VIDÉO – Des collégiens recueillent la mémoire de Natzweiler-Struthof, le seul camp de concentration français

par La rédaction de TF1info | Reportage TF1 Sylvie Pinatel, Noélie Clerc et Cédric Aguillar
Publié le 24 janvier 2022 à 19h25

Source : JT 20h WE

Jeudi prochain, nous commémorerons la journée mondiale dédiée à la mémoire des victimes de la Shoah.
Des collégiens volontaires sont formés pour transmettre le témoignage des rescapés des camps de concentration.
Plusieurs de ces ambassadeurs de la mémoire se sont rendus au camp de Struthof, en Alsace, le seul camp de concentration construit par les nazis sur le sol français.

"Le travail était réalisé sous une rafale de coups, de menaces, et sous les hurlements des kapos et des SS", lit à voix haute un jeune garçon, face à quelques camarades, au pied d'une potence recouverte de neige. Pour porter la voix et l'histoire des victimes de la Shoah, huit collégiens ont candidaté pour devenir des ambassadeurs de la mémoire. Une idée lancée il y a plus de dix ans par Simone Veil. À travers leurs mots, ils racontent la déportation de 50.000 personnes dans le camp de Natzweiler-Struthof, dans le Bas-Rhin. 

À 60 kilomètres de Strasbourg, à 800 mètres d'altitude, les nazis ont construit le seul camp de concentration français et y ont assassiné près de 20.000 personnes. "Après avoir passé le portail, il y a une descente surnommée la descente aux enfers", décrit l'un des adolescents dans le reportage du 20H de TF1 en tête de cet article. 

Le ravin de la mort, c'est l'autre nom que les déportés donnaient à cet endroit. Ils devaient y décharger les brouettes de terre. "Quand le gars arrivait, il [un gardien du camp, ndlr] lui donnait un coup d'épaule au moment où il vidait sa brouette, il criait à la tentative d'évasion, et le SS qui était dans le mirador tuait le détenu", raconte Jean Villeret, interné au Struthof à 22 ans parce qu'il était résistant. "Il avait alors droit à je ne sais pas combien de cigarettes, de saucissons, des jours de congés... Quand la haine s'installe, c'est quelque chose d'inimaginable", glisse-t-il. 

Une lutte continue contre l'oubli, et parfois le déni

Cette haine est décrite dans les récits des adolescents, qui relatent qu'en décembre 1942, un homme est battu puis pendu pour avoir tenté de s'évader du camp, un 25 décembre, après le repas. "Noël est normalement un moment festif, et les nazis vont essayer de casser cet état d'esprit", explique aux élèves Sandrine Garcia, responsable pédagogique du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. 

Depuis 14 ans, elle raconte ici la machine à broyer dans laquelle les nazis plongeaient chaque nouveau déporté, dès ses premiers pas dans le camp. À leur arrivée dans une pièce attenante aux fours crématoires, ils avaient le droit à une douche chaude. "Une fois qu'ils se seront douchés, on leur dira qu'à cause d'eux, on a brûlé des corps, pour obtenir cette eau chaude. On les rend coupables", explique-t-elle.

Ce travail de mémoire est un combat contre l'oubli, contre le déni parfois. "Quelques visiteurs sont soit néonazis, soit négationnistes", relève Sandrine Garcia. "Les néonazis valorisent cette démarche nazie, même du système concentrationnaire, tandis que les négationnistes nient les faits". Les murs portent pourtant les stigmates des drames qui s'y sont déroulés. Au bout d'un couloir trône dans une pièce vide la table de dissection du professeur Hirt, un médecin nazi ayant demandé l'acheminement de 86 juifs déportés d'Auschwitz dans le camp alsacien. Ils y ont été gazés, pour que leur corps soit ensuite étudié par l'anatomiste sur cette table recouverte de carrelages blancs.

"Se souvenir de ceux qui ont souffert de leur cruauté"

"C'est pour cela qu'on vient ici, pour voir jusqu'à quel point les nazis sont allés, et surtout pour se souvenir de ceux qui ont souffert de leur cruauté", explique un collégien. "C'est une expérience assez lourde, mais utile pour la mémoire de ces personnes. On reconnaît quand même la force des gens qui ont réussi à survivre à cet enfer", ajoute un autre.

"Il n'y a pas une seule nuit où je n'y pense pas", raconte quant à lui Jean Villeret. Le rescapé est retourné sur place une centaine de fois pour témoigner, notamment auprès des 100.000 scolaires qui visitent le camp chaque année. Il leur a souvent chanté "La voix du rêve", un chant écrit par un camarade déporté. "C'est une chanson d'espoir", se réjouit-il, se refusant tout de même à la chanter : "J'ai envie de pleurer", dit-il.

Comme lui, ils sont encore une dizaine en France à pouvoir raconter le Struthof. Après eux, dans ces vestiges de l'Histoire, il y aura la voix de ces collégiens. Dans deux mois, en tant qu'ambassadeurs de la mémoire, ils guideront à leur tour d'autres adolescents dans ce camp, pour que tous ces souvenirs gardent leur trace indélébile.


La rédaction de TF1info | Reportage TF1 Sylvie Pinatel, Noélie Clerc et Cédric Aguillar

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