Aux États-Unis, Pfizer a demandé l'autorisation en urgence de son vaccin contre le Covid-19 pour les enfants âgés de six mois à 4 ans.Le vaccin pourrait ainsi être disponible pour cette tranche d'âge dans les semaines à venir.Si ce scénario venait à être envisagé en France, convaincre les parents serait très difficile.
Alors que la vaccination des enfants de moins de 5 ans pourrait commencer dans les semaines à venir outre-Atlantique, la France suivra-t-elle au cours des prochains mois ? Pfizer vient de lancer le processus visant à demander l'autorisation en urgence de son vaccin contre le Covid-19 pour les enfants âgés de six mois à 4 ans aux États-Unis. La demande concerne dans un premier temps une série de deux doses, mais celle-ci devra à terme en comporter trois, a précisé le géant pharmaceutique.
En cas d'autorisation par l'Agence américaine des médicaments (FDA), le vaccin deviendrait le premier disponible aux États-Unis pour cette tranche d'âge.
Mais quid d'un tel scénario en France ? Les sociétés savantes de pédiatrie se montrent assez sceptiques sur la question de la vaccination de cette tranche d'âge. Et ce pour plusieurs raisons.
En premier lieu "le poids de la maladie n'est pas majeur chez cette tranche d'âge, les PIMS (syndrome inflammatoire multi-systémique pédiatrique, ndlr) restent quelque chose de très abstrait", insiste Christèle Gras-Le Guen, épidémiologiste et présidente de la société française de pédiatrie. "Sur le terrain, au quotidien, le Covid n'a pas un poids en pathologies importantes, contrairement aux gastros, bronchiolites", abonde Fabienne Kochert, présidente de l'Association française de pédiatrie ambulatoire, précisant qu'"il y a eu des formes graves, mais chez des enfants avec des comorbidités et très peu chez les moins de cinq ans (...) les fameux PIMS c'est plutôt autour 7 ans". Et d'insister : "pour nous en tant que pédiatre, il n'y pas d'urgence à vacciner les moins de 5 ans, ils ne sont pas cibles du virus".
Un premier constat qui tranche avec la situation observée notamment à New York, ces dernières semaines, où la moitié des admissions concernait des enfants de moins de 5 ans, donc pas encore en âge d'être vaccinés. "Les chiffres des décès ne sont pas les mêmes non plus chez nous et aux États-Unis", poursuit le Dr Kochert, soulignant deux contextes bien distincts.
"Le vaccin ne protège pas de l'infection"
Quid de l'argument déjà mis en avant ces derniers mois pour encourager la vaccination des adolescents et des 5-11 ans, à savoir l'altruisme (protéger les autres) ? "C'est quelque chose qui serait pertinent si on arrive à avoir un vaccin qui empêche de s'infecter et de contaminer, mais les gens sont au clair avec le fait que le vaccin ne protège pas de l'infection", réagit le Pr Gras-Le Guen, renvoyant vers l'exemple des "11-17 ans vaccinés à 80%" et chez qui "le virus circule énormément".
Fabienne Kochert se montre tout aussi sceptique sur le fait que l'argument altruiste puisse peser. "Ce n'est pas ce qu'on peut mettre en avant, on a bien vu avec Omicron que le vaccin ne protège pas contre le portage. Ce n'est pas qu'il n'est pas efficace, c'est que le virus a muté".
"On a déjà du mal à convaincre les parents des 5-11 ans"
L'une comme l'autre ne manquent pas non plus de s'appuyer sur l'expérience de la vaccination des 5-11 ans qui peine à décoller en France. "On a déjà du mal à convaincre les parents des 5-11 ans en expliquant le bénéfice du vaccin, en dessous de cinq ans ça va être très compliqué si l'on ne peut pas s'appuyer sur le fait d'empêcher les formes graves auxquelles cette tranche d'âge n'est pas exposée et une future infection", pressent le Dr Kochert. "Si beaucoup d'adultes et d'adolescents se sont fait vacciner pour obtenir leur pass, cet argument ne vaut pas concernant les enfants ; les parents veulent savoir pourquoi ils doivent le faire, il faut vraiment faire preuve de pédagogie et ce besoin s'accroit à mesure que l'enfant est jeune", détaille-t-elle.
Pour autant, tient à préciser Christèle Gras-Le Guen, "ça n'est pas l'âge qui pose problème" aux parents, pas plus que la vaccination en elle-même a priori. "En matière de vaccination, c'est l'âge de la vie où on reçoit le plus de vaccin", rappelle-t-elle.
Quoi qu'il en soit, si le scénario de la vaccination des moins de cinq ans venait à être envisagé en France, il est peu probable, à la lumière de ce qu'il s'est passé pour les autres tranches d'âge, que cela arrive avant l'été, voire l'automne, la France attendant systématiquement les résultats des études "en vie réelle", pour écarter tout risque d'effet secondaire rare, confirment les deux spécialistes. D'ici là, leur priorité est de vacciner un maximum d'enfants dits "à risque" ou "qui vivent avec des comorbidités." Et Fabienne Kochert de déplorer : "Un enfant est décédé la semaine dernière, ce n'est pas acceptable si nous pouvons éviter cela, il faut vraiment vacciner ces enfants à risque".