ATTENTION DANGER - Alors qu'une enquête démontre qu'un jeune sur cinq regarde de la pornographie au moins une fois par semaine, nous avons cherché à savoir comment nous, parents, nous pouvons aborder la question de la sexualité avec nos enfants à l'heure des réseaux sociaux.
"Papa, maman, comment on fait les bébés ?" Sans parodier une célèbre pub des années 90 sur une bouteille de lait, quel parent n'a jamais été tétanisé par cette question ! Avec les plus petits, on peut toujours dégainer nos joyeuses métaphores de choux, de roses, ou encore de cigognes. Mais face à ses ados, il devient beaucoup plus difficile de parler de sexualité et d'aborder, notamment la question de la "première fois".
Surtout à l'heure des réseaux sociaux, ce monde virtuel dans lequel l'accès à des images sexuelles, crues et sans limites, est banalisé à outrance. Avec des chiffres sans appel : depuis 2016, 85% des 12-17 ans ont un smartphone avec accès à internet et 87% s'y connectent tous les jours, selon le Baromètre du numérique du Credoc. Et selon une enquête Ipsos dévoilée ce vendredi, 21% des jeunes (entre 14 et 24 ans) regardent des vidéos classés X au moins une fois par semaine (dont 15% des 14-17 ans) . 9% d'entre eux en regardent tous les jours et 5% le font même plusieurs fois par jour. "Cela a des conséquences sur le développement des jeunes les plus vulnérables et les moins structurés psychologiquement", avec un "rapport peu adapté à la sexualité" et une "addiction", relève le président du Fonds Actions Addictions à l'origine de l'enquête.
Alors pour vous aider à adopter la bonne attitude, on a glané de précieux conseils dans La revue trimestrielle de l'Ecole des parents qui vient de publier un dossier consacré à la "sexualité des ados à l'heure d'internet" (Editions Erès) et auprès du docteur Arnault Pfersdorff, fondateur de pédiatre-online qui consacre une thématique sur l'adolescence.
17 ans, l'âge moyen du premier rapport sexuel
Si l'on dresse un état des lieux, sachez d'abord qu'en dépit des nombreux discours qui prétendent qu'il baisse inexorablement, l'âge moyen du premier rapport sexuel stagne autour de 17 ans (17,4 ans pour les garçons et 17,6 ans pour les filles), et ce... depuis 30 ans. Une moyenne qui cache néanmoins certaines évolutions, avec notamment un écart qui a diminué entre les garçons et les filles. Ces dernières ne cherchant plus à vivre leur première expérience avec leur conjoint ou futur conjoint.
Par ailleurs, en matière d'éducation sexuelle, depuis 2001, des cours sont censés être dispensés dès l'école primaire, mais dans les faits, 25% des établissements n'en font pas et, plus tard, ce sont surtout les classes de quatrième, troisième et seconde qui en bénéficient. Avec désormais un concurrent de taille en la matière : Internet. Fini le temps où les garçons lisaient des magazines coquins sous le manteau ou regardaient des cassettes VHS en cachette. Désormais en un clic, et dès le plus jeune âge, on peut accéder à toutes sortes de contenus sur le sujet, avec à la clé des images de plus en plus trash. Ce réseau tentaculaire, qui affole bon nombre de parents, doit-il pour autant être cloué au pilori ?
Les orienter vers des sites fiables
Comme le souligne le Dr Arnault Pfersdorff, "il est plus simple d'aller sur la planète Mars que de vouloir interdire l'accès à internet à des jeunes et en particulier à des ados. On le sait, la contrainte encourage toujours le contournement. Il faut plutôt faire un travail très en amont, dès l'âge de 7 ou 8 ans, en commençant à aborder de manière simple les notions d'intimité et de droit à l'image. Et si ses questions vous gênent, ne pas hésiter à faire appel à un professionnel de santé".
D'autant que pour l'Ecole des parents, malgré toutes les infos glanées sur le web, les connaissances des jeunes restent très lacunaires. Selon Caroline Rebhi, coprésidente du Planning familial, "on entend encore souvent que la masturbation, c'est pour les garçons ; et les filles connaissent toujours aussi mal leur anatomie". Ainsi, d'après une enquête menée dans un collège de Montpellier en 2009, à 15 ans une fille sur quatre ne savait pas qu'elle avait un clitoris ! Quant aux questions que se posent les jeunes, elles sont à peu près les mêmes que celles de leurs parents : Comment ça marche ? Est-ce que ça fait mal ? Mon sexe a-t-il la bonne taille ?
Tous les professionnels s'accordent donc à dire que le numérique doit rester un outil d'information. Caroline Rebhi ajoute : "quand on est amoureux, on ne peut pas attendre le cours d'éducation à la sexualité ! D'où la nécessité de les orienter vers des sites avec de l'information fiable". A l'image, par exemple, de la websérie "Parlons peu, parlons cul!", animée depuis 2015, par deux jeunes comédiennes et qui remporte un franc succès sur YouTube. N'hésitez pas non plus à orienter vos ados vers les vidéos du site Onsexprime de Santé publique France ou d'Ameli.fr.
Dialoguer sans tabou
Pour autant, il ne faut pas se voiler la face, Internet ce sont aussi des sollicitations sexuelles non souhaitées, du harcèlement en ligne et des images pornographiques faciles d'accès. Alors comment protéger nos chères têtes blondes ? "Il faut rappeler aux parents d'être à l'écoute de leurs enfants et non à l'écoute de leurs propres peurs, dit à LCI Arnault Pfersdorff. Il faut repérer les changements chez son ado, et saisir des occasions quand on sent que c'est le moment d'en parler : une discussion, un repas à deux, un petit trajet en voiture. Quand l'ado est en confiance, il ne se sentira pas agressé." Même son de cloche pour l'Ecole des parents, pour qui la meilleure arme reste le dialogue. Même si l'on sait que le sujet de la sexualité reste complexe à aborder - pour un ado, son père ou sa mère restera toujours un être asexué - il faut trouver le bon compromis. Certains vont utiliser des livres ou encore des films pour faire passer des messages. A chacun sa méthode.
Il reste évidemment des problématiques plus complexes que d'autres à appréhender, à l'image des films pornographiques, que les jeunes découvrent la plupart du temps sans les avoir cherchés, juste en surfant sur des sites de téléchargement illégal ou de streaming qui les renvoient vers des sites spécialisés. Selon une enquête de l'Ifop publiée en 2016, à 15 ans, la moitié des adolescents interrogés ont déjà vu un film X. Là encore, les adolescents les mieux armés pour considérer avec recul ces images véhiculant généralement une domination de l'homme sur la femme, et pour ne pas les ériger en modèles pour leur sexualité en construction, sont ceux qui auront eu accès à une parole libre et sans tabou sur le sujet. Pour le psychanalyste Yann Leroux, "si l'on veut que les jeunes n'utilisent pas les films pornos comme des tutoriels, la famille doit jouer pleinement son rôle d'éducation aux rapports d'égalité entre les femmes et les hommes".
Eduquer à la notion de consentement
Et que dire si un parent tombe par hasard sur une photo dénudée de son ado sur un réseau social ? "Assez souvent, l'adolescent est plutôt dans le registre du narcissisme", décrypte dans la revue de l'Ecole des parents, le socio-anthropologue de l'adolescence Jocelyn Lachance. "En s'exposant dénudé ou dans une position lascive sur un réseau social, il cherche des validations et des invalidations auprès de ses pairs. Qu'est-ce que je peux montrer ? Jusqu'où ?" Attention cependant : exposer son corps sur internet peut aussi révéler un réel mal-être. Ainsi, régulièrement le docteur Arnault Pfersdorff voit défiler dans son cabinet des petites filles qui dès l'âge de 9 ans se disent vegan car elles ne veulent pas prendre de poids. "C'est un âge où il faut surtout être dans le paraître, l'image. Du coup pour la jeune fille il faut ressembler à une feuille A4 et c'est dramatique".
Dans le cas des sextapes - quand deux partenaires filment leurs ébats sexuels - le risque concerne là aussi les filles qui subissent bien souvent la pression de leur partenaire. Résultat, "les parents doivent l'armer pour y résister. Cela passe notamment par des détails de la vie quotidienne, par exemple lui donner la parole et l'inciter à exprimer ses désirs, solliciter aussi son frère pour les tâches ménagères", explique Yann Leroux. Et surtout, ils doivent éduquer leur ado à la notion de consentement. A-t-elle vraiment envie ou veut-elle juste faire plaisir à son partenaire ?
Car le danger est que ces sextapes peuvent parfois devenir de terribles armes de vengeance (revenge porn) et se retrouver exposées sur le net. A ce moment-là, "l'adolescente subit une attaque narcissique grave qui peut créer un traumatisme qui la poursuivra longtemps", analyse la psychologue Marion Haza. En tant que parents, nul besoin de se montrer trop moralisateur. "Leur fille aurait certes dû réfléchir avant, mais elle n'a rien fait de répréhensible. En revanche, le garçon qui a diffusé les images a, lui, transgressé la loi. Elle est la victime, il est l'agresseur", insiste-t-elle. Conséquence, il faut prendre position de manière claire et nette et porter plainte au nom de sa fille.
Et même si vous vous sentez bien souvent dépassés par la culture numérique, un seul mot d'ordre : soyez à l'écoute de votre adolescent. Comme le souligne Arnault Pfersdorff, "s'il est dans une famille où il y a de la bienveillance, un respect mutuel de l'autre, il est certain que ce sera plus facile pour lui de faire la différence entre le réel et le virtuel. Alors donnons-lui les clés pour qu'il se prémunisse des dangers d'internet et faisons-lui confiance", conclut le pédiatre.
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