Un Grenelle en septembre pour lutter contre les violences conjugales ? Les associations féministes ne veulent plus attendre

Anaïs Condomines
Publié le 7 juillet 2019 à 14h13, mis à jour le 7 juillet 2019 à 16h07
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Source : Sujet TF1 Info

VIOLENCES - Le gouvernement a annoncé, ce dimanche 7 juillet, la tenue d'un grenelle des violences conjugales à partir du 3 septembre prochain. Trop tard, pour certaines associations, qui redoutent un énième plan de communication, tandis que d'autres estiment qu'une discussion posée à la rentrée n'exclut pas que des mesures d'urgence soient prises cet été, notamment par Christophe Castaner.

Au lendemain d'un rassemblement qui a mobilisé entre 1200 (selon la police) et 2000 (selon les organisatrices) personnes contre les féminicides, le gouvernement annonce des mesures. Ou plutôt, une mesure, prenant la forme d'un Grenelle des violences conjugales, qui se tiendra "le 3 septembre à Matignon", a déclaré la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, dans le JDD, ce 7 juillet

Ce Grenelle, précise-t-elle, "sera introduit par le Premier ministre et réunira les ministres concernés, acteurs de terrain, services publics, associations, familles de victimes, afin de construire ensemble des mesures efficaces pour enrayer ce phénomène" qui, depuis le 1er janvier dernier, a coûté la vie à au moins 75 femmes en France. En parallèle de ce Grenelle, le gouvernement compte lancer une "mobilisation nationale avec une grande consultation citoyenne, et une campagne pour interpeller toute la société. Brigitte Macron s'engagera".

"Pourquoi attendre le 3 septembre, alors que les féminicides augmentent ?"

Du côté des militantes féministes et des associations spécialisées dans la lutte contre les violences faites aux femmes, l'annonce est loin de faire l'unanimité. Caroline de Haas, initiatrice du mouvement #NousToutes, estime cette décision "décevante".  "On demandait des mesures d'urgence, on nous donne rendez-vous dans deux mois pour des solutions à venir dans cinq mois, le 25 novembre. C'est délirant. Il faut des mesures concrètes, tout de suite. Il y a un décalage entre la mobilisation inédite de la société contre les violences conjugales et la réaction du gouvernement. On a l'impression que le gouvernement n'a pas pris la mesure de la gravité des choses, d'une part, et d'autre part qu'il n'a pas pris la mesure de sa capacité d'action, puisque Marlène Schiappa renvoie encore une fois à 'une mobilisation générale de la société'. En premier lieu, c'est au gouvernement d'agir."

Surtout, pour Caroline de Haas, nul besoin d'un Grenelle pour sauver des vies. Elle reprend :  "Un Grenelle, c'est fait pour réunir différents acteurs et négocier ensemble. Or, sur les violences conjugales, il n'y a pas besoin de négociation. Les solutions sont connues, le plan d'urgence est détaillé depuis longtemps par de nombreuses associations qui portent le sujet." Sur Twitter, Anaïs Leleu, également militante pour #NousToutes, ne dit pas autre chose. Et de s'interroger sur le nombre de victimes supplémentaires d'ici au 3 septembre. 

Fatima El Ouasdi, présidente de Politiquelles, n'y voit justement pas qu'un effet d'annonce. "Dans la société, cette question de la prise en charge des violences conjugales est loin d'être évidente. Pour moi, une opération de communication interministérielle va peut-être débloquer des moyens supplémentaires." Et de s'interroger : "Avant de dire de combien on a besoin, il faut trouver ce qui cloche et savoir exactement où mettre l'argent. Si on débloque un milliard d'euros comme en Espagne, on les met où ?" 

Du côté du collectif national des droits des femmes, Suzy Rojtman regrette, comme Nous Toutes, que les négociations ne commencent qu'après l'été. "C'est très bien un Grenelle mais pourquoi attendre le 3 septembre, alors que les féminicides augmentent ? Il faut des mesures d'urgence dès maintenant" dit-elle, en préconisant que Christophe Castaner fasse très rapidement une piqûre de rappel aux fonctionnaires de l'Etat, aux préfets et à l'Education nationale et que le prochain conseil des ministres porte entièrement sur les violences conjugales, dans un but véritablement interministériel."

Des mesures d'urgence immédiates ?

Mais pourquoi la tenue d'un Grenelle empêcherait-elle des mesures d'urgence, prises dès à présent ? C'est la question que posent les deux associations qui avaient réclamé, auprès du gouvernement, ce moment de concertation. Anne-Cécile Mailfert, pour la Fondation des femmes, entend donc "jouer le jeu. Nous avions demandé un Grenelle, mais nous souhaitons que ce soit le premier et le dernier, qu'il soit efficace, concret, utile, car c'est une question de vie ou de mort pour beaucoup de femmes. Nous sommes également contentes de constater un portage du Premier ministre, ce qui indique une réflexion interministérielle. Mais il est clair que les femmes en danger de mort actuellement n'ont pas besoin d'une campagne de communication. Il faut que d'ici au 3 septembre, des solutions concrètes soient tranchées."

La fédération nationale solidarité femmes (FNSF), à l'oeuvre derrière le numéro 3919, n'exclut pas elle non plus des mesures d'urgence prises avant même l'ouverture du Grenelle. Elle les appelle même de ses vœux. "On espère que la mobilisation de ce samedi poussera aussi le gouvernement à apporter des réponses immédiates des institutions, notamment auprès des services de police, de gendarmerie et de justice, afin que les plaintes déposées par les femmes en danger soient correctement analysées' nous explique Françoise Brié, porte-parole. Durant l'été, ces institutions doivent être très mobilisées." Anne-Cécile Mailfert renchérit : "Nous attendons de Christophe Castaner qu'il s'exprime auprès des préfets et qu'il envoie un message fort". Pour l'heure, il est prévu que Marlène Schiappa s'adresse aux préfets jeudi prochain. Selon nos informations, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner  introduira cette réunion qui se tiendra à Beauvau. 

De son côté, Nicole Belloubet a annoncé ce dimanche le renforcement de mesures judiciaires comme une multiplication des ordonnances de protection, un accès plus facile aux bracelets anti-rapprochement ainsi qu'une "mission d'inspection" pour faire une analyse des dossiers classés. 


Anaïs Condomines

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