De l'éveil musical au conservatoire, comment amener mon enfant vers la musique ?

Publié le 29 mai 2018 à 11h13
De l'éveil musical au conservatoire, comment amener mon enfant vers la musique ?
Source : Thinkstock

ARTS - Eveil musical, choix du bon instrument, âge pour commencer, idées reçues sur le solfège... des professionnels expliquent à LCI comment accompagner un enfant vers la musique sans pour autant brider sa créativité.

Les pré-inscriptions au conservatoire commencent dès le début du mois de juin. Quel est le bon instrument pour votre enfant et comment susciter son envie d'apprendre la musique ? C'est, dans l'idéal, bien avant cette étape qu'il faut l'aider à ouvrir ses horizons sonores. Voici des pistes, par tranche d'âge (à adapter au cas par cas), pour accompagner les plus jeunes.  

Éveiller tous les sens à la musique

• Dès la naissance : l'éveil musical passe par l'éveil sonore

L'éveil musical peut commencer dès la naissance à la maison. "Tout petit, l'enfant est intéressé par tous types de sons, à commencer par la voix humaine mais aussi par le son des gouttes de pluie ou le chant d'un oiseau par exemple. Pour lui, une voix parlée peut être aussi intéressante qu'une voix chantée. Cela n'a pas vraiment de sens de détacher la musique de l'environnement sonore dans lequel il va grandir et s'épanouir", explique Chantal Grosléziat, directrice de Musique en herbe, une association qui conçoit des projets musicaux destinés à la petite enfance et qui forme des professionnels de l'enfance, de la culture et de l'éducation. 

Que peuvent faire les parents à ce stade ? Outre chanter des berceuses ou réciter des comptines, ils peuvent écouter avec leurs enfants des CD (à emprunter éventuellement à la bibliothèque municipale). Il s'agit de développer les capacités d'écoute de l'enfant, en affinant son ouïe et sa capacité à distinguer les nuances dans les sonorités. "Il peut être intéressant de lui donner accès à toutes sortes de musiques de différents époques et de différentes régions : musiques du Moyen-Age, musiques contemporaines, musiques du monde entier, musiques européennes y compris la musique symphonique notamment", explique cette passionnée de tradition musicale à travers le monde. Evidemment, les parents qui savent jouer d'un instrument peuvent aussi s'en donner à cœur joie. 

Il existe des concerts dédiés aux tout petits, même si ces initiatives sont (encore) peu courantes en France. Le musicien et pédagogue portugais Paulo Lameiro propose ainsi à Paris (Théatre Paris-Villette) son "Concert pour les bébés" de 0 à 3 ans. La représentation s'organise autour d'un soliste ou d'un thème : la sonorité de la trompette, les sons graves, le jazz ou Bach par exemple. Les enfants peuvent rester dans les bras de leurs parents ou, s'ils sont en âge de déambuler, parcourir librement la scène. Autre exemple, l'Orchestre Lamoureux joue aussi dans la capitale (Théâtre des Champs-Elysées) son "Bébé concert" composé de pièces musicales imaginées pour les petits de la même tranche d'âge.  

• De 3 à 6 ans : développer l'imaginaire de l'enfant 

Les conservatoires et écoles de musique proposent des ateliers pour les enfants seuls généralement à partir de 4 ans. Plus jeunes, dès 2 ou 3 ans, il est souvent demandé aux parents d'être présents. "Les enfants jouent avec une palette d'objets sonores tels que des petites percussions, des instruments à souffle voire à cordes adaptés aux petits. Certains peuvent être fabriqués par les enfants eux-mêmes car le but est d'éveiller tous leurs sens à l'expérience musicale", explique Chantal Grosléziat.  

Il est cependant encore trop tôt pour leur faire choisir un instrument. "Le premier instrument à développer et à construire chez les enfants est l'écoute. Cet instrument nourri par la curiosité et la découverte les accompagnera tout au long de leurs études musicales. Des ateliers d'écoute ou d'exploration sonore sont proposés à nos plus jeunes élèves. Cette approche qui s’appuie sur la capacité créative des enfants permet dès le plus jeune âge d’aborder des questions sur la matière musicale et d'y répondre au travers des expériences qui forgent ce qu'on pourrait appeler la future personnalité musicale de chacun", explique Javier Gonzàlez Novales, directeur du conservatoire de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne. L'établissement accueille dans sa Pépinière les jeunes de 4 à 6 ans, trois niveaux correspondant aux moyenne et grande sections de maternelle et au CP. Un programme qu'il décrit comme "une école à part entière, un lieu d'exploration artistique mêlant musique, danse et arts plastiques dans des projets communs", trois disciplines qui peuvent être distinctes dans d'autres conservatoires. 

Choisir le bon instrument

• Avant 7 ans environ : voir jouer les instruments individuellement

"Avant de choisir un instrument, les enfants doivent pouvoir les découvrir joués individuellement par quelqu'un. L'écoute des disques ne suffit pas", estime Chantal Grosléziat. A Vitry-sur-Seine par exemple, la première année de formation musicale (à partir de 6 ans) comporte non seulement des cours de chant choral mais aussi un parcours de découverte des instruments : cela permet de toucher, frotter avec les archets, souffler dans les instruments à vent, et découvrir ainsi des timbres très divers et des façons très différentes de produire le son. C'est également l'occasion de travailler sur le ressenti, l'approche physique de chaque famille d'instruments et d'identifier les aspects physiologiques, qui nous permettent de conseiller et d'orienter l’enfant vers un instrument ou une famille d'instruments", détaille Javier Gonzàlez Novales.

Autre possibilité, "les concerts et les spectacles sont des accroches qui peuvent marquer un enfant à vie. En voyant défiler une fanfare par exemple, l'enfant pourra se sentir intéressé et attiré par une trompette par exemple", commente Chantal Grosléziat. Il existe des concerts pédagogiques destinés au jeune public à la Philarmonie de Paris (Parc de la Villette) notamment. De même, le Musée de la musique, au sein de ce même établissement, propose des animations telles que "Le tour du monde des petites oreilles" pour les 4 à 6 ans. Sans oublier qu'il rassemble un millier d'instruments dans sa collection permanente.  

Musique : un petit coup de pouce à l'apprentissage pour les enfants Source : JT 13h Semaine

Même quand le choix paraît clair, notamment quand il y a une tradition familiale ou que les parents ont toujours focalisé sur un instrument (le plus souvent le piano), l'enfant peut en fait avoir une sensibilité plus forte pour le cor, le haut-bois ou la clarinette.

• A partir de 7 ans environ : début de l'apprentissage d'un instrument

En règle générale, c'est "autour de 7 ans, au moment de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture" que les enfants peuvent commencer à jouer d'un instrument, indique le directeur du conservatoire de Vitry-sur-Seine. Tout en précisant qu'il faut traiter cette question au "cas par cas" car tout dépend de "sa maturité et de son développement physique". Il est d'autant plus "difficile de parler d'âge que certains enfants tout à fait fascinés par un clavier se mettent à tapoter en rythme dès l'âge de 2 ans", observe Chantal Grosléziat.

A titre indicatif, voici quelques exemples d'âges à partir desquels le conservatoire de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis, ouvre ses classes d'instruments :

- Vents : flûtes à bec (6 ans), flûte traversière (6 ans), clarinette (7 ans), hautbois / cor anglais (7 ans), saxophones (8 ans), trompette / cornet (8 ans)

- Cordes : violon (6 ans), violoncelle (6 ans), violon alto (7 ans), violoncelle (6 ans), contrebasse (8 ans)

- Piano (6 ans)

- Guitare : classique (7 ans),

- Percussions (7 ans), batterie (8 ans)

A noter : pour les instruments les plus demandés (piano, violon, guitare notamment), l'attente pour avoir une place peut dépasser un an. 

Dépasser les a priori sur le solfège

• A partir de 6 ans : la formation musicale et non plus le solfège

Si certains parents éprouvent un plaisir pour le solfège, d'autres frémissent à sa simple évocation. Ces derniers peuvent se rassurer car à l'exception de quelques établissements très sélectifs, cet enseignement a beaucoup évolué. Cela fait quarante ans (1977) que le terme "solfège" a été remplacé par celui de "formation musicale" dans les conservatoires. Dans ces cours d'une heure à une heure et demie par semaine, on parle aujourd'hui davantage de musique que de lecture des notes. 

"Définir la formation musicale comme l'apprentissage des notes, des rythmes et éventuellement des intervalles, est réducteur et donne une vision asséchée d’une discipline qui se situe dans un territoire de recherche, d'exploration et dont la créativité doit être motrice. C'est tout le propos des enseignants que de bien situer chaque aspect de l’apprentissage de cette discipline dans sa vraie dimension artistique. La pratique musicale lie en permanence des notions théoriques à leur application sensitive. Ecoute, motricité, touché, calcul mathématique, précision, dissociation, concentration, analyse....sont sollicités en même temps ", détaille Javier Gonzàlez Novales. 

"Certains aspects théoriques, la compréhension d'un langage qui ne répond pas aux mêmes réflexes que notre langue parlée, peuvent s'avérer démotivants par leur difficulté. On pourrait établir un parallèle avec la littérature : les difficultés et le découragement d'un enfant dans les premiers pas de l'apprentissage de la lecture ne dénotent pas un manque de sensibilité et n'écartent pas une future passion pour la littérature", insiste-t-il.

• Des devoirs et des contrôles 

Il n'empêche que, même si c'est de moins en moins le cas, cet enseignement peut rappeler l'école. Ne serait-ce que par la présence de devoirs. "Cela apprend aux enfants non seulement à acquérir peu à peu une autonomie mais aussi à leur faire comprendre que la musique est un langage qui se pratique tous les jours s'ils souhaitent progresser", explique Agathe Lisseck, professeur de formation musicale dans différents conservatoires. Quant aux contrôles (un par séance dans son cas mais les méthodes peuvent changer d'un enseignant à l'autre), "ils permettent aux élèves de se rendre compte de leur progression". Pour elle, la note n'est en revanche pas systématique : "Un 3/20 peut être très décourageant alors qu'une appréciation très complète renseigne sur le niveau de la copie et surtout aide l'élève à repérer les points sur lesquels il doit progresser".

Et si malgré tout l'enfant est démotivé ?

• Il suffit parfois de changer d'instrument 

Là encore, les professionnels répondent que c'est au cas par cas qu'il faut aborder le problème. "D'expérience, il est rare que des enfants fassent un rejet total de la musique. Il suffit parfois de les réorienter vers d'autres instruments", remarque Javier Gonzàlez Novales. Quant au solfège, c'est quand l'enfant en fait de façon abstraite, sans objectif précis, qu'ils risque de décrocher. "Les cours de formation musicale ne posent généralement pas de problème quand l'élève se rend compte qu'ils lui servent pour jouer de son instrument", observe Agathe Lisseck.

• Tout acharnement serait sans succès

Et en cas de rejet profond ? "Je ne crois pas qu'on puisse obliger quiconque à faire de la musique. Notre propos pédagogique vise à accompagner dans un cheminement de découverte artistique les enfants. L'idée d'obligation et d’acharnement serait en conséquence antinomique et contre-productive. Cependant, je conçois l’ambiguïté dans le domaine de l'éducation entre l'orientation, les parents guidant les choix des enfants, et l'obligation. Il est rare que des enfants manifestent un rejet total de la musique, ce qui ne veut pas dire qu'il n'éprouvent pas des difficultés. Le plus souvent c'est à l'adolescence que nos élèves  définissent ou affirment davantage leurs goûts et notre rôle est de continuer à les orienter dans ce qui nous semble le plus approprié pour leur épanouissement", conlut Javier Gonzàlez Novales. 


Laurence VALDÉS

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