Tout pour Notre-Dame et rien pour les pauvres ? On a regardé les chiffres qui suscitent l'indignation de Pamela Anderson (et d'autres)

Anaïs Condomines
Publié le 20 avril 2019 à 18h03, mis à jour le 21 avril 2019 à 9h49

Source : JT 20h Semaine

A LA LOUPE - Les voix s'élèvent, nombreuses, pour dénoncer le montant atteint par les dons privés en faveur de la reconstruction de Notre-Dame. Dernièrement, c'est l'actrice américaine Pamela Anderson qui l'a mis en comparaison avec les besoins des associations pour la lutte contre la pauvreté. Quel est en réalité l'ordre de grandeur ?

Elle a apporté son écot à  une indignation déjà partagée par plusieurs personnalités. L'actrice et activiste Pamela Anderson a réagi le 19 avril dernier sur Twitter à la faramineuse collecte de dons spontanés en faveur de la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, très endommagée par un incendie. En quelques jours à peine, les promesses de dons des particuliers et des grandes entreprises françaises ont atteint près d'un milliard d'euros. 

"Que fait-on pour les personnes sans-abri qui courent affamées dans les rues ? C'est la preuve que 1% de la population est coupée des réalités" a jugé Pamela Anderson. Un coup de gueule qui rappelle celui du directeur des études de la fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue, la veille sur RTL : "un milliard d'euros récoltés, dit-il, c'est l'équivalent de 20 années de la fondation Abbé Pierre". 

Des dons inégaux en fonction des associations

Quelle est donc la réalité des chiffres en matière de dons privés en faveur des plus démunis ? En France, une grande variété de fondations et d'associations tentent de venir en aide aux sans-abri. D'après l'Insee, sur l'année 2012, près de 141.500 personnes vivaient à la rue. Dans le détail et à titre de comparaison, la fondation Abbé Pierre, en 2017, a bénéficié de ressources à hauteur de 48,4 millions d'euros, dont 90% proviennent de dons, legs et donations. La même année, Emmaüs Solidarité - qui profite de l'appel aux dons de la fondation Abbé Pierre et oeuvre principalement pour les personnes vivant à la rue - a reçu 1,6 million d'euros de dons.

Le Secours catholique, service de l'Eglise "qui a pour mission de soutenir les plus fragiles" et lutter contre "toutes les causes de la pauvreté, d'inégalité et d'exclusion", a collecté selon son rapport d'activité pour l'année 2017, 67,7 millions d'euros de collecte et de dons, auxquels s'ajoutent 35,6 millions de legs et donations, soit au total, un peu plus de 100 millions. A titre de comparaison, en 2015, l'association avait reçu 141 millions de dons, ce qui représentait alors 70% de son budget : 84% de cette somme totale avaient été dédiés aux missions sociales, en France et à l'étranger. 

Les Petits Frères des Pauvres, quant à eux, soutiennent surtout les personnes âgées isolées et ou démunies. Un volet de son action est également consacré à la problématique de l'exclusion et de la grande précarité : en 2017, 7736 donateurs ont permis de collecter 6,3 millions d'euros. Quant à la Croix-Rouge française, elle a recueilli grâce à la générosité du public 90,8 millions d'euros en 2017. Soit 6,9% de ses ressources sur l'année. 

Un milliard pour la lutte contre la pauvreté... en un an

D'une manière plus globale, selon des chiffres repérés par nos confrères de Libération, la somme des dons récoltés en 2015, toutes causes confondues, représentait 7,5 milliards d'euros. Des chiffres issus d'une étude de la Fondation de France portant sur la générosité à l'égard des organismes d'intérêt général privés ou publics. La majorité de ces dons proviennent des particuliers. Ainsi, 61% de ces 7,5 milliards sont le fait de foyers privés. Bien entendu, tous leurs dons ne vont pas à la lutte contre la pauvreté et au relogement des sans-abri. L'étude estime que la part déduite des impôts consacrée par les foyers à la lutte contre la pauvreté représentait, en 2015, 451 millions d'euros. L'année précédente, en 2014, cette part atteignait 396 millions. 

D'autre part, la contribution du mécénat d'entreprise représente 39% des dons globaux. Les chiffres sont partiels, car ils ne tiennent compte que des données qui tombent sous le coup d'une réduction d'impôt, mais cette même étude évalue entre 2,7 et 4,3 milliards d'euros le montant des dons des entreprises, sur l'année 2015. Egalement relayée par Libération, une autre étude d'Admical (une association qui développe le mécénat d'entreprise) estime que 28% de ces dons vont au "domaine social", donc, entre autres, à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Soit une échelle de dons qui s'établit globalement entre 756 millions d'euros et 1.2 milliard d'euros. La générosité cumulée des particuliers et des entreprises représente donc à peine plus, en un an, que ce qui a été donné en quelques jours pour Notre-Dame. 

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Anaïs Condomines

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