REPOS DOMINICAL - Les syndicats du commerce et des grandes enseignes se sont rassemblés ce mardi matin devant Bercy. Ils protestent contre les nouvelles Zones internationales de travail que veut instituer le ministère de l’Economie. Parmi eux, les salariés de la Fnac.
Les Fnac sont des boutiques à touristes. Etonnant ? Peut-être. En tout cas, pour le projet de décret qui institue les nouvelles Zones touristiques internationales à Paris, le doute n’est pas permis : les 12 ZTI proposées, qui permettront aux magasins de ces périmètres d’ouvrir en soirée jusqu’à minuit et tous les dimanches, englobent les magasins Fnac.
Une "aberration", pour les syndicats de salariés Sud et CGT, qui se sont mobilisés ce mardi devant Bercy. La date était symbolique : syndicats d’employés et de patrons, mais aussi Ville de Paris, avaient jusqu’à aujourd’hui pour donner leur avis sur ces délimitations. Catherine Gaigne, secrétaire nationale de Sud Fnac, fulmine : "Ces zones touristiques sont complètement déconnectées de la réalité. Cela n’a aucun rapport avec ce qu’on fait et la clientèle qu’on a dans nos magasins." Hasard ou pas, ce nouveau tracé répond à une demande de longue date d'Alexandre Bompard, patron de la Fnac : pouvoir ouvrir ses commerces le dimanche.
"Les Chinois et les Arabes sont intéressés par le commerce de luxe, pas par les DVD"
Sauf que classer les Fnac en Zone touristique est totalement injustifié, pour Sud Fnac : "On ne conteste pas que les Champs Elysées, la tour Eiffel, le musée du Louvre soient des zones touristiques", explique Catherine Gaigne. "Mais dans les Fnac..." La salariée, qui travaille sur la Fnac des Ternes et de l’Etoile est formelle : "On n’a aucun touriste international. Les Chinois, les Arabes sont intéressés par le commerce de luxe, les sacs, le parfum. Mais ils ne vont pas venir acheter un bouquin français ou un DVD qu’ils peuvent avoir à des prix défiant toute concurrence en Chine !"
Sur les huit Fnac parisiennes, une seule, pour l’instant, est dans une ZTI : celle des Champs-Elysées. Et ce qui s’y passe donne une bonne idée de ce qui pourrait attendre les 1200 salariés de l'enseigne. "Les employés ont l’obligation de travailler un dimanche sur trois, et deux soirs par semaine jusqu’à minuit. Le tout sans repos compensateur dominical." Même si pour l’instant, le décret à venir prévoit des compensations et du volontariat, rien n’est garanti, selon la salariée. "La compensation n’est pas forcément un salaire multiplié par deux : certaines chaines ne proposent que 5% de plus. Et le volontariat, on sait que c’est. A long terme, le dimanche va devenir un jour comme un autre." Contactée, la Fnac en question indique que si le travail un dimanche sur trois est bien une clause dans les contrats, il n'en est rien pour le travail en soirée en semaine, qui repose sur le volontariat. Et dans les deux cas, des compensations salariales sont proposées : + 100% les dimanches travaillés, et + 160% les heures de soirée à partir de 21 heures.
"Je n'en peux plus, je n'ai plus de vie sociale, je ne vois plus mes amis"
Mais pour la syndicaliste, avec la loi Macron, les salariés seront poussés de fait au travail en horaires décalés : "Les salaires sont au minimum des grilles. Toutes les embauches sont au Smic, alors forcément ça incite à aller travailler plus." Et la clé, une dégradation de leurs conditions de travail, et personnelles. "En travaillant le soir ou le dimanche, on a beaucoup de mal à avoir une vie de famille, une vie sociale et amicale", estime Catherine Gaigne, qui se rappelle : "L’an dernier, un jeune collègue à la téléphonie a vu son rayon fermé. On lui a proposé d’aller aux Champs Elysées. Il se fichait des horaires décalés, car il est jeune, n’a pas d’impératifs. Mais quatre mois plus tard, il me disait : "Je n’en peux plus, je ne vois plus mes amis, je n’ai plus de vie sociale." Ça casse tout le reste de la vie." D'autant qu'au boulot, l'ambiance est déjà stressante : "Il faudra bien des cadres pour travailler avec les équipes le dimanche. Ils ont déjà des horaires à rallonge, ont des arrêts maladie qui explosent depuis quelques années. Quand ils sont là, mauvaise humeur, fatigue, pression psychologique rejaillissent sur les salariés. Tout redescend en cascade."
Ce mardi, une délégation a été invitée au cabinet du ministère de l’Economie. "Ils nous ont écoutés, nous ont proposé de se revoir bientôt", raconte la déléguée syndicale. "Un dialogue a commencé. Mais ces conseillers n’ont aucune idée de ce qui se passe dans les grands magasins." Alors, les choses peuvent-elles encore bouger ? Rien de moins sûr. "J’aimerais être optimiste", soupire l'employée. "Mais suis réaliste. On fait tout ce qui est en notre pouvoir : mobilisation, écrire, pour sortir le plus de Fnac possible des ZTI." Une nouvelle manifestation est prévue le 15 octobre prochain. Mais le timing est serré. D’après la syndicaliste, le décret sur les ZTI pourrait être adopté dès la fin septembre.
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