VIDÉO - Affrontements à Sainte-Soline : qui forme la nébuleuse des ultra-violents ?

par La rédaction de TF1info | Reportage Matthieu Poissonnet, Christophe Abel, Nicolas Hesse
Publié le 27 mars 2023 à 12h17

Source : JT 20h WE

Une nouvelle manifestation interdite a eu lieu ce week-end dans les Deux-Sèvres contre les "méga-bassines", ces réserves d'eau dédiées à l'irrigation agricole.
Parmi les manifestants se trouvaient des militants ultra-violents, dont le seul objectif était de s’en prendre aux forces de l'ordre.

La nouvelle manifestation interdite contre les méga-bassines a donné lieu, samedi, à de violents affrontements à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres, où des milliers de personnes ont convergé, dont de nombreux militants radicaux, éclipsant le débat sur le partage de l'eau. La Première ministre Elisabeth Borne a dénoncé sur Twitter un "déferlement de violence intolérable", mettant en cause "l'irresponsabilité des discours radicaux qui encouragent ces agissements". 

À l'approche du site, aux allures de bastion médiéval avec son talus entouré par les forces de l'ordre, de violents affrontements se sont produits durant une heure, transformant l'endroit en scène de guerre, avec de fortes détonations et des véhicules en feu. Comme on peut le voir dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article, des gendarmes surpris ont filmé tout ce qui s'abattait sur leur véhicule. Très précisément, les assaillants ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails molotov de forte contenance" parmi d'autres projectiles, selon la gendarmerie, qui a riposté avec 4.000 grenades de gaz lacrymogènes et de désencerclement, et en utilisant des LBD. Des casseurs qui attaquent sans relâche, "des activistes violents", "prêts à en découdre", selon les autorités. 

On n'est plus dans un mouvement anarchiste, dans le sens 'improvisation totale'. C'est très organisé et chacun a son rôle
Anthony Cortes, journaliste

Ces militants "ultra-violents" agissent comme des commandos belliqueux, venus pour se battre. Les mêmes qui perturbent désormais tous les cortèges, à Sainte-Soline, contre les bassines, comme à Paris contre la réforme des retraites. "On n'est plus dans un mouvement anarchiste, dans le sens 'improvisation totale'. C'est très organisé et chacun a son rôle", détaille Anthony Cortes, journaliste à l'hebdomadaire Marianne et auteur de L'affrontement qui vient : de l'éco-résistance à l'éco-terrorisme (Rocher, 2023). "Il y a ceux qui vont essayer de galvaniser la foule, ceux qui vont aller provoquer les forces de l'ordre"

Des autonomes, des "antifas" ou des libertaires qui fonctionnent par groupes affinitaires, sans organisation pyramidale. "Ils sont de plus en plus visibles" et "présents là où ça bouge", explique Isabelle Sommier, professeure de sociologie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, auprès de l'AFP. La réforme des retraites est un combat parmi d'autres (enjeux écologiques, thématiques de genre...). Selon cette sociologue, cette nébuleuse connaît une dynamique croissante depuis son retour sur la scène publique avec les mouvements altermondialistes. Avec l'idée de "conquérir des espaces de liberté contre ce qu'ils considèrent comme l'emprise grandissante du pouvoir de l'État", explique-t-elle.

Le recours à la tactique "black bloc" agite régulièrement les manifestations, certains profitant de l'inertie et la bienveillance passive d'autres manifestants. L'ultragauche peut être présente dans ce bloc qui agrège aussi des militants de l'ultradroite ou des "gilets jaunes". Et quand des projectiles fusent contre les forces de l'ordre ou des pavés contre des banques, il est bien malaisé de savoir qui se cache derrière les cagoules et capuches noires. "Il y a des 'black bourges', ces jeunes qui les rejoignent en réaction à leur éducation, leurs parents. Mais il y a aussi des cadres, des enseignants, des gens bien insérés. Il y a également des jeunes exclus de la société", témoigne uprès de l'AFP un syndicaliste anticapitaliste.

Des groupuscules venus de l'étranger ?

Plus surprenant encore, ces groupuscules peuvent être transfrontaliers. Venus de toute l’Europe, on trouve partout ce type de casseur, peu importe la cause. Comme à Hambach, en Allemagne, début 2023, pour manifester contre un projet de mine à ciel ouvert, ou aux Pays-Bas pour protester contre les restrictions sanitaires, à plusieurs reprises, en 2021 et 2022. Grâce à Internet, désormais, ces "ultra violents" se coordonnent et organisent leurs déplacements : "Cela les rend difficiles à appréhender", souligne le journaliste interrogé par TF1. "C'est une vraie crainte des services de renseignement, c'est mouvant, on n'arrive pas à repérer tel ou tel militant, dans quel pays il se situe, vers quelle cible il se dirige."

Au lendemain des affrontements dans les Deux-Sèvres, les militants pacifistes semblent avoir du mal à condamner la violence des ultras, certains parlant de "colère légitime". Pour les élus de Gauche présents sur place, le seul responsable reste le dispositif policier. "On crée un climat qui favorise la violence", selon David Cormand, député EELV, sollicité par TF1. "Les blessures contre les manifestants, ce sont des blessures de guerre", ajoute-t-il. "On a assisté à des scènes de guerre" qui illustrent "une dérive violente de l'État", a lancé lors d'une conférence de presse l'eurodéputé EELV Benoît Biteau, au lendemain de cette manifestation, interdite par la préfecture, qui a rassemblé entre 6000 personnes, selon les autorités, et 30.000 selon les organisateurs. 

La Ligue des droits de l'Homme a mis en cause, dimanche, la responsabilité des forces de l'ordre dans les violences. Le dimanche 26 mars, un manifestant victime d’un traumatisme crânien demeure entre la vie et la mort, 47 gendarmes ont été blessés, dont deux grièvement.


La rédaction de TF1info | Reportage Matthieu Poissonnet, Christophe Abel, Nicolas Hesse

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