Enquête sur les dérives des écoles hors contrat

Publié le 2 octobre 2020 à 11h29, mis à jour le 2 octobre 2020 à 12h10

Source : JT 20h WE

VIGILANCE - Les écoles hors contrat sont en pleine expansion. Depuis 2010, leur nombre a même plus que doublé, avec 200 demandes d'ouverture par an. Mais ce succès multiplie aussi les risques de dérives. Lors de son discours sur le séparatisme prononcé vendredi 2 octobre, Emmanuel Macron a annoncé que les contrôles allaient être renforcés.

Note de la rédaction : le vendredi 2 octobre, lors d'un discours aux Mureaux, Emmanuel Macron a annoncé que les contrôles allaient être renforcés autour des écoles hors contrat. Il y a quelques semaines, nous avions enquêté sur les dérives de ces écoles. Nous publions à nouveau cet article.

Alors que les maires des zones rurales subissent régulièrement les fermetures de classes, ces derniers accueillent souvent à bras ouverts les écoles hors contrat. Même engouement de la part de nombreux parents, de plus en plus séduits par ces établissements alternatifs. Résultat, elles sont désormais 1.900 sur les 60 000 groupes scolaires français, ce qui représente 85.000 élèves. Et ce succès ne se dément pas : depuis 2010, leur nombre a plus que doublé avec 200 nouvelles demandes d'ouvertures par an. 

Leur particularité : ces écoles n’ont pas signé d’accord de convention avec l’Etat, contrairement aux écoles privées sous contrat et, bien sûr, à l’école publique. Ce qui veut dire que dans ces classes, l’enseignement est libre. Toutefois elles doivent assurer la diffusion d’un "socle commun de connaissances". Par ailleurs, elles ne reçoivent aucune subvention de l’éducation nationale. La formation y est donc payante, de quelques centaines à plusieurs milliers d’euros par an. 

Des inspections insuffisantes

Mais si certaines respectent les programmes, d'autres peuvent devenir clairement nocives pour les enfants. "Ca va de l'amateurisme à la dérive sectaire dans le pire du pire. On passe par des charlatans, par des propositions pédagogiques complètement dévoyées, et dans tous les cas, les parents ne le connaissent pas le contenu doctrinal. Il y a un manque d'information", prévient Laurence Peyron, conseillère au pôle Education-Jeunesse à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires.

De nombreux signalements concernent des écoles confessionnelles. A l'image du groupe scolaire Al-Badr à Toulouse qui a dû fermer ses portes en 2016 à la suite d'une décision du tribunal de grande instance. Les enseignements religieux y prenaient trop de place. D'autres mouvements interpellent. Comme la Fraternité Saint-Pie-X qui est un courant catholique traditionaliste. En France, il revendique 35 000 fidèles, et une trentaine d'écoles hors-contrat. Publiquement, il conteste les programmes officiels et des vérités scientifiques.

Ces connaissances de base doivent pourtant être enseignées aux élèves. C'est une obligation. Des inspections ont bien lieu dans ces établissements, mais elles sont parfois insuffisantes. Sybille est mère de huit enfants. Elle voulait pour eux une instruction traditionnelle et catholique. Entre 1994 et 2012, ils ont tous été scolarisés dans des écoles proches de la Fraternité Saint-Pie-X. Aujourd'hui, elle le regrette amèrement. "Première communion à 6 ans, donc avant cet âge on leur parle plus du péché que de l'amour de Dieu", dénonce-t-elle, dans le 20H de TF1.

Il y avait parfois limite de la maltraitance, des enfants qu'on met au coin. Ceux qui disent des gros mots, on leur met un savon sur la langue.
Une élève scolarisée dans une école de la Fraternité Saint-Pie X

L'une de ces filles témoigne également, elle a été dans ce type d'écoles entre ses 10 et ses 16 ans.  "Les professeurs sont toujours derrière vous à contrôler comment vous vous habillez, ce que vous pensez. Il y avait des choses qu'on n'avait pas le droit de savoir, comme la reproduction ou la contraception. Il y avait parfois limite de la maltraitance, des enfants qu'on met au coin. Ceux qui disent des gros mots, on leur met un savon sur la langue. Moi je me suis pris un coup de bâton par une religieuse, ma soeur a été à la cave", détaille-t-elle.

Ses parents, eux, estiment avoir été manipulés. "J'étais rentrée déjà dans cet esprit de secte, donc on se dit qu'il ne faut pas trop écouter ses enfants. Il faut faire pénitence nous-même. Ils disent des choses qui ne nous plaisent pas mais c'est peut-être la volonté de Dieu, ce qui me paraît ridicule maintenant", poursuit la mère de famille.

La congrégation n'a pas répondu aux demandes d'interview faites par TF1. Alors le JT de 20H est parti à la rencontre des sœurs qui gèrent l'école où a été scolarisée la fille de Sybille. "On ne veut pas de publicité. On ne veut pas de contrat avec l'Etat pour rester libre", répondent-elles en choeur. Elles n'en diront pas plus.

Encore plus inquiétant. A l'heure où nous sommes confronté à une grave crise sanitaire, les positions anti-vaccin seraient fréquentes dans ces écoles. Lucie Guimier est géographe de la santé, elle s'est intéressée à l'épidémie de rougeole qu'a connu la France en 2008. "J'ai découvert que certaines écoles privées hors-contrat avec l'Etat étaient des foyers de propagation de la rougeole du fait que les enfants n'étaient pas assez vaccinés dans ces écoles", dit-elle. En fait, certains parents ne vaccineraient pas leurs enfants par conviction religieuse. 

"Avec l'entrée en vigueur en 2018 de l'extension du nombre de vaccins obligatoires, je pense que beaucoup de parents vont désormais penser à mettre leurs enfants dans des écoles privées hors-contrat parce que c'est plus simple d'y scolariser des enfants non vaccinés", ajoute-t-elle.

Depuis 2018, les conditions d'ouverture de ces écoles hors contrat ont été durcies, et 4 écoles ont été fermées. Aujourd'hui, il en reste encore une dizaine sous surveillance. Lors de son discours 


La rédaction de TF1info

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