Pourquoi dit-on "prendre un râteau" ?

V. Fauroux | Reportage vidéo David De Araujo, Erinna Fourny
Publié le 7 décembre 2022 à 18h55

Source : JT 13h Semaine

Nous sommes nombreux à nous être déjà "pris un râteau".
Beaucoup moins à connaître le rapport entre l'échec amoureux et cet outil de jardinage.
On vous explique l'origine de cette drôle d'expression.

Fini le temps où les célibataires restaient assis à la maison et attendaient sagement que le téléphone sonne. À l'ère du portable, plus de faux-semblant. Quand on se jette à l'eau et qu'on déclare sa flamme - grâce à notre ami le SMS - en général, la réponse ne tarde pas à arriver. Mais parfois, elle peut être cinglante : "Non, désolée, tu n'es pas mon style !" Cet amour déçu, en langage courant, ça s'appelle "prendre un râteau". Ce moment de solitude, on l'a tous déjà vécu, plus ou moins bien. "Ça fait mal, oui", acquiesce une jeune fille, interrogée par une équipe de TF1 dans la vidéo en tête de cet article. "Ça fait comme un manche en bois qu'on se prend en pleine face", précise une passante.

L'âge d'or du cinéma muet

Cette jeune femme n'est pas très loin de la vérité. Car si tout le monde connaît cette expression, on ne sait pas toujours quel est le rapport avec cet ustensile de jardinage. Une première théorie nous ramène à l'âge d'or du cinéma muet, dans les années 20, où un gag récurrent voit l'acteur rejeté par l'amour de sa vie. Étourdi par la honte, il ne se rend même pas compte qu'il marche sur les dents d'un râteau. Du coup, il se prend le manche sur la figure, et ça fait mal. 

Remontons le temps encore plus loin. Une seconde explication se cache dans les pages jaunies des vieux dictionnaires de l'Académie française. "En réalité, prendre un râteau vient d'une expression ancienne qui était 'prendre un rat', très fréquente au XVIIᵉ siècle, qui désignait le fait pour une arme à feu de ne pas avoir eu l'étincelle. C'était en quelque sorte un échec. Évidemment, le coup de feu ne partait pas", explique le linguiste Jean Pruvost.

Quatre siècles plus tard, pas besoin de fusil pour blesser l'amoureux transi en plein cœur, un simple téléphone suffit. Charlotte Bernasconi et Élodie Boisier ont gardé tous leurs SMS de rupture pour en faire un livre. Elles y ont par exemple coché le très courant : "Je ne suis pas celle ou celui que tu crois". Pour elles, qu'importe la douleur infligée, "prendre un râteau", c'est positif. "Ça nous a vraiment permis de faire de l'introspection et de se dire : 'mais en fait, pourquoi je réagis comme ça ?', 'pourquoi est-ce que ça me blesse autant ?'", interroge Charlotte. "Il faut y aller, les gens n'osent pas, il faut se lancer. Et si ça ne marche pas, il ne faut pas se remettre non plus fondamentalement en question", ajoute Élodie. 

Alors, pas question de se laisser aller. Et pour ne pas perdre la face, et rebondir de la meilleure manière possible, rien de mieux que l'humour. On peut répondre par exemple à quelqu'un qui vient de vous éconduire par texto : "C’est un nouveau téléphone, qui est-ce ? Non, je plaisante. Aucun souci, restons amis alors !"


V. Fauroux | Reportage vidéo David De Araujo, Erinna Fourny

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