la France de se retirer dans de bonnes conditions.
Il y a une question plus large de politique de défense et notamment sur la priorité des menaces. Qu'en dit-on au sein de l'état-major français des armées ?
Jean-Pierre Maulny : Les militaires considèrent aujourd’hui qu’on ne peut plus tout miser sur les opérations extérieures et donc nécessairement cela veut dire qu’on ne peut pas accentuer l’effort en termes de déploiement. Cela va faire huit ans, en janvier prochain, que ces opérations ont été lancées. Quand François Hollande les avait engagées, il avait annoncé qu’on y était pour six mois. Il savait déjà très bien à l'époque que ce ne serait pas le cas. Les états-majors sont plutôt favorables à une accélération du retrait. Avec le temps, il y a un effet d’usure sur le moral des troupes. Et ils savent très bien qu’on ne va pas mettre 10.000 hommes sur le terrain. D'ailleurs, ils ne le souhaitent pas non plus. Paradoxalement, ce sont eux qui militent le plus pour une solution de retrait.
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