Désormais, il n'y aura plus de retrait de points pour les excès de vitesse inférieurs à 5 km/h.Déjà envisagé, le changement a été confirmé hier par le ministre Gérald Darmanin.Pierre Lagache, vice-président de la Ligue contre la violence routière, regrette "une mesure clientéliste" auprès de TF1info.
Gérald Darmanin l'a confirmé ce mardi 19 avril : à partir du 1er janvier 2024, les excès de vitesse de moins de 5 km/h ne seront désormais plus sanctionnés d'un retrait d'un point sur le permis de conduire, comme c'était le cas jusqu'alors. Le montant des contraventions, lui, restera le même. Pour le ministre de l'Intérieur, l'annonce est "une mesure de bon sens pour nos concitoyens", mise en place "à la demande du président de la République".
Plusieurs associations de prévention des risques de la route déplorent la fin de ce retrait de points pour ces "petits" excès de vitesse. Pour Pierre Lagache, vice-président de la Ligue contre la violence routière, interrogé par TF1info, ce changement marque "un recul par rapport à l’efficience de la sécurité routière".
Une prise en otage de la sécurité routière pour affaiblir le permis à points
Pierre Lagache, vice-président de la Ligue contre la violence routière
TF1info : Lors de l'annonce de cette mesure, vous avez dénoncé une "instrumentalisation de la sécurité routière". Pourquoi ?
Pierre Lagache : L’annonce intervient dans un contexte social tendu. Curieusement, une fois de plus, l’annonce est faite dans une situation où, visiblement, le gouvernement souhaite apaiser une situation. Qui peut ne pas imaginer qu’il s’agisse d’une prise en otage de la sécurité routière pour affaiblir le permis à points ? C’est pourtant quelque chose qui fonctionne. Il a été mis en place dans les années 1990, on a du recul sur ce dispositif.
On fait donc le lien entre cette situation compliquée et cette annonce du gouvernement pour envoyer un signal positif à tout un chacun. C’était la même chose pendant la crise des gilets jaunes : la mesure de l’abaissement de la vitesse à 80 km/h a été battue en brèche, pour finalement revenir à 90 km/h, avec le même procédé. Depuis, c’est une série de reculades : on le voit aussi avec le refus de mettre en œuvre le contrôle technique des deux-roues motorisés, comme l’impose pourtant l’Union européenne, la remise en cause du déploiement des radars urbains initialement prévu en 2022, et maintenant avec le permis à points. Ce n’est plus une politique de sécurité routière, mais une politique d’insécurité routière.
En 2020, 58% des contraventions envoyées pour des excès de vitesse contrôlés par des radars concernaient des excès inférieurs à 5 km/h. Ne faut-il pas faire preuve "d'indulgence administrative" sur le sujet, comme le revendique Gérald Darmanin ?
Le système est déjà indulgent en soi ! Quand vous perdez un point par manque de vigilance, et que vous êtes plus vigilant par la suite, ce qui est le but du permis à points, vous le récupérez. C’est un système intelligent de ce point de vue là, il ne cherche pas à pénaliser outre mesure les gens qui feraient une erreur à un moment donné.
Les personnes qui perdent leur permis représentent une minorité. Ces 7% de conducteurs qui vont en stage de récupération de points, ce sont eux qui ont un comportement à risque. On ne voit pas pourquoi on se prive d’un outil éprouvé et qui a le mérite de maintenir une forme de pression sur la vigilance de tous les conducteurs. Ce système de permis à points, il joue son rôle. L’annonce faite par Gérald Darmanin est donc une mesure opportuniste, et marque un recul par rapport à l’efficience de la sécurité routière.
L’amende ne sera en revanche pas supprimée pour ces “petits” excès de vitesse. Ce ne serait pas assez dissuasif, selon vous ?
L’amende restera sans doute dissuasive, mais la véritable question n’est pas celle-là : pourquoi se priver du permis à points, alors que c’est un système qui fonctionne ? Le ministre de l’Intérieur évoque la situation des conducteurs qui travaillent pour justifier l’arrêt de ces retraits de points. Mais s'ils ont un comportement responsable sur la route, ils conservent aujourd’hui leur permis ! Si depuis les années 1990, le permis à points était un obstacle au travail et un problème important en termes de désociabilisation, ça se saurait ! La grande majorité des pays européens l’appliquent aujourd’hui. Y toucher est simplement une mesure clientéliste. Et puis c’est un mauvais signal : le résultat, dans les faits, c’est qu’on donne un sursis à la catégorie de conducteurs qui pose problème ! Sans ces petits points perdus, les délinquants de la route pourront rester tranquilles.