La journaliste de TF1 Caroline Bayle a rencontré début janvier Nicolas Menet, entrepreneur condamné par un cancer du cerveau à vivre quelques mois seulement.Dans un livre à paraître jeudi, il appelle à ouvrir les débats sur la fin de vie.Caroline Bayle, dont le reportage a été diffusé ce dimanche soir au 20H de TF1, nous décrit ses échanges marquants avec l'Ardéchois de 44 ans, décédé le 4 février dernier.
"Tout s'est fait très vite." Lorsque Caroline Bayle, journaliste pour le JT de TF1, est contactée début janvier pour réaliser le portrait de Nicolas Menet, elle comprend qu'il ne faudra pas perdre de temps pour le rencontrer. À 44 ans seulement, cet Ardéchois est condamné par un cancer du cerveau incurable, un glioblastome. "Il m'a dit qu'il ne savait pas s'il lui restait quelques mois, quelques semaines ou quelques jours à vivre", se souvient-elle. Dans la foulée d'un premier coup de téléphone, elle se rend dans son village de l'Ardèche aux côtés de son caméraman Jean-François Drouillet, pour passer 48 heures auprès de ce personnage "hors normes". Trois semaines seulement après le tournage, le quarantenaire s'éteint, le 4 février.
"Écouter son témoignage alors qu'il n'est plus là, ce n'est pas facile, mais il nous a tellement embarqué dans son projet d'organiser sa propre fin de vie, c'est comme si on en faisait aussi partie en relayant son témoignage. Il est toujours présent", explique la journaliste, rencontrée en plein montage de ce reportage, diffusé ce dimanche 12 mars dans le 20H de TF1 (à retrouver en tête de cet article). Nicolas Menet lui a confié la façon dont il avait décidé d'orchestrer ses derniers jours, avec une sérénité frappante. Mais aussi sa volonté d'appeler à ouvrir un débat en France sur la fin de vie, au-delà de sa propre histoire. "C'est une telle chance d'avoir croisé sa route", se réjouit la reporter, saluant une "vraie leçon de vie, très enrichissante".
"Il a mis toutes ses forces dans son témoignage"
C'est à l'automne 2021 qu'un AVC très violent percute cet "entrepreneur acharné", à la tête de la Silver Valley, une pépinière d'entreprises consacrées à l'accompagnement des personnes âgées. Quelques mois plus tard, le diagnostic vient faucher les projets débordants du quarantenaire fonceur. Il rêvait d'entrer en politique, son horizon se rétracte désormais à un an à peine d'espérance de vie.
Mais "paradoxalement", ce diagnostic posé sans détours "l'a apaisé", explique Caroline Bayle. Chez lui, elle rencontre un homme "très drôle, assez cynique mais avec beaucoup d'autodérision". Malgré la fatigue et des problèmes de vue, "il a mis toutes ses forces dans son témoignage", se souvient-elle, décrivant deux jours de tournage dans "une bulle un peu hors du temps", "des heures passées à évoquer des sujets essentiels, profonds". Nicolas Menet lui détaille comment il a entrepris un "deuil de soi" : "c'est le deuil de ses capacités physiques, de sa vie active trépidante, l'espoir de retrouver ses précédents projets", rapporte la journaliste.
L'homme envisage un temps de réaliser une euthanasie en Belgique, mais il est déjà trop fatigué pour se lancer dans le marathon de procédures et d'examens médicaux que ce projet nécessite. Il découvre alors qu'il pourra bénéficier d'une mort par sédation profonde et continue, une méthode autorisée en France depuis 2016 pour les malades incurables en phase terminale. C'est cette option qu'il choisit, dans un grand apaisement. "Ce qu'il m'a scotché, c'est qu'il a réussi le tour de force de surpasser ce deuil de soi dans un projet de fin de vie, dans lequel il a embarqué ses proches, ses parents, son mari, ses amis, pour profiter de chaque instant passé ensemble", poursuit la reporter.
"Remettre la fin de vie au cœur de la vie"
Mais il ne s'arrête pas là : "dans ce parcours accéléré de maladie, en se retrouvant confronté à sa propre mort aussi violemment, il a aussi réalisé que les patients étaient un peu dépossédés face à la fin de vie", ajoute-t-elle. Il constate que peu de patients disposent comme lui de la possibilité de mourir par sédation profonde et continue. Alors que le gouvernement envisage actuellement une nouvelle loi sur le sujet, il décide de se lancer dans l'écriture d'un livre, signé en deux mois seulement, dans lequel il déplore un manque d'informations et de moyens autour de ces questions.
Dans Faire le deuil de soi, qui paraîtra jeudi aux éditions Le Cherche midi, il détaille aussi une série de propositions pour briser les tabous autour de cette période : une consultation obligatoire avec les médecins, une campagne de sensibilisation à l'image de celles de la sécurité routière... En bref, "que chaque citoyen ait la liberté de mourir de la manière qu’il a choisi, et qu'il y ait des moyens pour le faire", résume Caroline Bayle, de son propre aveu "surprise" par ces suggestions, elle qui couvre pourtant depuis 20 ans ces sujets. Sans prendre spécifiquement position dans le débat sur l'euthanasie, il appelle de manière générale à ouvrir le dialogue sur toutes ces questions, pour "remettre la fin de vie au cœur de la vie".
L'ouvrage sera publié juste avant la fin des travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, prévue le 19 mars. Un calendrier aussi anticipé par Nicolas Menet, tout en sachant qu'il se déroulerait probablement sans lui. Caroline Bayle retient quant à elle une rencontre qui l'a "marquée", "en tant que journaliste et en tant que personne".
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